[LP] Mirel Wagner – When The Cellar Children See The Light Of Day

Quand la nuit tombe, que la lune appelle les ombres, on découpe des bouches au couteau tranchant dans les citrouilles. Alors la lueur d’une flamme dansante éclaire les murs. On conte des histoires aux enfants. Au loin, les portes des cimetières grincent et les fantômes s’engouffrent dans les chaumières. Il paraît que c’est dans l’air du temps. En tout cas, il est certain que c’est la musique de Mirel Wagner.

Mirel Wagner - When The Cellar Children See The Light Of Day

De son Éthiopie natale à sa Finlande adoptive, les pieds ont foulés des incantations, les bagages ont également débordé de contes et de peurs. À la croisée du feu et de la glace, la dangereuse magie opère. Un visage qui porte une âme. Un cœur qui porte le sublime. Là où elle s’installe, Mirel Wagner prend place parmi les galeries de portraits qui dorment dans les châteaux. Ancestrale et reine. Reine d’une musique folk sombre et épurée. Reine des belles sorcières. Elle dresse un deuxième album aux contours effrayants et pourtant tellement chauds. « When The Cellar Children See The Light Of Day » brille comme la lueur qui s’engouffre dans les profondeurs.

Le terrible est dit. Le terrible naît dans chaque histoire. L’abandon, la vague et la poussière. Dans un album structuré, délicieux et pourtant si maléfique, Mirel Wagner ose se perdre dans les craintes et les vertiges. Mise en abîme tortueuse.

Elle dépose, sur sa musique minimaliste, des textes et des paroles habités mais infinis. Alors, ses ballades noires résonnent comme autant d’échos universels, de tourments contemporains. Il n’y a pas que des légendes mais un présent et une réalité. Somptueusement vrais. Somptueusement sombres.

Au son d’une guitare et parfois d’un violon perdu avec le vertigineux « Ellipsis », elle a l’allure des femmes fortes, des dames miraculeuses. Une diva qui s’éloigne des projecteurs, parce que trop fatiguée, trop adulée. Alors, seule et libre, dans une demeure oubliée, elle laisse entendre sa voix aux majestueux fantômes qui habitent son lieu. Un peu comme une discussion avec l’étrange et la beauté moite. Dans un « 1, 2, 3, 4 » ronronnant et prédateur, l’album s’ouvre sur dix frissons qui abritent ce souffle froid mais portent assurément tout un passé, tout un héritage. Son chant laisse résonner le groove de la fin, ou serait-ce au contraire celui de la renaissance ? Celle qui se laisse encore habiter par l’insouciance. Par l’insolence. Sa voix suave se promène entre comptines et blues revenu à ses racines. L’ombre du Mississippi dans son dos, mais les yeux sur un chemin sans fin. Pourtant, Mirel Wagner ne semble appartenir à aucune tendance, tant sa musique est singulière. Elle échappe à la morosité, là où son folk s’empare de la tendresse des noires berceuses. Mais les cauchemars et les noyades ne sont qu’aux portes des rêves.

Au fil des titres, des histoires et des mystères, elle porte sa musique à la rencontre des méandres. Les jeux enfantins qui courent le long des vieilles tapisseries ne sont que mirage. Le chant aguiche et dépose un son chaud sur une brise glaciale. La diction est lente et profonde afin de mieux mordre. De quoi permettre à la voix de transpercer mortellement l’âme. Écouter Mirel Wagner, c’est croquer dans la pomme. Le fruit défendu. L’album se répand comme ce poison qui s’empare des corps, comme le frisson qui habite les morsures passionnées. Le dernier souffle, le dernier battement se trouvent certainement sur un « Goodnight » de la dernière nuit.

Mirel Wagner

Mirel Wagner raisonne. Mirel Wagner habite. Mirel Wagner submerge. Elle joue avec les légendes de nos entrailles, au risque d’en devenir une.

« When The Cellar Children See The Light Of Day » de Mirel Wagner, disponible depuis le 11 août 2014 chez Sub Pop Records.


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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes