Les clichés ont la dent dure. « Il faut connaître pour apprécier », diront les carcans élitistes. Mais au-delà de toutes apparences et barrières culturelles, l’art lyrique ne reste que musique, et par pure réaction émotionnelle, cet opéra en quatre actes pourrait démanteler bien des réticences. « Der Klang Der Offenbarung Des Göttlichen » est un opéra enchanté composé par l’Islandais Kjartan Sveinsson, anciennement l’un des tisseurs de rêves de Sigur Rós, à la musique d’une exceptionnelle intensité dramatique et aux senteurs chaudement hivernales.
L’œuvre lyrique a ses adeptes, mais aussi ses détracteurs. Des détracteurs parfois animés par l’inconnu, par la prétention bourgeoise que le genre leur semble côtoyer et par la grandiloquence de ces chanteurs aussi stoïques et poussiéreux que les histoires qu’ils racontent. Mais musicalement parlant, l’opéra est la plus dramatique des symphonies. Dramatique dans les scènes qu’elle conçoit, mais aussi les sons qu’elle déploie. Les actes de « Der Klang Der Offenbarung Des Göttlichen », que l’on peut traduire par « le son de la révélation divine », offrent leur lot de sensations chaudes, rondes et protectrices. Elles sentent l’hiver, les vieux Disney et le sucre d’orge. Senteurs purement anecdotiques puisque l’intention de l’opéra est le fruit une réflexion un peu plus poussée qu’une collection de douces réminiscences.
Crée et dirigé par l’artiste islandais Ragnar Kjartansson, cet opéra s’inspire du livre « Lumière du monde » de Halldór Laxness, prix Nobel de littérature en 1955, publié en quatre volumes au plus fort de la Seconde Guerre mondiale. L’œuvre se base sur divers évènements et épisodes de la vie du poète populaire Islandais Magnús Hjaltason que l’on retrouve transposés tout au long de l’histoire tragique du héros Ólafur Kárason. La maestria avec laquelle Laxness mène son roman est on ne peut mieux décrite par Kjartansson, auteur du film-œuvre « World Light – The Life and Death of an Artist », qui présente un découpage en quatre parties diffusées simultanément sur quatre écrans, et dont l’opéra est en quelque sorte la transposition musicale. « « Lumière du monde » est un récit épique à propos de l’artiste », explique Kjartansson. « Fable ironique sur la beauté et l’intégrité artistique écrite au creux du modernisme, l’œuvre est tout autant une ode à la beauté qu’une déconstruction de celle-ci. Le roman annonce ainsi une idée phare du 21e siècle : la question des politiques de la beauté. »
Sous le poids de cet engagement artistique, la bande originale de Kjartan Sveinsson gagne tout de même en légèreté romantique, bande originale d’une esthétique somptueuse mettant en scène quatre fresques en mouvement, au paysage et aux évènements météorologiques changeants, avançant rapidement comme un immense mille-feuille théâtral. La beauté est ainsi exposée, magnifiée dans son fond comme dans sa forme, et prend des airs de tableaux sonores aux voix qui sonnent et aux cordes qui résonnent, magiques et mélancoliques, comme les paysages enchantés d’une Islande que nous imaginons.
« Der Klang Der Offenbarung Des Göttlichen » de Kjartan Sveinsson, sortie le 28 octobre 2016 chez Bel-Air Glamour Records.
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