[Live] Wall of Death et Satellite Jockey au Marché Gare de Lyon

Programmation tricolore en cette fin de mars au Marché Gare de Lyon. Wall of Death, groupe de rock psyché originaire de Paris, venait défendre « Loveland », un second album fraîchement sorti, tandis que les Lyonnais atypiques de Satellite Jockey présentaient quant à eux leur troisième album, « Falling », paru l’an passé.

Wall of Death
Wall of Death

Première partie assez étonnante et imprévisible avec les Lyonnais, dont le début de concert nous embarque sur des rivages baroques pop gentiment farfelus, où le groupe alterne chansons inédites (« Connected », « She Came Out ») et titres issus de son dernier opus, comme « Life Science » et « It’s Fading In ». Sur scène, six musiciens jouant des instruments allant des traditionnelles guitares, basse, batterie à du violon, de l’orgue électrique, ou même de la trompette. Cette formation musicale variée s’étend sur toute la première partie du concert, où dominent à tour de rôle trompette et violon sur un soft rock parfois volontiers acoustique. La musique, pas foncièrement hermétique, dégage un côté joyeusement geek, un peu décalé, à l’image du chanteur bassiste en chaussettes. La claviériste chante également sur quelques titres et le concert suit son cours assez doucement. Ce n’est pas désagréable, mais on se pose un peu la question du rapport avec le rock musclé et planant de Wall of Death.

Satellite Jockey
Satellite Jockey

Et puis, à partir de « It’s Fading In », Satellite Jockey ne jouera plus que des morceaux de « Falling » et le concert opère un virage musical intéressant. Le style s’assombrit, les trompettes et violons se font discrets, intervenant plutôt en fin de piste pour des notes presque menaçantes ou mélancoliques. La chanson en elle-même a un petit côté The Smiths avec son solo de clavier tout en chromatismes. Sur l’excellent « Dancing », c’est un violon agressif qui mène la danse avec un riff repris en chœur par tous les musiciens, qui rappelle la grande pompe inaugurale du « Children of the Revolution » de T.Rex ; mais le titre évolue en gros morceau de rock hybride et psyché, avec son violon torturé façon John Cale et ses nappes de guitares vrombissantes. « A Poisoned Arrow » reste dans la même veine, en plus musclée et plus psychédélique peut-être encore, enfonçant le clou de l’étonnement général après le début si naïf et mignon du concert, désormais bien loin. Le dernier morceau joué coïncide avec le dernier du disque, une longue pièce à tiroirs de plus de onze minutes. Elle ne sera pas jouée intégralement mais par extraits, le groupe apprenant toujours à la maîtriser sur scène. Pour ce titre exigeant, les différents musiciens entrent par couches successives dans une mélodie en boucle très lente et très belle où chaque instrument vient se greffer et ajouter son timbre à l’ensemble. Le concert s’achève après quelques minutes de cette mélopée plaintive qui enfle, enfle et puis s’arrête.

C’est ensuite au tour de Wall of Death de prendre possession des lieux. Le concert démarre sur trois titres de « Loveland » : la chanson éponyme, très planante et dotée d’un joli pont de guitare / claviers ; « For a Lover » et « Dreamland » ensuite, deux titres symptomatiques du dernier album, car plus courts et presque plus pop. Le power trio dont la spécificité est d’évoluer sans bassiste – rôle assumé par le claviériste, comme chez les Doors – quitte un temps les territoires brumeux du psyché pour se lover dans un rock nerveux et classique, dont l’efficacité serait par exemple celle d’un Deep Purple. Vient ensuite le premier véritable temps fort d’un concert bien perché qui va défiler à toute allure. « Away », ouverture majestueuse du premier disque, nous rappelle que, si l’on est là en premier lieu, c’est bien pour planer avec le groupe. Le morceau fait parfaitement le job jusqu’à son gimmick de guitare que l’on dira « en hommage à » Pink Floyd et qui s’insère parfaitement au milieu de la composition. De « Loveland » sont ensuite joués « All Mighty », aux sonorités plus électroniques, et surtout « Little Joe », un morceau convaincant de hard psych qui confirme l’effet de va-et-vient que le groupe effectue entre ses racines musicales et des expérimentations pop un peu moins réussies peut-être.

« Mother Tongue » amène une nouvelle rupture : c’est une ballade planante, un peu dans l’esprit du « Spirit Caravan » de Black Sabbath, mais elle nous permet de pointer du doigt le défaut du concert qu’on peinait à nommer : le groupe a visiblement du mal à se lâcher et reste sur des sentiers trop carrés pour son style, qui demande plus d’amplitude, plus d’improvisation. Le combo y parvient timidement sur une version un peu étirée de « Thundersky », tiré du premier album et dont le gros riff fait pousser des grognements de satisfaction, puis embraie avec une reprise surprise et surprenante (enfin, peut-être pas tant que ça, vu la formation) du « Light My Fire » des Doors. Considérablement simplifiée pour l’occasion – n’est pas Ray Manzarek qui veut. Néanmoins, les parties de guitares sont plaisantes et travaillées et le rendu est très sensuel et rafraîchissant. Cela fait par ailleurs toujours plaisir de voir un groupe rendre hommage à ses influences de façon directe, et c’est devenu assez rare aujourd’hui. Dernière chanson avant le rappel, « Blow The Cloud » est un déclic tardif du concert, qui revient en force sur des sonorités floydiennes pour un morceau de belle dimension où le groupe semble enfin réussir à sortir de son rock trop cérébral. Un vrai régal.

Le rappel, enfin, avec le tournoyant et nerveux « Marble Blues » et surtout le titanesque « Memory », achève de nous donner un aperçu de ce que peuvent être les gars de Wall of Death lorsqu’ils lâchent les chiens : à savoir, une grosse machine rock psyché, une bourrasque planante et vicieuse qui emporte tout sur son passage. Mais le vent ne s’est levé qu’à de rares occasions ce soir au Marché Gare. À la faveur d’un échange avec les musiciens après le concert, j’apprends plusieurs facteurs qui ont pesé en leur défaveur ce soir-là : deux des trois musiciens ont la grippe et ne sont donc pas dans le meilleur état pour assurer un concert du feu de Dieu et se lâcher sur scène, et la date est seulement la deuxième de la tournée. Le groupe rôde encore ses dernières compositions. Le pari est donc pris de les revoir quelque part sur la fin de la tournée pour mesurer l’évolution que le groupe aura faite. Cela étant dit, la nouvelle du départ du chanteur guitariste Gabriel Matringe après six ans au sein du groupe n’est pas de meilleur augure pour Wall of Death, qui vient d’annuler quelques dates de sa tournée le temps de rebondir et de trouver un autre chanteur.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique