La poésie enténébrée d’un être créatif en proie à ses interrogations, à ses besoins viscéraux d’exprimer, grâce à la musique, les hantises d’une existence portée par l’art global. « Anom », ou les chroniques d’une déambulation jamais programmée mais vécue avec intensité, à la frontière du danger pour soi-même.
Les mots d' »Enfance IV » d’Arthur Rimbaud introduisent « Anom » et vont, au fil de dix pistes souffreteuses, porter en leur sein l’errance de Waterwalls. Xavier Ridel, compositeur obsessionnel n’hésitant jamais à se mettre en péril pour accomplir sa mission, se présente à nous dans son plus simple appareil instrumental et verbal : impossible à nommer, à définir, à ancrer dans un univers particulier, baignant d’atmosphères tour à tour personnelles et puissantes, de l’intimité de l’âme au défoulement du corps. Retenant son souffle jusqu’à l’étouffement, il éclate, répand ses souffrances et désirs avec une acuité hors du commun, rencontre parfaite des émois du rock et de ceux, plus obscurs, de sonorités minimalistes et en péril.
Ce mélange malin et essentiel d’extraits sonores et de chants lents et hantés inspire une confiance inédite dans l’écoute ; une reconnaissance de nos propres pertes de repères, selon des situations toujours parfaitement définies. « Strong » fait de l’égarement une source de réconfort, un instant de vie dont l’issue est tout sauf fatale. Plus loin, l’espoir inhérent à la beauté d’un noir d’encre des réverbérations de « Sky Stealers » baigne l’humain de couleurs surréalistes, de mains tendues appelant à l’aide ou, parfois, se résignant à leur funeste destin (« For All The Times We’ve Tried »). En entremêlant les parfums amers de la mélancolie et les senteurs boisées ou maritimes d’un mouvement planétaire perpétuel, Xavier Ridel dessine les paysages brûlés (« Anom ») ou étoilés d’un espace vierge qui, percutant de plein fouet les atomes d’une existence nouvelle, se révèle à nous, indescriptible tout d’abord puis empli d’une profonde affection, d’un mouvement constant et salvateur (« Your Name », « Out In The Cold »).
Tandis que la rédemption semblerait, en premier lieu, être condamnée à son sempiternel état de mirage inatteignable, elle se fait chair grâce à « Anom », mystère de cieux protecteurs dont nous détenons cependant la clé. Celle que Waterwalls nous confie, gravant dans nos esprits les codes et cartes qui nous permettront de trouver notre voie.
« Anom » de Waterwalls, disponible depuis le 6 mars 2020 chez In Silico Records / Kuroneko.
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