[LP] Da Capo – Paradise

Septième album pour ces Français, et pourtant toujours un statut de secret bien gardé. Chose qui pourrait changer avec cet opus de rock orchestral qui ne pourra laisser personne de marbre.

23h17, nous en sommes seulement à la conclusion de « Mistress », la deuxième chanson de l’album « Paradise » de Da Capo, mais nous appuyons sur pause. Le temps d’essayer de comprendre ce qui vient de nous arriver, mais aussi d’envoyer un message à notre cercle d’amis audiophiles pour leur dire d’aller de toute urgence écouter ça. Qu’est-ce qui a bien pu nous mettre dans tous ces états ? Une suite d’accords célestes au piano, digne de « The Great Gig in the Sky » (le chef-d’œuvre ultime de Pink Floyd ?), nous fait naviguer au gré de son spleen dans une balade étrange. Et puis les chœurs démarrent et nous prennent aux tripes. « Mistress » n’est pas une chanson, mais un véritable voyage sensoriel. Une montée en tension progressive parée d’une instrumentation élégante qui se rapprocherait presque de la musique classique. Ça ne sera heureusement pas le seul morceau de bravoure d’un disque, qui proposera pendant 44 minutes une foule de titres qui brillent par leur richesse.

Comme par exemple « Lonely », avec sa batterie jazzy survoltée, ses cuivres éructant et ses cordes comme un véritable essaim d’abeilles. Une sorte de jazz nourri d’oxymores, sombre et lumineux à la fois tel que l’affectionne Robert Wyatt. En 2002, Alain Bashung a sorti « l’Imprudence », un disque (peut-être son meilleur) audacieux et paré d’une orchestration digne de la musique classique, un véritable OVNI dans sa discographie. « Paradise » pourrait être son pendant plus rock et anglophone. Ainsi tout comme dans « L’Imprudence », la prise de risque semble être ici le fil conducteur, et Da Capo ne va jamais cesser de se mettre en danger durant les dix morceaux qu’offre l’album. C’est cette envie de proposer une aventure sonore, avec une production luxuriante regorgeant de surprises à chaque morceau, qui fait au final de ce disque un vrai tour de force. Comme sur le final « Horn’s Lament », dont le titre (« lamentation du cuivre ») inaugure déjà de la manière dont les instruments vont nous emporter.

Derrière ce projet, un homme : Alexandre Paugam, la tête pensante du groupe. Son chant, qu’on pourrait qualifier d’affecté – mais sans connotation péjorative – peut diviser. Mais cette gravité empreinte de fragilité qu’on pouvait entendre chez Roger Waters de Pink Floyd est courageuse. Il chante comme si sa vie en dépendait, mais au fond n’est-ce pas le cas ? Il se met à nu. Lui, ses émotions, son âme, ses doutes, qui il est vraiment. Une telle honnêteté donne nécessairement le vertige.

« Paradise » est au final un disque qui ne peut laisser personne indifférent. Un petit miracle à la fois élégant et intense, mais surtout un véritable coup de foudre. Si le disque ne leur offre pas la postérité qu’ils méritent, Da Capo pourra malgré tout se satisfaire d’avoir un jour tutoyé les étoiles.

« Paradise » de Da Capo est disponible depuis le 12 février 2021 chez Autruche Records.


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Sébastien Weber

chroniqueur attaché aux lives comme aux disques d'exception