[Clip] Zola Jesus – Siphon

L’un des plus beaux titres du nouvel album de Zola Jesus prend vie sur le regard à la fois tendre et sombre de Zia Anger ; ou comment réconcilier l’obscurité et la vocation d’une lueur nouvelle à travers un court-métrage fascinant, dans lequel l’artiste se met en scène de la façon la plus sincère et intense possible.

« Okovi » demeure l’un des opus les plus bouleversants de 2017, retrouvailles tant attendues avec la belle et mystérieuse Zola Jesus ; un regard sur soi, sur l’autre. Une ouverture sur ses propres capacités et la façon dont elles peuvent, à elles seules, bouleverser les idées reçues et les peines les plus enfouies. Parmi la collection de perles mélodiques froides et enchanteresses que comporte cet inoubliable album, « Siphon » sortait du lot, notamment du fait de son refrain aussi hypnotique que désespéré (« Won’t let you bleed out, can’t let you bleed out… ») et ouvert à la possibilité d’un futur plus radieux, malgré les cicatrices. Poser des images sur ce paradoxe semblait presque impossible ; pourtant, c’est aujourd’hui chose faite, et certainement de la façon la plus adéquate et proche du propos originel. Ne pas essayer de cacher l’impuissance ; mais ne pas oublier, non plus, de la transformer en énergie, en sacrifice, en pardon.

Inspirée d’une épreuve personnelle qu’elle expose dans le commentaire accompagnant cette œuvre plastique métaphysique et songeuse, Zola Jesus se positionne en maîtresse de cérémonie, à la fois blessée et luttant contre l’abandon. Il suffit d’un regard pour comprendre que la décision, prise consciemment, s’inscrira dans chaque pore, au creux de chaque pictogramme ; dans leur grisaille et leur pluviosité, comme dans leur observation, intime et extérieure, de la finalité. La caméra s’éloigne, baignant Zola Jesus dans une pluie de sang bientôt rejointe par l’éblouissante sincérité d’un désir salvateur. Une dichotomie au centre de laquelle toute la force de persuasion, mais aussi l’aveu d’impuissance, s’illustrent à la perfection. Une sauvagerie contenue, une violence picturale soutenue qui nous perturbent, mais nous font également saisir notre rôle crucial fac à ce que Camus désignait comme le véritable problème philosophique de notre société. La chanteuse accepte le liquide chaud et symbolique d’une fin tragique, tout en ne refoulant aucune responsabilité, afin de se positionner non pas comme une providentielle déesse capable de remettre chacun sur le droit chemin, mais en faisant siennes les pulsions des êtres qu’elle aime. Un témoignage édifiant, exemplaire et franc, qui nous invite à agir, quel qu’en soit le prix.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.