[Interview] Will Samson

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De passage en France pour le festival Hibernarock, dans les belles montagnes du Cantal, l’Anglais Will Samson, musicien atypique et discret de la scène indépendante, est revenu pour indiemusic sur sa vision de la musique et sur la création de son nouveau disque.  Auteur du somptueux « Ground Luminosity » sur l’excellent label Talitres en novembre dernier, il développe un folk fragile et cotonneux, teinté d’électronique et de textures vintage, et sur lequel s’invitent des musiciens talentueux comme le Britannique Message To Bears. Bienvenue dans l’univers feutré de Will Samson.

crédit : Sam Lea
crédit : Sam Lea
  • Tu es un musicien singulier et passionné, avec un univers très personnel, qui interroge les sens. Comment la musique est-elle venue à toi ?

Mon père était un vrai fan de musique et un joueur de guitare ; aussi, la musique a toujours fait partie de mon environnement durant mon enfance. J’ai également eu la chance d’avoir quelques amis proches dans mon adolescence qui m’ont initié à beaucoup de musiques incroyables que je n’aurais jamais pu entendre à la radio ou à la télévision.

  • Es-tu un musicien solitaire ? Un « bedroom musician »* comme pourrait le laisser supposer ta musique ? Nous savons que tu collabores régulièrement avec d’autres musiciens comme le groupe Fennster, pour lequel tu joues de la batterie en tournée, ou encore l’Allemand Heimer, mais aussi avec Benoît Pioulard, avec qui tu partages une certaine vision de la musique ? As-tu besoin d’aller vers les autres pour nourrir ta musique ? (* un musicien de chambre selon l’expression anglaise)

Être un musicien solo peut entraîner de grands moments de solitude. Par exemple, il peut y avoir beaucoup de choses à planifier, ce qui peut être un peu écrasant. Cependant, je jouis évidemment d’une liberté artistique complète, ce qui n’est tout simplement pas possible dans un groupe. J’essaie d’éviter de jouer en solo ces jours-ci, car il est beaucoup moins stressant et beaucoup plus amusant d’avoir un ami ou deux sur scène avec moi.
Les collaborations se transforment toujours en un exercice très sain au niveau de l’écriture. Il est vraiment important d’être poussé hors de sa zone de confort. Cela a été particulièrement le cas lorsque je travaillais sur le projet « Animal Hands » avec Heimer, tant son travail était si différent de ma façon d’aborder la musique en solo.

  • Ton univers sonore est de plus en plus marqué sur « Ground Luminosity » (sorti en novembre 2015 chez Talitres) ; nous serions tentés de dire qu’il est teinté de nostalgie, un peu comme ces vieux t-shirts délavés qu’on ne jette jamais tellement on les aime. Dans quel état d’esprit étais-tu pour l’écriture et la réalisation de cet album ?

Il a été écrit et enregistré sur une période de deux ans, donc mon état d’esprit a beaucoup changé pendant ce laps de temps. Il y avait à la fois des jours remplis d’un espoir enfantin, et puis des jours de complet désespoir aussi.
Je réfléchis beaucoup sur la mort et la mortalité, mais jamais d’une manière solennelle et pesante.
Je pense qu’il est extrêmement important de se rappeler, chaque jour, que nous sommes ici pour un temps très court. Nous devrions toujours nous efforcer de tirer le meilleur parti de chaque instant ; même si, dans la réalité, cela semble parfois impossible. Il y a certaines choses qui ne peuvent jamais être précipitées, comme certains aspects des relations privilégiées.

Will Samson - Ground Luminosity

  • Sur ton album, il y a notamment le morceau éponyme avec ce sample de piano. La texture sonore pourrait évoquer des sons de pianos, qui auraient imprégné la vieille tapisserie d’une maison abandonnée. C’est comme si tu avais trouvé le procédé pour extraire cette matière sonore emprisonnée dans le tissu et obtenu ce grain si particulier. Le son est-il aussi important pour toi que les mélodies ? Un album comme « Music for Airports » de Brian Eno a du beaucoup compté pour toi, non ?

Oui, le son et la texture des mélodies sont très importants pour moi. Une certaine magie opère à travers l’enregistrement sur des bandes anciennes ; voilà qui excite sans cesse mes oreilles. J’utilise des sons numériques plus souvent maintenant, mais j’ai tendance à les traiter avec des machines à bandes. Je ne peux pas résister au fait de procéder de la sorte.
En fait, je n’ai jamais écouté « Music For Airports » ! Je ne suis pas trop familier avec le travail de Brian Eno, même si ma musique est souvent comparée à la sienne.

  • Au milieu de ce magma sonore émerge ta voix. Nous avons l’impression que tu as de plus en plus de plaisir à chanter. Qu’en est-il ?

Pendant longtemps, j’ai ressenti comme le besoin de faire une pause avec le chant. Je ne prenais plus de plaisir. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais ma vie était parsemée d’un stress latent, qui a eu une influence considérable sur mon expérience personnelle. Cependant, j’ai appris lentement à apprécier de nouveau le chant tout en faisant cet album. Maintenant, j’aime chanter plus que jamais, je sens que ma voix a beaucoup progressé.

  • Comment as-tu amené ces morceaux sur scène ? Et, plus généralement, comment envisages-tu la scène ?

La scène nécessite aujourd’hui beaucoup de préparation, notamment au niveau des échantillons sonores. J’ai aussi une vieux synthé/basse analogique et un « delay » à bande qui font partie intégrante de mon installation. En règle générale, il y a beaucoup plus de « happening » et de rythmes sur scène. Je suis parfois assez chanceux d’être rejoint par Beatrijs De Klerck, une violoniste très talentueuse qui a joué sur mon album, ainsi que par mon cher ami Ollie Loudon, pour la partie électronique, claviers et chœurs.

  • Nous sommes tombés sur une playlist que tu as réalisée pour le site I-D, (« Slumber Session » de Will Samson), qui finalement nous a un peu plus éclairés sur ta personnalité et ta sensibilité. Il y a pas mal de mystère autour de toi. Ainsi, on imagine que tu n’es pas seulement un musicien, mais un artiste complet, au sens noble du terme. Quelles sont les autres disciplines que tu pratiques ?

Même certains de mes amis proches me disent que je suis un mystère. Je ne sais pas comment cela est arrivé. C’est juste la façon dont le monde m’a façonné. Je préfère écouter et observer que d’être le centre de l’attention.
J’aime aussi prendre des clichés avec mon ancien appareil photo, un reflex argentique à focale 35mm. Récemment, j’ai aussi appris à créer des films d’animation en « stop motion ». Le processus est très lent et très méticuleux, ce qui est parfait pour moi. Je rêverais d’avoir un petit studio d’art, où je pourrais vraiment m’impliquer dans la création en général.

crédit : Sebastian Urzendowsky
crédit : Sebastian Urzendowsky
  • Ta musique trouve un bel écho underground chez les fans de musiques indépendantes, en France notamment. Quel rapport entretiens-tu avec ce pays, avec ce public que l’on dit parfois très exigeant ? Ton label Talitres est français : Quels liens as-tu avec ce label, et en particulier avec Sean, le patron de Talitres ?

Un bon ami à moi, en France, me parlait souvent de Talitres, donc j’avais connaissance de sa réputation et de son image depuis quelques années. J’ai simplement envoyé l’album, une fois qu’il a été fini, et j’ai été très heureux d’apprendre que Sean voulait le sortir.
Je n’ai pas beaucoup joué en France, mais j’espère pouvoir visiter pleins de lieux cette année. J’ai joué au Festival Soy à Nantes en 2013, ce qui reste l’un de mes plus beaux souvenirs scéniques.


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ENGLISH

crédit : Sam Lea
crédit : Sam Lea
  • You are a passionate and unique musician with a very personal universe, which speaks to our souls. How music came to you?

My Dad was a real music fan and played guitar, so it was always in my peripheral vision growing up. Apart from that though, I was lucky enough to have a few close friends in my teenage years who introduced me to a lot of amazing music that I would never have heard on the radio or TV.

  • Are you a lonely musician? A bedroom musician as might suggest your music? We know that you collaborate regularly with other musicians like the band Fennster group for which you play the drums on tour, the German musician Heimer and also with Benoît Pioulard with whom you share a certain vision of music? Do you need to reach out to others to feed your personal music?

Being a solo musician certainly has its lonely moments. For example, there can be a huge amount to plan on my own sometimes, which can be a little overwhelming. However, I obviously have complete artistic freedom, which is just not possible in a band set up. I try to avoid touring or playing solo shows these days, as it’s much less stressful and much more fun to have a friend or two on stage with me.
Collaborations always feel like a healthy exercise in song-writing. It’s really important to be pushed out of your comfort zone. This was especially the case when I worked on the ‘Animal Hands’ record with Heimer, as a lot of it was so different to my solo music.

  • Your sound world is becoming more pronounced on « Ground Luminosity », tinged with nostalgia, as these old faded t-shirts that we never throw away because we love them so much. In what state of mind you have been, writing and making of this album?

It was written and recorded over a two-year period, so my state of mind changed a lot during that time. There were days of childlike hopefulness and then days of complete hopelessness too.
I reflected a lot on death and mortality – but never in a heavy, solemn way. I think it’s incredibly important to remind oneself daily that we are only here for such a short time. We should always strive to make the most of each moment, however sometimes that just feels practicality impossible. There are some things that can never be rushed, such as certain aspects of close relationships.

  • The eponym track with the piano sample is so particular. The texture may sound evoked piano sounds that have permeated the tapestry of an old abandoned house. It is as if you have then found the process to extract the prisoner sound material of the walls and got that grain so special. The sound is also important for you as the melodies, or even more? Is the album « Music for airports » from Brian Eno’s means a lot to you?

Yes, the sound and texture of the melodies is very important to me. There is a certain magic with recording on old tapes, which continually excites my ears. I have started using digital sounds more frequently now, but still tend to process them through some form of tape machine. I can’t resist.
I have actually never listened to “Music For Airports”! I am not too familiar with Brian Eno’s work, but my music is often compared to his.

  • In this strange wall of sound, your voice emerges. We should feel that you have more pleasure singing now? Is it real?

For a long time, I felt as though I needed a break from singing. I wasn’t enjoy it anymore. I’m not sure why, but I had some underlying stress in my life which was effecting the experience for me. However, I slowly learnt to appreciate it again whilst making this album. Now I love singing more than ever before, and feel that my voice has improved a lot, compared to previous releases.

crédit : Sebastian Urzendowsky
crédit : Sebastian Urzendowsky
  • How did you bring these new tracks on stage and generally how you’re planning stage solo?

The live show uses a lot more beats / samples now. I also have an old analogue bass synth and tape delay, which I bring with me. Generally, there is a lot more happening and much more gear. I am sometimes lucky enough to be joined by Beatrijs De Klerck, a very talented violinist who performed on the album, as well as my dear friend Ollie Loudon, who plays electronics / keyboards / backing vocals.

  • We stumbled on a playlist you have created for the site I-D, (slumber session of Will Samson), who finally a little more enlightened about your personality and your sensitivity, because some mystery surrounds you. So we can now imagine that you are not only a musician, but a complete artist in the best sense of the word. What are the other art you practice?

Even some of my close friends tell me that I am a mystery. I’m not sure how that has happened… that’s just the way the world has shaped me. I prefer to listen and observe, than be a focus of attention.
I also love taking photos with my old 35mm SLR camera. Recently I have been learning to create stop motion animation films too. The process is very slow and meticulous, which is perfect for me. I’d love to have a small art studio where I could really get more involved in it.

  • Your music has an underground echo with fans of independent music in France. What relationship you have with that country, with the french people that we sometimes say very demanding? Your label is also french? What links do you have with, and in particular with Sean, the boss of Talitres?

A good friend of mine from France often spoke about Talitres, so I have known about the label for a few years. I simply reached out to them once the album was finished, and was happy to hear from Sean that they wanted to release it!
I have not performed that much in France, but hope I can tour their lots more this year. I played at Soy Festival in Nantes back in 2013, which was one of my favourite shows ever!


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Laurent Thore

Laurent Thore

La musique comme le moteur de son imaginaire, qu'elle soit maladroite ou parfaite mais surtout libre et indépendante.