[Live] Best Kept Secret Festival 2022

Vendredi 10 juin 2022

Sommaire

Giant Rooks : boys band rock tiré au cordeau

Sur la troisième scène baptisée The Secret, Giant Rooks saisit les festivaliers du milieu d’après-midi. Chauds, mais pas encore rôtis. Les yeux des spectateurs du premier rang sont pleins d’étoiles quand Frederik Rabe et ses collègues déclenchent les hostilités. Le quintette allemand avait fait un petit buzz en 2019 avec sa participation à la reprise du morceau de Suzanne Vega, « Tom’s Diner », sur la chaîne YouTube d’un autre groupe germanique, AnnenMayKantereit. Giant Rooks, c’est du rock pop parfait pour 2022. Les chansons sont solides, le chanteur a une belle gueule et une voix taillée pour les plateaux de télévision, puissante et juste avec de l’amplitude et les intonations heurtées qui vont bien, empruntées au R&B US. Le tout avec un petit grain blues, effet toujours aussi efficace sur les jouvencelles depuis que dieu a inventé John Lennon.

Mais surtout le son est propre, pas de punk ici, mais des professionnels qui savent ce qu’ils font. En fait Giant Rooks, c’est comme si The Strokes période « Is This It » avait fait des bébés avec un boys band des années 90, un côté new wave en plus (un bon exemple vaut mieux que de longues explications, parait-il). Bref, le groupe se donne généreusement et échange avec le public, la batterie cogne et tout est en place, le frontman prend soin de demander à la foule si tout va bien tous les quelques morceaux. On entend les refrains repris en chœur par les fans : « Heat Up », « Wild Stare », « Misinterpretations ». La fameuse reprise obligée du morceau de Suzanne Vega y passe : c’est un succès.


Mavis Staples : le blues qui soigne

Flanquée de vieux briscards qui l’accompagnent à merveille, la soulwoman américaine distille un gospel électrique bien évidemment dégoulinant de blues et autres musiques afro-américaines qui font trembler la terre.
La chanteuse a la voix comme du papier de verre quand elle envoie les watts et ce sont les cheveux dans notre nuque qui se dressent. Mais ce n’est pas n’importe qui debout devant nous ce soir : Mavis Staples qui, avant d’être son propre patron, fut à la barre des Staples Singers ; groupe légendaire des années 60 qui fut non moins que le soutien officiel de Martin Luther King lors de ses luttes pour les droits civiques. Elles et ses comparses suivirent King sur les routes lors de ses représentations.
Qu’importe les années qui passent, Mavis a toujours bon pied bon œil. Et avec ses musiciens, elle nous emmène, dans tous les tempos. Gros beats, riff Chicago blues épais, solos de Telecasters cinglants, puis petites enluminures soul pétillantes du même instrument. Et enfin R&B lents, la foule ferme les yeux et chaloupe doucement, les couples s’enlacent, le temps ralentit.

Le blues de Mavis Staples, c’est le blues qui soigne. On en retient à la fois son répertoire : « Brothers and Sisters », « Who Told You That », celui des Staples Singers, « I’m Just Another Soldier », « Let’s Do It Again » et des covers surprenantes de The Band (« The Weight ») et des Talking Heads (« Slippery People »).


Sigrid : the diva next door

La jeune chanteuse norvégienne se fit remarquer en 2017 avec son single « Don’t Kill My Vibe », succès transnational, en Europe et dans le Commonwealth. Depuis elle en est à quatre albums et continue de remplir les salles lors de ses tournées. Elle est devant nous ce soir dans une combinaison scintillante. Accompagnée d’un groupe à l’énergie bien rock, elle chante ses tubes d’une voix totalement maitrisée. La jeune femme déclarait en 2022 à News Portel qu’elle déplorait être parfois discréditée comme un produit marketing de l’industrie de la musique, alors qu’elle sait que c’est son travail qui l’a conduite là où elle est.

Quoi qu’il en soit à en croire les yeux émerveillés dans la fosse, son public la suit. À retenir : « Sucker Punch », « Head on Fire », « A Driver Saved My Night » et « Don’t Kill My Vibe ».


Leon Bridges : Kung Fu Fighting

L’Américain arrive looké comme un proxénète disco tout droit sorti d’un film de la blaxploitation, et qui bosserait pour les Black Panthers à ses heures perdues. Bob noir velu vissé sur la tête, grosse lunette de mouche, pattes d’eph et bottines à talons hauts.
Le son est un mélange de rythmn & blues traditionnel (entendre par là 50’s-60’s) et de funk originel. Les musiciens sont solides et lui donnent les ornements et l’écrin nécessaire pour soutenir son grain de voix suave à la Sam Cooke.

La grande banderole de fond de scène affichant une panthère portant l’inscription Fort Worth sur couché de soleil, puis le blouson de Bridges ayant dans le dos inscrit Southside players finissent d’ancrer l’univers Films de Kung-Fu Disco 70’s. C’est tout juste si on n’imaginait pas Jim « Dragon » Kelly traversant la banderole d’un sidekick aérien et rugissant. Mentions spéciales : « Brown Skin Girl », « Texas Sun », « The River » et « Coming Home ».


Jessie Ware : disco queen

Depuis son premier album « Devotion » il y a déjà dix ans, la nouvelle reine de la pop londonienne Jessie Ware n’en finit plus d’enchaîner les disques à succès à l’instar de son tout dernier et quatrième album en date, “What’s Your Pleasure” sorti durant l’été 2020 aux hits féministes et empowerés.

Épatante chanteuse, époustouflante performeuse et danseuse à l’instar de notre très prisée Chris(tine) and the Queen, Jessie Ware ne laisse rien au hasard durant une heure d’un set brûlant et sensuel mettant en lumière toute l’expérience de l’Anglaise acquise en une décennie de hits planétaires. Généreux également constamment accompagnée de sa troupe de danseureuses choristes transformant la stage en piste de danse à la vibe solaire et follement disco. Mentions spéciales à « Spotlight », « Save a Kiss » et l’incontournable « What’s Your Pleasure ». Hot, very hot !


DIIV : stoner et post punk à la tombée de la nuit

Emmené par Zachary Cole Smith, les gars de DIIV ressemblent à tes potes babacools du lycée, ceux qui fumaient leur splif dans le parc du coin à la pause en écoutant « Jeune et Con » de Damien Saez et qui, maintenant, travaillent dans la banque. Les cheveux XXL et pantalon baggies à motifs qui disent : « je suis allé en Inde cet été, j’ai caressé un éléphant (solidement ramolli par des sédatifs) et cette expérience a changé ma vie ».

Le groupe est actif depuis 2011 et draine une fan base significative avec eux. Ils passent tard sur la scène The Secret, quand la nuit est déjà bien noire. L’heure à laquelle les fans qui viennent écouter les groupes de leur cœur croisent les ravers en vitesse de croisière, une bière à la main et un bâtonnet fluorescent vert attaché autour du cou.  Côté son, on a affaire à du rock indé parfum cold wave et post punk, avec des touches de stoner et shoegaze pour les plus pointus. À écouter en priorité : « Skin Game », « Acheron » et « Blankenship ».

Henri Masson

Henri Masson

Auditeur avide d’indie rock au sens large. En quête de pop songs exaltées.