[Live] Cage The Elephant au Trabendo

Il est des mélodies, des refrains, des couplets qui vous marquent à vie. Un simple enchaînement de notes qui dégage une incroyable magie capable de vous prendre par la main pour vous évader l’espace de quelques minutes, de quelques précieuses minutes. Ces notes sont souvent chargées de nostalgie, de mélancolie mais aussi de beauté. Poétiques, sincères et légèrement chancelantes, comme si toute cette humanité contenue cherchait à s’excuser de conduire tant d’émotions. À l’écoute de ces quelques notes, vous vous sentez invincible, protégé et paradoxalement profondément fragile, car cette simple mélodie vous réconforte tout en exposant votre sensibilité au monde, aux autres. Vous placez votre intimité dans un objet on ne peut plus collectif. Et s’il devait être une hiérarchie des groupes passés maîtres dans l’art d’allier la pudeur de nos émotions profondes à un phénomène communautaire d’une ampleur impressionnante, Cage The Elephant ferait sans aucun doute partie de l’élite.

crédit : Alice Tabernat

De passage à Paris pour ouvrir les trois concerts des Stones à l’U Arena, les Américains de Cage The Elephant ont offert, en parallèle, deux concerts uniques à la capitale. L’un en version électrique, l’autre totalement acoustique aux côtés d’un orchestre de cordes. Nous étions donc présents au Trabendo, ce mardi 24 octobre, curieux d’entendre ce set dénué de toute guitare électrique. Si tout laissait présager un concert peu éloigné du dernier album du groupe, sobrement intitulé « Unpleed », détrompez-vous, la soirée s’est révélée inattendue…

Aucune première partie, mais un entracte : ce soir c’est Cage The Elephant qui est à l’affiche et seulement lui. La salle est pleine à craquer et il est presque impossible de se mouvoir. À 20h40, les lumières se tamisent et les voix se taisent aussi instinctivement que les portables se lèvent. Les doux accords de « How Are You True » ouvrent la prestation, l’ambiance est feutrée et agréable. Matt Shultz semble étrangement paisible derrière sa guitare, lui qui a pour habitude de sauter dans tous les sens, affublé de tenues toutes plus extravagantes les unes que les autres. En un rien de temps, l’énergie que l’on connaît au groupe revient avec le tubesque « Ain’t No Rest For the Wicked ». La foule secoue frénétiquement la tête, à défaut de pouvoir réellement danser puis entame un « Joyeux anniversaire » en l’honneur du frontman. Le concert s’annonce donc bon enfant et détendu, les musiciens étant tout sourire et Brad Shultz tentant à plusieurs reprises d’interpréter « La Vie en Rose », tentatives veines puisque classées sans suite par son frangin.

Le concert est généreux, alternant à merveille entre mélancolie et joie. On danse sur le refrain de « Puchin’ Bag » avant de gémir sur le puissant « Too Late to Say Goodbye ». Le groupe propose une interprétation d’« Instant Crush » intéressante, bien que légèrement plate mais la foule n’y prête pas attention, préférant s’égosiller sur le refrain. Si une forte inspiration 60’s est omniprésente, notamment sur les morceaux de « Tell Me I’m Pretty », et maîtrisée avec justesse à l’instar du génial « Cold Cold Cold », nous devons bien avouer que la reprise du classique « Golden Brown » (des Stranglers) n’a rien de particulier. Certes le titre est joué après « Rubber Ball » et « Trouble », ce qui pourrait marquer une sorte de descente aux enfers, comme un triplé mélancolique à souhait. Mais le groupe n’apporte rien de plus à l’original et instaure une pose dans ce fameux voyage qui est d’ailleurs suivi par « Cigarette Daydreams » soit l’apogée du concert. N’aurait-il pas été plus judicieux de jouer « Golden Brown » à cet instant-là afin de véritablement créer un enchaînement de tubes tous plus sensibles les uns que les autres ? À peine l’auditoire reprend son souffle que les premières mesures de « Shake Me Down » résonnent. L’orchestre de cordes magnifie certains titres, à l’instar de « Come a Little Closer », mais se trouve souvent mal sonorisé et couvert par les autres instruments.

Chaque chanson de Cage The Elephant est connue du public, mais ses principaux succès s’imposent comme des points culminants de la soirée. Les paroles de « Trouble » ou « Cigarette Daydreams » sont chantées en chœur par une foule à fleur de peau, l’ambiance est belle et émouvante.

Au rappel, Matt Shultz revient seul, guitare en main et larmes aux yeux. Il lit un cadeau offert par un fan des premiers rangs et fait part de l’émotion créée par ce présent inhabituel (un bocal plein de petits mots notés sur des papiers). Pressé par l’équipe du Trabendo, il ne jouera finalement que deux morceaux supplémentaires, mais enfin les portables se baissent. Les spectateurs sont attentifs, ils ne quittent pas la scène du regard comme envoûtés. Le chanteur joue le sublime « Right Before My Eyes » et un dernier single au titre inconnu, apaisant la folie qui avait gagné la salle quelques dizaines de minutes plus tôt. Il n’est plus question de danses endiablées, mais simplement d’écoute, le souffle coupé, les yeux pendus aux lèvres de l’un des plus grands rockers que notre époque compte. Un rocker mélancolique, à la voix légèrement éraillée et d’une sincérité détonante.


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Alice Tabernat

Alice Tabernat

Étudiante passionnée par la création musicale et les beaux textes.