[LP] The Inspector Cluzo – Rockfarmers

The Inspector Cluzo, duo rock’n’roll survolté, poursuit son utopie artistique et humaine avec un cinquième album, « Rockfarmers » à l’image de ce groupe gascon généreux, simple et intelligent. Loin d’être de doux rêveurs, The Inspector Cluzo concilie une idée certaine de la liberté et de l’indépendance, avec un esprit rock’n’roll, qui ravive le mythe des années 70, dans une forme d’hédonisme que le groupe cultive comme un art de vivre. Si « Rockfarmers » raconte en musique le tour du monde d’un groupe qui ne fait rien comme les autres, il nous rappelle à juste titre que le rock’n’roll est aussi l’art de l’excès et de la mise en scène, mais aussi que derrière ces grands musiciens virils, se cachent des cœurs gros comme des bottes de paille.

The Inspector Cluzo - Rockfarmers

The Inspector Cluzo est un groupe qui attire forcément la sympathie, à travers la force de son projet. Qu’un label indépendant se confonde avec une ferme écologique n’a en effet rien de tout à fait anodin. Je m’en voudrais pourtant de ne pouvoir déplacer le curseur de mon objectivité. Chez indiemusic, nous sommes avant tout là pour causer musique. Et heureusement, ça tombe bien, dans « Rockfarmers », il en est sacrément question.

Dès les premières notes, le son se fait massif et jubilatoire, dégoulinant. Une batterie qui se démultiplie sans être trop bavarde, une guitare qui couine comme aux plus beaux jours : « Heavy » diraient certains puristes. Plus le temps de réviser ses classiques, The Inspector Cluzo est déjà en train de nous donner une belle leçon. Blues, country, garage, punk, ballade psyché (Lonely Man), Hard Rock FM (Erotic), Rhythm&Blues (Romana), tout y passe ! Sur « The Run », le chanteur-guitariste caméléon, improvise même le temps d’un titre acoustique une rencontre inédite entre Johnny Cash et Jeff Buckley. Et croyez-moi, ma petite dame, ce n’est pas donné à tout le monde. Histoire d’enfoncer le clou, le duo est même parti mixer le bazar, à Nashville, en mode analogique, à l’ancienne avec l’ami Vance Powell. Tape son nom sur le clavier, son CV est long comme le bras, ce qui en dit assez long sur les choix artistiques qui ont guidé ce disque.

Allant trop vite en besogne, nous pourrions réduire le duo à une simple mécanique à riffs, ce qui serait nier la musicalité surprenante de ce groupe virtuose. En effet, The Inspector Cluzo est aussi une fabuleuse machine à groover, qui revendique l’héritage de la grande musique black, de Hendrix en passant Curtis Mayfield et Sly and The Family Stone. Qui plus est, si le rock’n’roll a écrit ces plus grands chapitres à Detroit, New York et Nashville, son acte de naissance a été déposé dans les terres du sud des États-Unis. Cette ruralité moite et poussiéreuse – lieu du délit des premiers bluesmen, ces grands inspirateurs d’une musique qu’ils n’allaient même jamais connaître – a inscrit la musique du diable dans ce lien à la terre, dans cet ancrage dans le labeur et le travail manuel. Le parallèle avec le quotidien de ces joyeux fermiers rockers, qui n’ont rien de néo-ruraux, est évident. Ainsi The Inspector Cluzo va, comme ses illustres aînés du Mississippi, à l’essentiel : pas de superflu (comme un bassiste par exemple, oh je sais elle est facile). Ils conçoivent avant tout la musique dans ce rapport charnel au monde, où la main gratte le médiator et agite la baguette, comme elle manierait la fourche. Il n’y a qu’à voir les séquences improvisées et les attitudes démentielles de cette complicité entre la guitare et la batterie, pour comprendre que ce groupe ne joue jamais à l’économie.

« Rockfarmers » a pourtant les défauts de ces qualités, se laissant parfois emporter par la générosité de ses intentions. Le rock’n’roll doit-il être ce merveilleux théâtre populaire, qui agace autant qu’il excite ? La question est une nouvelle fois posée. Mais qu’on le veuille ou non, la sentence est inexorable : « Rockfarmers » est un vrai disque de rock’n’roll, exubérant et excessif, magnifiant dans des gimmicks parfaites l’engagement de deux musiciens hors-normes. Un disque, qui pourrait être trop facilement qualifié de hors-sujet, mais qui tape en plein dans le mille à travers son énergie authentique et la sincérité de son propos.

The Inspector Cluzo

« Rockfarmers » est déjà disponible sur les marchés et pendant les concerts, sur le stand de The Inspector Cluzo, en version limitée (livre, double CD +DVD) et sortira en version vinyle, CD et digitale le 5 février 2016 sur le label Fuckthebassplayer.


Retrouvez The Inspector Cluzo sur :
Site officielFacebookTwitter

Laurent Thore

Laurent Thore

La musique comme le moteur de son imaginaire, qu'elle soit maladroite ou parfaite mais surtout libre et indépendante.