[Live] Lollapalooza Paris 2019

Dimanche 21 juillet 2019

Sommaire

La Danoise MØ ayant connu le succès en 2015, en tenant le micro sur le titre « Lean On » de Major Lazer et DJ Snake, investit cet après-midi la « Main Stage 1 » du festival. Elle est accompagnée d’un line-up pop avec clavier, basse et batterie. Interprète généreuse, elle déploie toute son énergie sur scène avec un joli grain de voix, gonflé d’effets propres à son style « pop actuelle » (donc un peu électro forcément).
Tout en exécutant des danses épileptiques, comme possédée, elle nous offre une suite de morceaux tirée de ses deux albums studio de 2014 et 2018. Comme « Pilgrim » et « Red Wine », ou encore « Beatiful Wreck » et « Purple Like the Summer Rain ». Elle interprète aussi ses collaborations les plus notables, comme celle susmentionnée, mais aussi « Blur » avec Foster the People et « Don’t Leave », avec Snakehips. Elle entame la fin de son set en scandant : « don’t let this be our final song », et se lance dans le titre « Final song ». Habile !

Le jeune rappeur Roméo Elvis, Bruxellois d’adoption, a fait beaucoup parler de lui ces derniers temps, s’inscrivant dans une nouvelle mouvance francophone aux multiples facettes. Scène à laquelle appartiennent des artistes aussi différents que Angèle, Nekfeu, Thérapie Taxi ou encore Columbine et Lomepal. Clairement, au cas où vous ne l’auriez pas saisi, le hip-hop (et disciplines assimilées) se taille la part du lion dans le cœur des (jeunes) Français. La nuance est importante, car depuis les années soixante, ce sont les teenagers qui déterminent la tendance, et non pas les adultes. Pour faire plus court, passé 35 ans, notre avis ne compte plus. Chienne de vie. Revenons à notre rappeur belge. L’homme à un bon timbre de voix très grave, que l’on peut apprécier particulièrement lorsqu’il exécute des morceaux chantés, comme « Soleil », composé pour sa compagne, et « Malade ».

Bon maître de cérémonie, il harangue le public et l’exhorte à plus de violence (langage de rappeur pour demander de redoubler d’efforts dans la fosse). Il s’empare même de la guitare électrique sur un des titres et, modeste, lorsque la chanson se termine, lance : on va laisser faire les vrais musiciens.

Pour commencer son set, Ben Harper envoie un de ses musiciens, djembé en bandoulière, balancer une rythmique syncopée, tout seul sur scène. Et petit à petit les autres instruments viennent se greffer. C’est « Burn One Down ». Le natif de Californie se met à chanter d’une voix discrète et voilée pour commencer. Le morceau suivant, il s’empare de sa lap steel qu’il pose sur ses genoux et commence à massacrer méticuleusement. Son chant se fait plus plein, on se surprend à dresser la comparaison avec Otis Redding.

La section rythmique de Ben Harper est infaillible, c’est un moulin bien réglé qui tourne comme une horloge. Les coups de grosse caisse nous font remuer la cage thoracique comme autant d’uppercuts. Le chanteur sait prendre soin de son équipe et il confie le micro à son bassiste. Un colossal grand black à l’air jovial, sorte de Fats Domino des temps modernes s’il en est. Ce dernier se lance dans un duel avec le batteur puis ajoute qu’ils ont pour l’habitude d’en faire de même avec Ben. Ils s’exécutent. Le frontman toujours à la slide. Enfin, le bassiste chante un morceau d’une voix soul ultra convaincante. Il rend le micro à son chanteur. Le set reprend son cours, on remarquera en particulier « Diamonds on the Inside » et sa descente de guitare contagieuse.

Dans l’ensemble, chaque artiste ou groupe que nous avons vu sur scène affichait une belle aisance et un contact spontané avec le public. Mais dès l’arrivée des New-Yorkais de The Strokes sur scène, on gagne plusieurs crans sur cette échelle. Les Américains nous attaquent sans coup de semonce avec « Heart in a Cage » extrait de « First Impressions of Earth » dont le riff de guitare épique est comme un coup d’estoc et nous transperce de part en part. Suivi de deux autres titres du même album, dont « Ize of The World » ou à la fois, la voix du chanteur, et le solo d’Albert Hammond Jr. prennent des proportions homériques.
La fameuse nonchalance du frontman, associée à la relation entre les membres du groupe, toute semblable à un vieux couple qui se chamaille gentiment ne peut que nous faire sourire. Quel plaisir aussi de retrouver le timbre de baryton de Julian Casablancas et les phrases mythiques du quatuor. On sent cependant que quelques boulons restent à resserrer. Des soucis techniques surviennent. Le guitar tech du groupe s’empare du pedalboard (conséquent) de Nick Valensi. Ce sur quoi JC rebondit en marmonnant dans le micro : « That’s not a good sign ». Il occupe le public en scandant l’interlude mythique des Doors « Ride the Snake » sur « The End ».

Les affaires reprennent avec plusieurs morceaux du premier et second opus. Alors que nous arrivons sur « Under Control », slow indie rock, compas dans l’œil, Fabrizio Morreti, batteur de l’ensemble, se laisse emporter par les émotions et lance son intro de batterie syncopée sans crier gare. Le leader du groupe, « chill » à souhait, laisse passer une tournerie d’accord et se remet sur les rails. Il plaisante avec son batteur à la fin du morceau. Il intervient en français entre les chansons et nous explique même que la guillotine en France fonctionnât jusqu’en 1977. Très américain, il précise « not judging though », et Fabrizio Morreti d’intervenir à la volée : « yes, judging ». La foule rit.

Le show continue sur les trois premiers albums (les plus fidèles à l’esprit original du groupe selon nous) et voit passer l’épique « On the Other Side » ou la basse de Nikolai Fraiture tonne, rejointe par la guitare qui la double. La voix du chanteur est aussi admirablement efficace, mélodieuse et écorchée. Il commence dans les aigües sur le couplet et livre de beau graves sur le refrain. Avant d’entamer la fin du set, le chanteur précise qu’il n’y aura pas de rappel, mais qu’ils vont tout donner sur les derniers titres. Et c’est en effet le triplé « Someday », « Is This It » puis « Last Night » et sa basse bucolique qui nous achèvent. Le groupe salue chaudement le public. Fabrizio lance ses baguettes dans la foule, Albert son médiator. C’est déjà fini. Bonjour tristesse.

Lollapalooza fut créé par Perry Farrell, leader du groupe Jane’s Addiction pour offrir une fenêtre médiatique aux groupes plus underground. Aujourd’hui, le festival, appartenant à l’écurie Live Nation, a su évoluer et s’adapter au goût de l’époque, en intégrant des artistes EDM et hip-hop à l’agenda. Il a perdu un peu de son esprit originel, c’est vrai, mais le but d’un évènement de cette taille n’est-il pas d’offrir au public le divertissement qu’il souhaite, plutôt que de les forcer à aimer autre chose par un purisme excessif ?


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Henri Masson

Henri Masson

Auditeur avide d’indie rock au sens large. En quête de pop songs exaltées.