La genèse d’un album est, pour un groupe de rock indépendant, un long parcours dont le réel point de départ est parfois flou. Quand naît concrètement cette envie de mettre en synergie un ensemble de morceaux qui vont former un tout, une histoire, un message… À l’inverse, quand est-ce que se termine réellement ce chemin ? Quand est-ce qu’un groupe peut passer à autre chose, au départ d’un autre album ? La sortie d’un disque entraîne son lot de joies, de soulagements, de doutes et de frustrations. Le groupe de post-grunge neo-metal HEADKEYZ a choisi, lui, de refermer la porte de son étonnant « The Cage & The Crown : Chapter I », aux élans philosophiques subtils, à la misanthropie sensible, rageuse et mélancolique, à travers une symbolique forte. En guise d’épitaphe, les Montpelliérains nous offrent en effet un dernier clip en forme d’apothéose, lente plongée dans l’expression d’un sentiment de honte sincère et libérateur face aux dérives de l’humanité. Et c’est à découvrir en exclusivité sur indiemusic !
La narration proposée dans ce clip se rapproche bien plus de la dynamique d’un court-métrage, aux clins d’œil esthétiques évidents aux différents clips ayant émergé du processus narratif autour de l’album « The Cage & The Crown : Chapter I » autour des morceaux « Killing God » et « Passenger ». En explorant leurs espaces numériques, nous découvrons comment les membres de HEADKEYZ conçoivent la création : comme une intense mise en abîme où se confondent intimité créative et collective, introspection philosophique et catharsis musicale. Assurément, le clip de « Ctrl+Z | Big Bad World » a été conçu et pensé comme le dernier chapitre d’un ensemble à la profondeur sensible remarquable. Dans un monde où tout va trop vite, le groupe a choisi d’imposer son propre tempo, et d’apporter progressivement chacune des pièces du puzzle que constitue son album, sorti fin 2022. Ainsi ce nouveau clip s’ouvre sur l’instrumental « Ctrl+Z », parfaite invitation à se mettre en disponibilité mentale, dans les ailleurs de l’évasion, de la rêverie, de la vie intérieure. Il représente ce corps en souffrance, à la fois beau et touchant, il est cette créature entre deux mondes, miroir de notre propre déchéance et dont le silence en dit beaucoup plus long que nombre de discours. Cet être chimérique semble être à la recherche d’un espace perdu, aussi bien physique que temporel, dont l’horizon s’est très largement rétréci et est désormais contenu dans les limites d’un écran de contrôle.
Le morceau « Big Bad World » arrive ainsi comme un soubresaut de résistance, un refus organique de l’insupportable, de l’inacceptable, qui tend de plus en plus à devenir la norme, au travers de l’abondance d’informations, sans hiérarchie, ni mises à distance, qui nous submergent en permanence. L’omniprésence de l’information ronge de l’intérieur notre moral, et plus largement notre humanité. Que faire face au déni, face à cette fuite en avant permanente, qui nous rend aveugles et insensibles à l’injustice, à la souffrance, à la misère, au point de croire que la consommation, la guerre, la domination et la destruction ne sont plus que notre seul horizon. À travers sa voix profonde et expressive, aux élans emo, Adrien Girard met en lumière l’illusion de la modernité, dans laquelle sombre l’humanité. Il en appelle à un devoir de responsabilité et de lucidité, avant qu’il ne soit trop tard.
« I know the game I play
It’s the game I die
On this grave I write my name
And I have no words to say
Cause this big bad world
Is just the fucking world I made »
Musicalement, la formation metal alternative n’a peut-être jamais autant semblé aussi unie que sur « Big Bad World » ; le souffle instrumental collectif se retrouvant particulièrement puissant et compact au service de ce message sombre, mais aucunement résigné. En effet, malgré son univers sombre, HEADKEYZ reste foncièrement un groupe combatif et volontaire, qui va de l’avant et se projette déjà de l’autre bout du tunnel où s’écrira sans aucun doute possible son prochain opus.
« The Cage & The Crown : Chapter I » de HEADKEYZ est disponible depuis le 22 novembre 2022 chez NB Records via Modulor.
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