[LP] Sóley – Endless Summer

À peine remis du fantastique « Ask The Deep », nous voilà face au nouvel album de Sóley qui, en un peu plus de trente minutes, réécrit les plus belles pages d’une artiste dont l’évolution ne cesse de nous surprendre et de nous hanter. Ayant ici fait le choix de la sobriété, elle délivre une collection de constellations sonores éblouissantes et intimes, parfaites et brillantes.

Difficile de suivre le parcours de Sóley sans avoir la sensation de se perdre en cours de route ; non pas que l’on s’oppose à ces virages et retournements de situation, au contraire même. Mais l’artiste islandaise ne se laisse jamais enfermer dans aucun carcan mélodique ou artistique, préférant au contraire se donner toutes les libertés que son inspiration exige afin de parvenir à délivrer des opus atmosphériques à l’identité forte et incomparable. Ainsi, « Endless Summer » aurait pu nous montrer la part d’ombre, la face cachée d’une créatrice que chaque élément naturel bouleverse au point d’avoir, viscéralement, besoin de coucher ses émotions sur le papier ; mais c’est pourtant une saison colorée et chaleureuse qui nous attend ici, nous tend les bras et nous aide à nous envoler pour aller frôler l’astre solaire.

Troublant et déstabilisant, « Úa » s’éloigne de son prédécesseur en inspirant des effluves de mystère et d’égarement, parfums à la fois enivrants et empoisonnés. Aidée par un piano prédominant et complémentaire, Sóley va alors donner libre cours à ses mots, à ses harmonies dont la délicatesse se fait confidentielle (« Sing Wood to Silence », « Never Cry Moon »), sans jamais chercher à ajouter d’arrangements propices à étouffer un propos délibérément aseptisé. De ce fait, lorsque l’artiste décide de faire résonner les échos de claviers célestes et sensibles, les dessins qui se forment devant nos yeux se mettent en mouvement, chorégraphies d’un univers fantasmé et personnel incomparable (« Grow », « Traveler »). Errant entre une sagesse spirituelle grandissante et le besoin addictif de surpasser de simples accidents mélodiques pour les métamorphoser en créatures vocales et instrumentales précises et à la beauté foudroyante, la compositrice laisse chaque titre s’éteindre après s’être enflammé, doucement, respectueusement. Ainsi, après une transition bruitiste parfaitement intégrée à l’ensemble, grâce notamment à l’indémodable richesse organique de vents et de cordes (« Inbetween »), Sóley achève son périple sur le sensitif et émouvant titre éponyme, fin ouverte où le clavier et la voix plongent à la découverte d’autres mondes parallèles et inconnus.

Laissant de côté ses expérimentations habituelles pour mieux affirmer une écriture à fleur de peau et tendre, Sóley parvient à atteindre l’apogée de son art si méticuleux et attachant en ne cherchant pas la difficulté, mais l’immédiateté de songes dont les sensations nous accompagnent alors que nous ouvrons les yeux. « Endless Summer » est un rêve, une promenade inconsciente à travers les nuées brumeuses et ensommeillées d’un coma réparateur et naturel. Une berceuse inoubliable, introspective et miraculeuse.

crédit : Lilja Birgisdóttir et Ingibjörg Birgisdóttir

« Endless Summer » de Sóley est disponible depuis le 5 mai 2017 chez Morr Music.


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Raphaël Duprez

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