[Interview] I Am Stramgram

Savourant, avec gourmandise, une tablette de chocolat noir pendant l’interview qu’il nous a accordé, Vincent Jouffroy, alias I Am Stramgram, heureux gagnant du Prix Ricard S.A. Live Music 2016, a répondu à nos questions l’esprit léger et l’estomac soulagé. Le multi-instrumentiste bordelais, jamais dernier et souvent en tête pour partir très loin dans de vastes délires, nous explique les raisons, plus ou moins vraisemblables, qui l’ont poussé à défendre son dernier projet en solo. Entretien avec un artiste lunaire et en orbite, qui a pourtant bien les pieds sur terre.

crédit : Rod Maurice
crédit : Rod Maurice
  • Bonjour Vincent ! I Am Stramgram est ton projet solo. Quand le besoin d’écrire, de composer et de jouer seul est-il venu ?

Oui, I Am Stramgram est un projet solo. Cependant, un batteur se joint à la tournée, pour avoir plus de présence sonique et physique. Tout a commencé avec des morceaux qui ne fonctionnaient pas en formule groupe au sein du projet My AnT et que je jouais de mon côté.
Le travail en groupe est très enrichissant, mais implique aussi un certain compromis. On peut sans doute se permettre plus de radicalité en solo, être plus têtu ; la recherche est différente. Cela n’empêche pas de confronter les morceaux aux regards extérieurs pour se nourrir de retours ; mais la première étape, qui consiste à être en adéquation avec ses propres choix, offre d’intéressants challenges.

  • La naissance de ton projet, du moins discographique, remonte à 2012. Tu proposais initialement, sur ton premier EP « Let’s Not Run The Race », un folk minimaliste, qui évoquait même par moment les chants de marins et de tavernes. Comment as-tu vu ta musique évoluer au fil des années ? Et comment la définirais-tu aujourd’hui ?

Ce disque était un disque de faces B, de chutes d’autres groupes. Il s’agissait d’un premier essai enregistré chez un ami avec qui je jouais dans le groupe NoCode. Effectivement, les influences étaient très différentes. J’écoutais beaucoup Born Ruffians (Red, Yellow & Blue) à l’époque et j’aimais énormément le côté voix en pagaille. Aujourd’hui, je me suis découvert une passion pour la course de poneys et les spaghettis de 1987 et mon écriture en a été changée.
Je continue de définir ma musique comme pop. Je me suis permis un qualificatif de « pop lunatique », mais je n’ai jamais revendiqué le fait d’inventer quoi que ce soit. J’aime l’évidence de cette musique et j’apprécie de la fouiller tout en respectant ses contours. Peut-être que l’évolution irait plus chercher du côté des divers prolongements des morceaux (les sites, les vidéos…) et des influences ; passant plus de temps à regarder des séries et à lire des livres qu’à écouter de la musique, je suppose que l’inspiration évolue.

  • Quand je pense à quelques artistes qui défendent leur projet en solo, les loopers et autres samplers sont souvent employés pour pallier la présence d’autres musiciens. Fais-tu usage de ces outils, et si oui, de quelle manière ? 

Oui, je travaille beaucoup avec des samples, des loops et des portraits de Lorant Deutsch. Cependant, je le fais de manière un peu archaïque, car il n’y a pas d’ordinateur sur scène. Tout est joué, lancé au pied grâce à un RC300 qui me sert à réaliser les boucles guitares / voix en direct ainsi qu’à lancer les séquences pré-enregistrées. Du coup, n’ayant que deux jambes, il faut faire des choix… C’est un aspect qui implique quelques contraintes, canalise la composition et pousse à être astucieux.

  • Ton triptyque musical baptisé « The Patchworkitsch » se sera étalé sur près de quatre ans, du premier single « Set A Thought » en janvier 2013 à ton double single « Saut de Ligne + Safes », en décembre dernier. Avais-tu une idée de la direction qu’allait prendre ce projet en trois actes dès le commencement, ou était-ce d’abord un jeu ?

L’envie de prolonger les morceaux à d’autres formes a toujours été présente, mais la direction ne s’est vraiment établie qu’à partir du deuxième titre. Avant de lancer « Trigger », je me suis rendu compte que la thématique du souvenir traversait les morceaux et les clips malgré moi. L’idée centrale m’avait en fait échappé jusqu’ici et j’ai rédigé une note d’intention pour conférer un fond à cette forme. Le jeu lancé au début pouvait en fait devenir une chouette proposition qu’il fallait étayer. Le projet devenant de plus en plus personnel, et personne n’en ayant rien à carrer à part ma maman, j’ai décidé de prendre le temps nécessaire pour réaliser quelque chose que j’estimais joli, accompagné de beaucoup d’amis talentueux qui ont mis la main à la pâte.

  • Tu fais partie du collectif Les Disques du Fennec. Peux-tu me le présenter, me parler un peu des artistes qui le forment à tes côtés ?

Le collectif du Fennec, c’est la famille !
Il est composé de neuf groupes avec un peu les mêmes musiciens qui tournent, ce qui rend les plannings complètement fous. On se remplace les uns les autres, puisons dans le vivier des morceaux à disposition et les jouons avec diverses formations. Nous organisons des soirées, sortons des compils, réfléchissons humblement à la manière dont la musique peut vivre au quotidien…

Les Disques du Fennec

Il y a Mike, qui fait de la batterie dans cinq des groupes ; Ita, qui s’occupe de l’aspect visuel pour quasi tout le monde ; Benja, notre ingé’, qui uniformise le son des canidés que nous sommes ; Panpan, le type jamais payé qui fait la régie ; Gerboise, qui joue à PES et fait des vidéos ; Bastien, qui est chauve et fait du surf ; Émeline, qui est un fax ; Blandine, qui est un chat avec un tambourin ; Alexia, qui s’occupe de l’administration parce qu’on est, pour la plupart d’entre nous, largués là-dessus ; Tony, qui construit des maisons et a des tatouages ; Tibo, qui prend des drogues et traverse la France en stop ; Philippen le type qui écrit les meilleurs arrangements cordes et cuivres du monde ; et Emeline, qui attend des bébés, des Toulousains qu’on voit pas souvent en réunions.  Le tout est chaperonné par Alex, alias « Papa Fennec », qui est sur tous les tableaux en même temps.

  • La pépinière Krakatoa t’accompagne depuis tes débuts : à quel niveau se situe l’aide qu’ils t’apportent ?

Ils sont un partenaire-clef de mon développement et une passerelle au national. Ils aident à l’administratif, aux résidences, à la com’… Je suis également accompagné par l’AREMA Rock & Chanson, qui intervient sur les mêmes registres. Beaucoup de groupes Fennec sont accompagnés par la Rock School Barbey et le Rocher de Palmer (Le A, My AnT, I Me Mine, Girafes). Je ne suis qu’un pauvre type qui écrit des chansons d’amour qui ne seraient jamais sorties de ma chambre sans cet entourage. Merci à Mr Moustache et Mr Bonnin (L’équipe-a Tour, mes tourneurs/managers/producteurs et nounous) et Maman, sans qui j’aurais fini par faire The Voice.

crédit : Rod Maurice
crédit : Rod Maurice
  • Tu viens de remporter le Prix Ricard S.A. Live Music 2016 ; qu’attends-tu de l’aide scénique et financière apportée par le Prix ? 

L’aide financière permet évidemment de faciliter les démarches et le développement. Dans le milieu dit « indé », on a l’habitude de travailler à la débrouille, avec beaucoup d’envie et deux euros de budget pour faire du studio, des vidéos, des visuels… Ces questions sont donc, cette année, plus faciles à élucider. On peut se permettre de payer nos équipes et même quelques caprices (vinyles).
De plus, l’équipe du Prix Ricard S.A. Live Music 2016 s’avère être très pertinente dans ses analyses et permet au projet d’avancer dans la bonne direction. J’avais forcément quelques craintes au début, mais elles se sont rapidement dissipées grâce à ce partenariat, qui me laisse l’entièreté des choix.
Du côté scène, il y a bien sûr la très chouette tournée et la formation au Chantier des Francos. Autant de moyens pour travailler le live et être encore plus beau qu’un Maine coon.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques