[Interview] Tiger Lion

Rencontre avec Clémentine Blue, alias Tiger Lion. Alors que son premier EP, « Outremer », vient tout juste de sortir chez Woodland Recordings, la musicienne et touche-à-tout angevine, installée depuis plusieurs années sur la côte sud du Royaume-Uni, entre Brighton et Londres, nous offre le récit de son parcours musical et artistique, au sens large. Des textes aux sources d’inspirations, des rencontres aux envies de défendre sur scène ses morceaux, Tiger Lion nous parle avec le cœur de ses motivations à créer et à croiser les différentes pratiques artistiques au sein de son nouveau projet.

crédit : Mara Reis
crédit : Mara Reis
  • Tiger Lion, c’est un projet que tu as dévoilé il y a deux ans avec « Empty Chair » ; mais depuis quand travailles-tu dessus ?

J’ai commencé à écrire et enregistrer il y a trois ans, en novembre 2012.

  • Tu filmes et montes des vidéos, tu pratiques la photographie, tu réalises des illustrations et tu es actrice dans tes clips. Avec Tiger Lion, t’inscris-tu dans une pratique qu’on pourrait qualifier de « mixed art », ou est-ce avant tout une aventure musicale ?

Complètement. Mes différentes choses que je crée se lient à la musique. Parfois, je me sens plus artiste que musicienne. Mixed art, ça me convient bien.

  • Ce premier EP, « Outremer », est totalement acoustique : une guitare folk et quelques percussions pour accompagner ta voix. Comment as-tu abordé la transition entre tes projets de groupes en électrique et ce projet solo ?

En fait, je pense qu’ « Outremer » est aussi acoustique qu’électronique – techniquement. J’enregistre avec mon ordinateur et il y a beaucoup de sons – acoustiques à la base – que j’édite, étire, pitche…
Bref, la transition s’est faite naturellement ; il y a des idées que je ne pouvais pas réaliser en groupe, j’avais envie de plus chanter et de faire un projet personnel. C’est venu doucement, avec l’apprentissage de l’enregistrement toute seule chez moi. De toute façon, j’ai toujours aimé faire des trucs dans mon coin.

  • Quelques mots sur l’enregistrement ? Sur combien de temps s’est-il étalé ? Avec qui ?

L’enregistrement s’est étalé sur trois ans, la plupart du temps toute seule. Et puis, il y a eu des amis qui sont venus m’aider, notamment John à la batterie, Corentin, James…
Mais, la plupart du temps, c’était une configuration simple, dans ma chambre, avec deux micros maximum.

  • Le label DIY allemand Woodland Recordings t’a fait confiance pour cette sortie. Comment t’a-t-il découverte ?

En fait, le label a commencé à me suivre sur les réseaux sociaux il y a un an. Donc, j’ai envoyé un email pour dire que je voulais bien mettre une chanson sur leur compilation gratuite, si ça les intéressait ; à la suite de ça, Stephen m’a proposé qu’on travaille ensemble sur la sortie d’un EP.

Tiger Lion - Outremer

  • Tu as réalisé la pochette de ton premier EP, « Outremer » : on y voit un œil ouvert et cinq phases de la lune sur un dégradé de bleu. Qu’as-tu voulu évoquer, raconter avec cette illustration et ces symboles ?

Alors… expliquer la peinture de la pochette, ça sera comme expliquer un tatouage – quoiqu’on dise, on a toujours l’air un peu con.
Les phases de la lune font écho aux cycles des marées – tout ça est lié au titre, à l’écriture, au thème aquatique qui se retrouve au fil des chansons…
Et, quelque part, la lune renvoie à la féminité ; ça me parle.
Le « dégradé de bleu », c’est en fait plein de petites touches de peinture entre blanc, bleu et noir. Le résultat est très texturé, mais je ne sais pas si ça se voit beaucoup en photo. C’est juste ce que j’ai imaginé dans ma tête comme visuel en décidant du titre « Outremer », en ayant envie de peindre, de créer quelque chose d’organique.

  • L’EP est en soi un objet que tu as voulu artisanal et personnel, avec une photographie numérotée, un livret découpé et plié à la main, et un rond de CD tamponné à l’encre bleue. C’est donc aussi l’occasion d’offrir un objet unique et créer un lien plus direct avec chaque acquéreur ?

Oui ! Je pense qu’on est à un moment où les gens n’achètent plus vraiment de format CD pour la musique, vu que tout se trouve sur Internet ; donc j’ai choisi de le mettre dans une pochette format 7’’ avec une photo et un livret. Je me dis que les gens seront plus heureux d’acheter un objet fait à la main en édition limitée. J’ai l’impression de proposer un objet plus personnel, dans un format inhabituel !

  • Peux-tu me parler un peu plus en détail de tes textes : d’où viennent tes sources d’inspiration, notamment ? Et as-tu, au-delà du bleu, des thématiques que tu aimes approfondir ?

Les gens et les endroits, ce sont vraiment les trucs qui me font écrire. Je parle de rencontres, du manque, de choses que je ressens. Par exemple, j’ai écrit « The Sea » alors que je vivais à Manchester, et Brighton me manquait beaucoup ; je me sentais loin de tout.

  • Parlons un peu des clips d’ « Empty Chair » et « Under Water ». Tu es aidée par des amies pour la réalisation de ces clips – je pense notamment à « Under Water », réalisé par Lola Félin. Diriges-tu ces vidéos ou laisses-tu une liberté totale au réalisateur pour s’emparer de ton univers ?

Ça dépend. Pour « Under Water », Lola a vraiment tout réalisé. Il y avait un story-board détaillé. Et à partir de son idée très précise de rite inspiré du sacre du printemps, j’ai fait le montage. Avec Angèle, sur « Empty Chair », on s’est un peu laissées porter dans son appart, on a fait des essais. Il y a des trucs que je n’ai pas gardés au montage finalement ; c’est un clip plus visuel que narratif.

  • Tu as dévoilé fin juillet ta cover de « Venus » de Air, avec l’un des anciens membres de ton groupe The Dancers, Mathieu Meunier. Comment est venu le choix de ce titre en particulier ?

C’est une reprise pour une compilation d’un blog qui s’appelle Across The Days dont le thème était « 2004 was 10 years ago », et il fallait choisir une chanson d’un album sorti cette année-là. Je sais que Mathieu est super fan de Talkie Walkie, donc je lui ai proposé de participer. C’est super de refaire de la musique avec lui à distance.

  • Tu as dirigé, réalisé et monté le clip qui illustre cette reprise. Peux-tu me parler de ton rapport à l’image par rapport au son ?

J’adore demander à mes amis de participer quand je fais des clips (par exemple Mara qui, danse dans « Under Water ») et Laura semblait coller parfaitement avec l’ambiance lunaire de la reprise. C’est une vraie créature de Vénus : elle est magnifique, monochrome (peau blanche et cheveux noirs), d’une beauté alien et un petit peu froide, comme la musique électronique. Elle m’a expliqué son rituel d’étirement du matin et j’ai trouvé que c’était une bonne base, esthétiquement. Ensuite, on s’est amusées avec différentes tenues. Je lui demandais juste de faire des mouvements lents et simples, presque robotiques.
J’adore travailler avec des amis ; on se sent à l’aise, on rigole. Et puis, Laura est modèle vivante donc elle n’a pas peur de se dénuder pour l’art !

  • Les références au bleu et à l’océan sont récurrentes dans tes chansons. Est-ce que ta vie à Brighton, face à la mer, t’a influencée en ce sens ?

Complètement. L’EP parle en partie de ma décision de rester de l’autre côté de la manche, et Brighton a été une ville magique où je me suis vraiment épanouie.

  • Tu as déjà fait quelques dates avec Tiger Lion, accompagnée par deux musiciens. Peux-tu me les présenter ?

Laurent et Tom jouent avec moi en France ; Laurent (batterie) a joué dans O Safari et Tom joue dans Fragments et Throw Me Off The Bridge. Ce sont, tous les deux, des amis de Rennes.
Je joue avec des personnes différentes en Angleterre ; Joe et Dan.

  • Tu vis depuis quelques années en Angleterre : vivre à l’étranger a-t-il changé ton rapport à l’écriture, à la composition, au live ?

Oui, vraiment. Le rapport à la musique est très différent en Angleterre. Je pense aussi que j’ai grandi dans mon écriture là bas. J’ai plus de vocabulaire, je comprends plus les paroles des autres groupes. Par exemple, un groupe avec des paroles nazes, je vais beaucoup moins accrocher.
Le live… je dirais que c’est plus détendu en Angleterre. Des fois, les groupes en développement en France sont plus sérieux, et j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de « règles » à respecter. En Angleterre, c’est plutôt rare de voir un jeune groupe faire une tournée avec un ingé son, par exemple. C’est rock’n’roll.

  • Dernière question : es-tu plutôt tigron ou ligre ?

Roarrr !


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques