[Live] And Also The Trees au Café de la Danse

Nous avions été charmés par son album « Born Into The Waves » sorti au début de l’année, captivés par son passage réussi au Petit Bain en mars. C’est donc naturellement avec le cœur enthousiaste que nous nous sommes dirigés vers le Café de la Danse le 16 octobre dernier pour la nouvelle date parisienne exceptionnelle d’And Also The Trees. En effet, le groupe de Worcestershire a annoncé une prestation inédite puisqu’il assure lui-même sa première partie, se renommant Brother Of The Trees pour l’occasion, et promettant un set composé de raretés et d’improvisations.

And Also The Trees © Jérôme Sevrette
And Also The Trees © Jérôme Sevrette

Le concert affichant complet, c’est sans surprise que nous voyons la salle se remplir totalement devant un décor sobre donnant le ton de l’ambiance de la soirée : trois chaises simples posées au milieu de la scène, un grand mur de pierre éclairé derrière. C’est sous les applaudissements généraux que les deux frères montent sur scène et s’assoient casuellement, lançant la soirée avec une introduction minimaliste et expérimentale portée par la guitare alourdie d’effets de Justin Jones alors que Simon, méditatif, semble autant s’imprégner de la musique que nous. L’improvisation dure plusieurs minutes magiques avant d’enchaîner subtilement sur l’hypnotisante « Bloodline », première rareté. Les notes semblent réveiller la voix suave du chanteur, accompagnée des mains crispées, des gestuelles déchaînées. La musique ne s’arrête pas à la fin de la chanson : la note finale de la chanson est maintenue par les nappes d’effets et Simon continue avec un autre poème de 2011 en spoken word. Tour à tour, musique et poésie s’associent, se séparent, s’envolent. L’intensité de la représentation est perceptible dans les regards émus, fixés sur cette expérience d’intimité se dégageant de la musique dénudée.

De longs applaudissements et bravos cadencent la performance mélangeant avec brio les raretés annoncées (par exemple, les perles de ses premiers albums comme « The Tease The Tear » ou « Gone… Like The Swallows », que les deux musiciens s’autorisent à modifier et adapter, montrant leur prise de maturité), des phases d’improvisation ou des poèmes récités. Un autre membre du groupe les rejoint alors pour renforcer l’intimité de « Whiskey Bride », puis finalement les deux musiciens restants les complètent dans cette odyssée sonore, comme si d’une simple brise s’élevait un ouragan. Les instruments remplissent un espace sonore dont nous ne soupçonnions pas l’existence et le set continue à se dévoiler, mélangeant « Winter Sea » du dernier album à des chansons plus anciennes comme « Only » et « The Woman On The Estuary ». Brother Of The Trees semble avoir choisi méticuleusement les chansons les plus propices à cette proximité, à cette idylle commune au sein de laquelle les instruments paraissent communiquer directement avec nous et les mots semblent spécialement faits pour nous faire vibrer. La première partie s’achève sur le final inoubliable d’intensité qu’est « Domed » ; Simon tombant à genoux face à la véhémence des instruments puis, comme terrassé, s’en va s’asseoir dans le fond de la scène pour reprendre ses forces. Un tumulte foudroyant couronnant une prestation extraordinaire, remplissant définitivement les promesses qu’elle portait.

Après une courte pause, And Also The Trees revient sous la ferveur des applaudissements pour reprendre le set habituel de cette tournée, presque similaire à celui qu’il avait performé en mars. C’est pourtant un concert que nous pourrions voir tous les soirs pendant des mois sans jamais nous en lasser tant la puissance de « Your Guess », le groove suave de « Hawksmoor & The Savage » ou encore le refrain poignant d’« A Room Lives In Lucy », sur lequel les fans chantent les chœurs présents sur la version single, sont époustouflants à vivre. Le jeu de scène des musiciens, mis en valeur autant par celui de lumières sophistiquées que par leurs poses théâtrales et leurs vêtements dandy, donne aux chansons une dimension formidable. Le groupe alterne entre des chansons du nouvel album, comme les envoûtantes « The Sleepers », « Bridges » et « Borden », où les harmonies entre les deux guitares servent de tremplin à la voix, et des chansons majeures de leur riche discographie comme « The Legend of Mucklow » et son refrain féroce ou la poésie lacérante de « Virus Meadow », la chanson éponyme de son album le plus réputé.

Après la contemplative « Mermen Of The Lea », sur laquelle la guitare en trémolo de Justin apparaît au paroxysme de sa beauté simple, les applaudissements s’éternisent même, forçant le groupe à attendre et illustrant alors bien la réussite du concert. Les musiciens n’hésitent pas ici non plus à transformer légèrement chaque chanson pour lui apporter une dimension différente adaptée à leur prestation. L’atmosphère oscille ainsi entre l’intime et l’intense, le groupe invoquant différentes ères en n’hésitant pas à connecter le souffle brûlant du vieux tube « Shaletown » au véloce « Brother Fear », les faisant paraître comme connectés bien que dix ans séparent ces compositions. Les nouvelles chansons même, comme l’éthérée « The Skeins Of Love » ou la débordante « Bridges », se logent parfaitement au sein de cet assemblage et assurent même sa cohérence.

Cela fait plus de deux heures et demie que nous sommes en face du groupe et pourtant, c’est avec un pincement au cœur, que nous les voyons s’éloigner de la scène. Néanmoins, la ferveur des applaudissements voit le groupe anglais revenir rapidement pour repartir de plus belle avec l’hymne post-punk « Prince Rupert », avec sa ligne de basse somptueuse et son refrain dégorgeant de puissance romantique. Sans souffler, il enchaîne avec sa chanson la plus célèbre, « Dialogue », et son groove flambant arrive même à faire danser la partie assise de la salle. C’est ensuite à « Missing », dont l’atmosphère jazzy laisse rapidement place à un solo fanatique, d’achever ce premier rappel d’une manière aussi sombre qu’il avait commencé. À peine le temps de sortir ses guitares que le revoici pour une deuxième relance sur la mythique « Slow Pulse Boy » et sa ligne de guitare intemporelle qui fait presque office de manifeste du son d’And Also The Trees. Les dernières notes rageuses de la chanson résonnent encore que les applaudissements reprennent, cette fois sans parvenir à faire remonter les musiciens sur l’estrade une troisième fois. Cependant, les ovations ne s’arrêtent quand même pas, montrant bien la volonté du public de remercier le groupe pour ce double concert inédit ayant définitivement comblé les attentes ; et nous nous disons alors que le « tomorrow the sun shines » ayant clôturé la performance ne peut qu’être prémonitoire si demain porte la promesse d’un autre concert d’And Also The Trees.


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Noé Vaccari

Étudiant passionné par le post-punk et la musique alternative en général