[Live] Fantastic Negrito et Seratones à Stereolux

Depuis plus de dix ans, les Nuits de l’Alligator permettent au public français de ressentir la chaleur du blues le plus rugueux et du rock le plus crasse. L’étape à Stereolux, le 16 février dernier, a ajouté un soupçon succulent de soul à ce cocktail âpre et vénéneux.

Fantastic Negrito – crédit : Fred Lombard

Les Nantais de Rüsty Deal ouvrent la soirée. La prestation est honnête, quoique plus intéressante lorsque le groupe choisit la cavalcade plutôt que le repos. Difficile, pourtant, d’oublier l’héritage d’illustres prédécesseurs ayant manié le riff et le plomb. On souhaite aux gars de Rüsty Deal de se défaire de ces liens et d’appuyer sur l’accélérateur pour s’évader sur des highways moins encombrées.

Seratones investit à son tour le plateau et l’étincelle louisianaise jaillit dès le premier accord. Véritable trésor de soul et de rock, A.J. Haynes charme le public de son sourire et de sa voix parmi les plus enjouées qu’on ait entendues dans le registre. Point de rage ici, malgré les coups portés sur les fûts et les soli grinçants. L’ensemble est franchement réjouissant. Alors que le batteur se met à remplacer une pédale de grosse caisse défaillante, la vocaliste ne perd pas une seconde et entonne seule le titre suivant a cappella à grands coups de pied sur la scène pour battre la mesure. On n’apprécie jamais autant un concert que lors de ces instants où la magie opère avec si peu.

Puis le fuzz revient à la charge. L’assaut est salvateur parmi les rangs où l’on se déhanche en cadence. La basse et ses notes rondes apportent son lot de groove moite et les titres se succèdent dans une simplicité désarmante. Aussi efficace sur scène que sur ses disques sortis sur le mythique label Fat Possum, Seratones ravive le feu d’un garage rock sommaire et enthousiaste. La joie est d’ailleurs palpable lorsque A.J. descend dans la fosse et court en chantant dans tous les sens, hirsute et hilare. La fièvre se répand dans les rangs et c’est une ovation qui clôt le show puéril et puissant.

L’effet « Grammy Award » aura probablement contribué à remplir à ras bord la salle micro de Stereolux, Fantastic Negrito ayant décroché quelques jours auparavant la fameuse récompense outre-Atlantique pour le meilleur album de blues contemporain (sic) avec « The Last Days of Oakland ».  L’artiste sort de l’ombre et l’on a très vite l’impression qu’on ne le laissera pas y retourner de sitôt. Secondé par un groupe solide, le chanteur californien est magistral et s’emporte, les yeux cachés sous un large couvre-chef qui restera difficilement en place au vu des saccades dictées par une section rythmique bousculant tout sur son passage jusqu’au fond de la salle.

Les quatre premiers titres se succèdent sans une seconde de répit et l’échine de chacun frisonne. Blues teinté de soul noyée dans le rock, le répertoire se déroule à fond de train. Les transitions en équilibre soufflent le chaud et le froid et provoquent immanquablement les vivats. L’entrée en matière est incroyable et acclamée, l’osmose présente sur scène gagne le public. C’est toujours dans l’effusion et totalement habité que Fantastic Negrito continue son prêche, plaidant la cause des laissés pour compte (« Working Poor ») ou narrant son calvaire avec une femme impossible à vivre (« Scary Woman »).

La tension monte et le falsetto de Fantastic Negrito éblouit l’audience durant le délicat « Rant Rushmore », ponctué pourtant de refrains puissant dans une énergie franche et rock. On assiste à l’inimaginable sur « An Honest Man » lorsque le lien est clairement établi entre les prisons songs captées par Alan Lomax et les riffs démoniaques de Black Sabbath. Époustouflant ! C’est ensuite un funk bravache qui se pointera et fera s’agiter la foule jusqu’au final percutant (« Hump Through The Winter »), frôlant la transe collective. Non sans avoir prôné l’union et la fraternité face à l’adversité, le prêcheur prendra le chemin du retour en reprenant « In The Pines » de Leadbelly, plus connu dans notre contrée à travers la voix de Kurt Cobain lors du final d’un fameux « Unplugged ».  Parfait decrescendo à l’issue d’un concert absolument remarquable et qui aura subjugué en retraçant avec subtilité, fougue et un son impeccable l’histoire de la musique noire américaine. Révélé par ses pairs, Fantastic Negrito gagne désormais à entraîner, avec lui et sa guitare en bandoulière, le plus grand nombre. Écoutez « The Last Days of Oakland » et ne ratez pas son prochain passage par chez nous !


Retrouvez Les Nuits de l’Alligator sur :
Site officielFacebookTwitter

Olivier Roussel

Olivier Roussel

Accro à toutes les musiques. Son credo : s’autoriser toutes les contradictions en la matière.