[EP] Kaagari – Pretty Park

Il va être difficile, voire impossible, de compter sans Kaagari dans les mois à venir ; car, avec « Pretty Park », la compositrice développe un art mêlant habilement l’énergie d’instrumentations possédées et un chant dans lequel on s’immerge sans se faire prier, envoûtant nos espoirs autant que nos peines. Six histoires étirées dans l’espace-temps, charriant la lumière et l’obscurité en les faisant danser peau contre peau, afin d’émerveiller et d’inciter à la transe.

« Un message de vie ». C’est ce que nous promet Kaagari dans sa biographie : un aveu autant qu’un sacerdoce, qui semble impossible à vivre pour beaucoup d’entre nous mais devient, sous les doigts et au contact des cordes vocales de la musicienne, une possibilité, une espérance. Partie en quête de cette spiritualité mélodique qu’elle affronte afin de nous la rendre plus accessible et compréhensible, Kaagari déambule dans son « Pretty Park », lieu aussi réel qu’onirique, symbolique d’une beauté que l’on ne trouvera qu’après de nombreux tourments. Mais ces derniers, éveillant nos consciences, sont une épreuve nécessaire et coulant de source – vive – à l’écoute de ce formidable EP. Laissons-nous emporter par le courant. Frôlons les herbes folles abandonnées de l’endroit et les bancs érodés par le temps. Pénétrons dans cette antichambre du quotidien, à la fois rassurante et consolatrice.

L’horizon harmonique s’étend devant nos yeux, sortant d’une brume mystérieuse et enivrante. « Love » fréquente autant les caresses de l’être aimé que les épines et écorces rêches d’un buisson ardent, unissant la mécanique artificielle de la pulsion informatique à un naturalisme radical et captivant des guitares et des voix. Un appel autant qu’une requête, une émotion laissée de côté mais que l’on se réapproprie de manière convaincue et méritée grâce à « Totem », furieuses minutes d’évanescence sonore entre orage et chaudes averses purificatrices. Réduire l’art de Kaagari à du simple trip-hop serait bien trop aisé ; au contraire, il y a ici une pensée, une intention, une volonté d’aller au-delà des limites imposées pour rendre le genre aussi progressif que dynamique. Les arrangements sont d’une incomparable perfection (« Slowmotion » ou les influences jazz, reggae et hip-hop entrmêlées et langoureuses de « Wonderful Weather ») et tirent leur épingle du jeu quand l’expérience se fait suave et tendre (« Pretty Park »). Même les dissonances de six cordes plaintives dialoguent avec ces mots inspirés et volontaires, montant crescendo pour mieux toucher les cieux et la liberté enfin retrouvée (« Ligthness »).

Inattendu et salvateur, « Pretty Park » est l’appel d’une créature angélique et ésotérique ; une muse pénétrant notre imaginaire afin de le bouleverser, de lui infliger la décharge énergétique qu’il attend depuis si longtemps. Marquant de son sceau le parchemin usé de la création hexagonale, Kaagari nous aide à respirer, à fermer les yeux et à accepter notre sensibilité. Un pari difficile, mais remporté avec tous les honneurs. Ceux-là mêmes qu’elle mérite largement et pour lesquels elle devient, sans hésitation, l’une de nos chandelles les plus lumineuses dans la noirceur désespérante de nos heures perdues.

crédit : Alexandre Gilbert

« Pretty Park » de Kaagari est disponible depuis le 8 septembre 2017.


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Raphaël Duprez

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