[Live] Hellfest 2016, jour 1

Mass Hysteria, Jambinai, Anthrax, Vision of Disorder & Earth

En matière de foutoir dans les rangs, on sait Mass Hysteria très habile ; et son passage en Mainstage ne déroge pas à la règle. Saluant au passage les collègues du metal français dont The Arrs, qui ont remplacé le même jour Architects sur la Warzone, Mouss vitupère non sans cracher à la face des cols blancs et le groupe envoie son cocktail (molotov) d’accords racés et plombés dans la foule de milliers de furieuses et furieux. Le spectacle, sur scène comme dans la fosse,est déchaîné, le metal hybride de Mass Hysteria passe les années sans faiblir. Le dernier album (« Matière Noire ») se taille la part du lion et les classiques (« Une somme de détails », « Furia »), tout comme l’attendu « Wall of Death », causeront bien des dégâts.

Revoir le live de Mass Hysteria sur Arte Concert

Pendant ce temps, dans la Valley, une des curiosités de la programmation 2016 se produisait devant un public dense et nombreux. Les Sud-Coréens de Jambinai faisaient escale à Clisson pour leur éclectique tournée française (ils étaient passés aux Nuits Sonores deux mois plus tôt, et seront aussi aux Vieilles Charrues). Leur inclassable musique faite d’instruments traditionnels coréens (percussions, trompettes, cordes frottées du haegum et cordes pincées du geomungo) mélangés à un post-rock parfois si bruitiste et rapide qu’il se rapproche aisément du post metal tendance Isis/Neurosis, fascine et emballe le public qui n’a probablement jamais rien vu de tel. Alternant morceaux de leur premier album « Differance » de 2012 et du dernier-né paru le jour même, « A Hermitage », leur très bon concert suscite l’adhésion immédiatement même si la complexité de certains morceaux ne survit pas à d’autres shows plus immédiats qui suivront. Les deux derniers titres joués, à la fois calmes, planants, dissonants puis subitement sauvages, sont particulièrement marquants. À revoir hors festival, sans doute.

L’apparition dans la foulée d’Anthrax sur la Mainstage nous rappelle que le week-end s’annonce d’ores et déjà exceptionnel avec la venue de trois des membres du Big 4 of Thrash. Slayer et Megadeth suivront, tandis que Metallica restera probablement à jamais l’Arlésienne du plus gros festival de metal de France ! Il ne s’agit pas de bouder notre plaisir et Anthrax est bien l’un des rares groupes du genre à balancer tout sourire des riffs nerveux pas bien loin du punk. La précision de Charlie Benante derrière les fûts reste sidérante et demeure bien la preuve que le thrash peut rester incisif et brut en dépit des années.

Un petit tour par la Warzone pour voir la fin des très bons Vision of Disorder, qui allient l’efficacité des riffs thrash ou sludge à la violence du hardcore pour un rendu du plus bel effet et un concert très solide, et nous retournons dans la Valley pour l’un des meilleurs concerts du festival. Le légendaire combo américain de drone puis de doom et de rock psychédélique Earth se produisait en effet ce jour-là devant une Valley comble. Son concert fut tellurique, c’est le cas de le dire. Jouant les désormais habituels morceaux des derniers albums, comme « There is a Serpent Coming » ou « The Bees Made Honey in the Lion’s Skull », le quatuor, dirigé par son fondateur (et unique membre à ses débuts) Dylan Carlson et accompagné, entre autres, de l’imperturbable batteuse Adrienne Davis à la gestuelle théâtrale et au toucher imparable, réussit l’exploit d’hypnotiser complètement près d’une heure durant un public captivé. Les titres programmatiques des pistes jouées sont propices au voyage que cette musique singulière propose. Une grande place est laissée à l’introspection : il suffit de fermer les yeux et de se laisser porter par des vagues de riffs lents, méditatifs, psychédéliques. Sur « There is a Serpent Coming », la batterie se fait mimétique et produit des sifflements de crécelles sur le charleston, qui donnent l’impression que l’amphisbène est en train d’enrouler son corps bicéphale autour de nous. Un morceau inédit et sans titre sera également joué ; la sidération est totale et l’envoûtement ne cessera que de longues minutes après la fin du concert. Earth nous laisse l’impression d’avoir traversé des millénaires, vu des créatures immenses, enfouies, célestes, et sa musique est tour à tour sombre et lumineuse, crépusculaire, rampante, menaçante ou apaisante. Inoubliable.

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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique