[Interview] Rendez-Vous

À l’occasion de leur passage lyonnais au Transbordeur dans le cadre de la tournée européenne de leur premier opus « Superior State », nous avons rencontré les cinq musiciens de Rendez-Vous, quelques instants avant leur passage sur scène. Ils nous reçoivent décontractés, dans une loge jonchée de bières plus ou moins vides et de rutilantes écharpes autour du cou.

crédit : James Giles
  • Vos derniers concerts à Lyon ont eu lieu sur des péniches (à l’Ayers Boat pour les Nuits Sonores 2017 et au Sonic en 2016, NDLR), aujourd’hui vous jouez au Transbordeur. Est-ce que ça vous fait quelque chose de particulier d’être passés de ces petites salles à de plus grands espaces, en France et en Europe ?

Elliot : Ouais carrément, ça veut dire qu’on voit une évolution, ça fait plaisir de ne pas stagner dans un truc, de voir qu’on touche plus de gens… C’est excitant de sentir qu’on touche de plus en plus de monde.

  • Depuis votre premier EP en 2014 vous avez beaucoup tourné en France, en Belgique, en Europe et vous avez été à l’affiche de festivals importants comme Dour ou Rock en Seine, comment s’est passée la transition entre le moment où vous avez arrêté de tourner et celui où vous êtes retournés en studio pour enregistrer enfin votre premier album, cinq ans après vos premiers morceaux ?

Elliot : Justement, on a pas mal tourné après la sortie du deuxième EP (« Distance », NDLR) et on a eu du mal à associer les tournées et le fait de composer et d’enregistrer en studio. Donc on a dû mettre un stop à la tournée, même si on arrivait clairement au bout de la tournée de cet EP qu’on a étirée sur un an et demi, deux ans. On avait besoin de faire un break pour pouvoir se concentrer sur la musique, on n’est pas un groupe qui arrive à bosser en trois jours entre deux tournées ou entre deux dates, on a besoin de prendre du temps pour nous et de vraiment se concentrer pour faire quelque chose qui nous plaise et se mettre vraiment la tête dedans.

  • Quand on écoute toute votre discographie dans l’ordre (un 3 titres, deux EPs et un album studio, NDLR), on se rend compte qu’il y a eu une assez nette évolution dans l’inspiration, est-ce que vous diriez que vous avez enfin trouvé votre son « à vous » pour l’album, en vous détachant d’influences peut-être trop prégnantes sur les EPs ?

Elliot : Par rapport au premier EP, c’était plutôt une ébauche de plein de trucs qu’on avait commencé à bosser ensemble, sans vraiment de ligne directrice et on essayait plein de choses, toujours un peu dans la même veine, mais on a essayé des choses assez différentes… Le deuxième EP, je pense qu’on s’est plus affirmés dans un son qui nous appartenait, qui était plus « nous », et sur l’album j’ai l’impression qu’on a vraiment trouvé un son qui nous définissait.

Max : Ouais, c’est à la fois plus personnel et aussi parce que ça couvre plus d’influences différentes, c’est peut-être comme ça qu’on a trouvé quelque chose de plus singulier par rapport aux EPs, qu’on ne renie pas du tout, mais là c’est plus varié, on a inclus plus de choses, ça nous représente un peu plus. Les premiers avaient un côté très eighties qu’on aimait bien, mais qui ne résumait pas tout ce qu’on était, y avait un défi plus grand pour l’album. Je pense que c’est la différence majeure entre les EPs et l’album.

  • Cette remarque sur votre évolution en studio, elle s’applique aussi assez bien à vos performances en live : par exemple, je vous ai vus plusieurs fois au cours des dernières années, et la dernière fois, en plein après-midi à Rock en Seine (en 2017), vous avez mis tout le monde K.O. C’était beaucoup plus violent que les premières fois, il y avait une vraie force de frappe, est-ce que c’est quelque chose que vous avez particulièrement travaillé ? Est-ce que vous voulez mettre le live en avant par rapport au studio, où vous essayez d’être marquants de ces deux manières différentes ?

Elliot : C’est assez différent et on distingue les deux, mais c’est vrai que les lives nous ont un peu influencés sur l’album sans forcément y avoir pensé quand on écrivait, mais ça a quand même inconsciemment un peu influencé sur la création et la compostions des morceaux. Après, dans notre tête, c’est assez distinct ; quand on fait l’album, on va vraiment se concentrer sur la composition et les mélodies ; en live, on aime bien qu’il y ait truc qui soit très impactant, plus frontal… On aime bien aller chercher les gens, on aime bien aller provoquer une réaction, quelque chose d’assez physique qu’on ne recherche pas forcément sur album, ou plutôt pas tout le temps, parce qu’il y a plus de nuances.

  • Votre album a été un succès critique, commercial aussi peut-être …

Le groupe : On est blindax ! (rires) Non on n’a pas les chiffres, on sait pas non plus… C’est difficile d’avoir ce genre d’info surtout que l’album est sorti récemment. Et on n’en a pas trop parlé.

  • On va tabler sur le succès critique et d’estime alors… (rires) Est-ce que vous avez l’impression « d’appartenir à une scène » en France voire en Europe, où l’on voit, ces dernières années, plein de groupes de punk et de post-punk qui émergent rapidement, tournent beaucoup et sont déjà très connus dans le milieu quand ils sortent leur premier album ?

Elliot : J’ai pas l’impression qu’on s’ancre dans un schéma de ce type parce que nous pour le coup ça fait vraiment quelques années qu’on est là et on n’a pas eu cet effet de buzz en six mois ou en un an comme plein de groupes qui débarquent et qui sont tout de suite sur le devant de la scène à remplir de grosses salles. Nous, ça n’a pas été notre cas, ça a été très évolutif, on a commencé par des toutes petites caves et on a évolué sur des trucs où aujourd’hui on fait des salles plus grosses. Et on n’a pas vraiment l’impression d’appartenir à une scène…

Max : Après le deuxième EP, on se disait : « Ouais, les gens qui kiffent ce style de musique, ils nous connaissent, ils nous ont vus en live, on les a touchés. », mais ça reste une niche. On avait envie d’essayer de surprendre ces gens-là avec l’album et d’essayer d’élargir un peu le style et notre public.

  • Du coup, vous ne diriez pas avoir des affinités particulières avec d’autres groupes français comme le Villejuif Underground ou Johnny Mafia ?

Elliot : Si ouais, mais plus des affinités amicales, le Villejuif on les connaît, on les aime bien, Bryan’s Magic Tears aussi dans le même genre, mais c’est plus humain que musical.

Francis : Tout ce qui est à Paris, c’est à part, tous ces groupes-là… On se connaît tous, t’as vite fait de te croiser, on fréquente les mêmes lieux, on a joué aux mêmes endroits… On est potes en fait, mais il n’y a pas de scène à proprement parler, tout le monde fait des trucs cools et différents…

Elliot : Après, il y a plus d’affinités musicalement entre Bryan’s Magic Tears et le Villejuif qu’avec nous…

Max : Ouais, d’ailleurs eux s’influencent directement musicalement… C’est un truc dans l’air du temps, il y a des groupes qui se forment et c’est comme ça.

Elliot : Je pense qu’il y a moins de « scènes » aujourd’hui qu’à une époque aussi, on est plus dans des trucs…

Max : Ouais, c’est plus explosé quoi.

  • Vous êtes en plein milieu de votre deuxième tournée européenne, la dernière date annoncée est en avril à la Gaîté Lyrique…

Elliot : C’est plus gros que ça, on n’a pas encore annoncé la suite, mais c’est loin d’être la fin !

  • Et vous resterez en Europe ?

Francis : On part en Chine cet été, sinon France et Europe.

  • Et ça vous laisse du temps libre quand même ? Vous l’occupez comment ?

Le groupe : On se repose. (rires) On chille.

  • Vous n’avez pas le temps de regarder des films, écouter de la musique ?

Simon : Si, en tournée, dans le van, mais, en ce moment, notre rythme est assez soutenu, au minimum on fait deux concerts par semaine, alors qu’en général on part plus longtemps, donc t’as le temps de rentrer, de te poser un ou deux jours et après tu repars, mais ça va, on n’est pas à plaindre hein !

  • Vous avez donné un concert pour les 40 ans du centre Pompidou à Beaubourg. C’est peu commun, surtout pour un groupe de punk en France. Est-ce que c’est une expérience particulière pour vous ou c’était juste un concert comme ça ?

Max : C’était pas juste un concert comme ça parce que de leur part il y avait une demande de faire un truc un peu exceptionnel. En fait, ils voulaient qu’on propose quelque chose qui aille plus loin en termes visuels que les concerts qu’on faisait d’habitude. Y a eu beaucoup de boulot parce qu’on a en plus joué des morceaux qu’on ne jouait pas d’habitude, du coup y a eu presque le même taf que pour faire un EP ou un disque : on a fait une ou deux reprises, on a rejoué des morceaux qu’on n’avait jamais adaptés en live, on a composé un ou deux trucs…

Elliot : D’ailleurs, notre intro en live aujourd’hui, c’est quelque chose qu’on avait composé à la base pour ce concert.

  • Et qui ne figure sur aucun enregistrement ?

Elliot : Si, on l’a enregistré, mais on l’a sorti sur internet, comme ça, gratos (rires).

  • Et est-ce que ça vous intéresse de creuser ces rapports entre le fait d’être un groupe, qui enregistre qui joue sur scène, et le fait d’avoir une démarche artistique plus proche de l’art contemporain ou de la performance, comme c’est le cas par exemple d’un artiste comme Jean-Luc Verna qui est sur les deux fronts ?

Elliot : Pour l’instant, on a fait que ce concert, mais c’est toujours excitant de se diversifier, d’essayer d’autres choses… Mais il y a plein d’aspects quand t’es artiste ; t’es influencé par beaucoup de choses, tu t’intéresses à beaucoup de choses, et s’essayer à autre chose ça pourrait être hyper excitant, mais c’est pas forcément un aspect auquel on a réfléchi aujourd’hui… Mais peut-être un jour… Enfin je sais pas, je parle un peu personnellement… Comme à Beaubourg ça nous avait plu, c’est peut-être un moyen de sortir des formats classiques (le groupe acquiesce). C’est ça qui nous avait plu… Des collaborations, pourquoi pas…

  • Quel est votre projet après la fin de la tournée ? Partir aux USA, plancher sur un deuxième album, ou bien prendre des vacances ?

Le groupe : Un peu de tout. (rires)

Elliot : On est en train de voir pour une tournée aux USA.

Francis : On a hâte de refaire du son…

Simon : …et de partir en vacances ! (rires)

Max : On a beaucoup de trucs qu’on n’a pas sortis, plein de morceaux… Quand on aura le temps, on verra ce qu’on fait de tout ça.

Elliot : Peut-être que des trucs sortiront comme ça, sans forcément de projets définis, hors du format EP ou album. On aimerait bien être un peu libres et pouvoir balancer des tracks ou des clips, c’était important de passer par la case album pour être plus libres après et plus légitimes pour faire un peu ce qu’on veut.

  • Dernière question qui me tracasse depuis tout à l’heure : c’est quoi vos écharpes ?

(rire général)

Max : C’est des clubs de foot, des écharpes qu’on a chopées un peu partout. Des souvenirs de tournée.

Elliot : Mais la semaine dernière, en Hollande, on m’a dit que c’était un peu un truc de facho, ça me fait un peu chier y a plein de mecs qui m’ont dit ça, mais j’arrive pas à comprendre pourquoi… (rires)

Francis : (montrant l’écharpe d’Elliot), Mais c’est même pas un club, c’est un truc de touristes ça ! (montrant celle de Max) Ça, c’est un club de foot, mais l’autre c’est genre une écharpe du pays…

Max : Un peu comme un fanion en France…

Elliot : Ouais, mais si y a un Hollandais qui vient chez moi, avec une écharpe de la France, je lui dirai pas « Oh t’as une écharpe de facho ! », hein… (rires)

« Superior State » de Rendez Vous est disponible depuis le 26 octobre 2018 chez Artefact et Crybaby.


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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique