Rencontre avec De Calm

Sous les pluies parisiennes. Sous un ciel gris. Le quartier Château d’Eau grouille de monde, de paroles et de couleur. C’est dans un bar très calme, à contre-pied des ruelles qui l’entourent, que Guillaume du groupe De Calm nous parle. Il est alors question d’Amour Athlétic Club, de cinéma et de football. Au son de l’accent qui sent le Sud, on l’a écouté.

De Calm

  • Pour bien commencer, la question toute simple : peux-tu te présenter ?

Je suis Guillaume de De Calm. L’auteur des chansons et l’interprète du groupe. Groupe que je partage avec mon alter ego Mickaël Serrano qui est le compositeur de toutes les chansons.

  • C’est votre second album, alors dis moi, comment appréhende-t-on la création d’un deuxième disque ?

Avec beaucoup de doutes et l’envie d’en découdre assez vite. On avait laissé après le premier album une période d’un an à peu près, sans rien faire ou du moins faire d’autres choses. Puis après l’envie d’écrire d’autres textes est arrivée avec cette idée de sport qui revenait dans les chansons. À partir du moment où ce truc-là est ressorti, on a eu envie d’enregistrer assez vite. Beaucoup d’enthousiasme au départ. L’envie de trouver du plaisir.

  • Quand on parle de deuxième album, on parle aussi du fait d’être attendu au tournant. Quand on compose justement il y a une sorte d’autocensure, de critique interne qui se mettent en place ?

Non. Nous on a jamais eu cette idée de penser à la réception. Enfin, on y pense bien sûr, mais ce n’est pas le leitmotiv. Notre envie c’est vraiment d’écrire des chansons, de voir ce qui sort et puis après essayer de structurer tout ça. Mais en tout cas : zéro pression, ça s’est fait vraiment tranquillement. On s’est même dit « peut-être que ça ne donnera pas un album ». Juste le plaisir de faire des chansons et tant mieux pour l’album !

  • Comment se passe cette phase de création ? Elle s’étend sur beaucoup de temps?

Dans l’écriture, je prends beaucoup de temps. Écrire et réécrire les textes. Après je les transmets à Mickaël qui compose. Lui, par contre, il va super vite. Le lendemain ou deux jours après, il a trouvé quelque chose à la guitare ou au clavier. Une fois qu’on est arrivé à une dizaine de chansons, on va trouver les personnes idéales. C’est-à-dire Philippe Entressangle et Marcello Giuliani, qui forment habituellement la section rythmique d’Étienne Daho. On a aussi eu envie de travailler avec Marc Denis, ingénieur du son toulousain qui avait fait un super travail sur le double album de Bertrand Betsch. Ce qui a pris du temps, c’est entre l’enregistrement durant l’été 2012 et la sortie, maintenant. C’est beaucoup de démarchage auprès des distributeurs, on ne savait pas exactement avec qui on allait le sortir.

De Calm

  • Tu parles de temps, peux-tu m’expliquer les étapes dans ton écriture ?

Je prends des notes régulièrement. Des phrases, des choses qui me touchent. Après, quand je trouve vraiment l’axe de la chanson ça peut aller vite pour l’écrire. Mais derrière, il y a encore un gros travail de réécriture pour agencer et là ça m’est déjà arrivé de mettre à la corbeille la chanson. À ce moment-là, j’ai pas mal d’exigence. Par rapport aux compositions, il y a aussi un nouveau travail. Car quand j’écris, je ne sais pas forcément où va se trouver le couplet, le refrain. Avec la musique, je vais accentuer, essayer de trouver des structures identiques, de scénariser tout ça. J’ai un rapport à l’audiovisuel, au cinéma qui est toujours présent dans l’écriture. J’essaye de faire en sorte qu’il y ait un élément déclencheur, un climat…

  • Ce que j’ai ressenti à l’écoute de l’album, c’est une certaine fatalité, une frustration pour une génération. C’est ce que tu essayes de traduire dans tes textes ?

À partir du moment où l’on veut être générationnel, faire passer trop de messages, c’est justement là que ça tombe à l’eau. Moi, c’est vraiment des choses qui m’interpellent, qui me touchent, si ça peut être générationnel tant mieux, mais ce n’est pas mon leitmotiv. D’ailleurs dans mes chansons, c’est souvent l’histoire d’un cas isolé, mais bien sûr tant mieux si c’est universel, si ça touche beaucoup de monde. J’en suis ravi. Je n’ai pas envie d’être fermé non plus.

  • Il y a une autre chose qui traverse tout le disque, c’est le passé. Quel est ton rapport aux souvenirs, à la nostalgie ?

On nous a souvent considérés comme un groupe du passé. En même temps, je le revendique, je l’assume, mais ça ne veut pas dire que le futur est laissé de côté. Au contraire, je me sers du passé pour parler de choses actuelles, présentes. C’est vrai que j’ai recours à la mélancolie, aux souvenirs assez régulièrement. Je crois que je n’ai jamais écrit une chanson au futur. Ça fait partie de moi. L’autre jour, j’ai vu un reportage où Vincent Lindon disait « Non, non. J’ai besoin de revenir dans cet endroit, ça fait partie de moi. Ce lieu, ça me parle. ». J’étais très d’accord avec ça. Je fonctionne pareil. Les moments de mon enfance me permettent d’affronter le présent avec beaucoup plus de force. Mon passé, je n’ai pas envie de l’ensevelir, j’ai préféré le mettre au-devant de la scène.

De Calm

  • Dans toutes les chansons, l’amour laisse une trace. À ce propos, je me pose une question : pourquoi depuis 2000 ans les artistes chantent-ils l’amour ?

Je pense que c’est le sujet le plus puissant. Après, ce qu’on voulait avec Mickaël, ce n’était pas faire des chansons sur les impasses amoureuses. Traiter l’amour, mais de différentes manières. L’amour de la petite fille. L’amour du football. L’amour d’un tas de choses. On avait le sentiment que ça renouvelait la chose. Que l’approche est plus vaste. Même s’il y a cette sorte de mélancolie… Je parle souvent de mélancolie sautillante. On parle parois de choses tristes, qui chamboulent, mais la musique, la mélodie amènent quelque chose de positif. Ça passe aussi par l’humour, par exemple dans le morceau Crystal Palace il y a des touches d’humour. Ça allège, ça rend tout plus léger, plus positif. D’ailleurs, ce côté-là, on y tient vraiment. C’est un album ouvert vers les autres, alors que le premier était beaucoup plus fermé, plus cérébral. Là c’est complètement différent, c’est open-bar.

  • Dans Amour Athlétic Club, en plus de l’amour, une deuxième passion revient souvent, c’est le football. Peux-tu me parler de ça ?

De Calm - Amour Athletic Club

C’est pour conquérir le public féminin. Non, je rigole. J’ai été footballeur et ça a été très important dans ma vie. J’ai suivi une filière sport-étude. J’ai joué en réserve professionnelle au Toulouse Football Club. Ça m’amusait, après d’avoir fait l’album cinématographique, d’avoir en toile de fond le football. Mais je ne voulais pas faire un album sur ça, ça aurait été insupportable. Mais s’en servir ponctuellement comme ça, avec la notion d’effort aussi, je trouvais ça très intéressant.

  • J’imagine que vos projets suivent un schéma. Comment avez-vous structuré Amour Athlétic Club ?

C’est un vrai casse-tête. Autant sur le premier album qui est un album concept sur le cinéma, j’avais envie qu’il y ait une trame ; les choses découlaient logiquement. Là, je trouvais que c’était bien de commencer par « Les plongeoirs », justement pour plonger dans l’album. J’aime beaucoup la chanson aussi : c’est sûrement ma préférée sur l’album.

Ensuite « Un jour de mai » aussi, par rapport à toute l’efficacité qui peut y avoir dans cette chanson. Après toute la trame, j’avais essayé, chez moi, d’écouter plusieurs ordres en déterminant ce qui était le plus cohérent, le plus fort. J’avais des certitudes notamment par rapport à ces deux premières chansons. Par rapport à la dernière, « Le refrain de nos sueurs », qui est une sorte d’hymne mélancolique, triste du footballeur, de l’individu. C’était une manière de dire rendez-vous pour un prochain album. On sera toujours là et on espère que vous aussi vous serez toujours dans les parages.

  • Vous n’avez pas enregistré dans un studio, mais dans un atelier. Parle-moi de cette expérience !

J’avais envie de casser le jeu du studio traditionnel. On avait avec nous Philippe Entressangle et Marcello Giuliani qui venaient de travailler sur l’album de Lou Doillon dans un grand confort. On avait envie de les mettre un petit peu en difficulté. De les mettre dans un lieu inhabituel. On pensait que ça apporterait une couleur, un son ou bien dans l’interprétation quelque chose de différent par rapport à ce qu’ils pouvaient faire habituellement. Puis, comme il y avait cette notion d’effort, c’était bien de se retrouver au milieu des machines, d’avoir un ouvrier à nos côtés. On ne voulait pas un son roots de garage, de donner cette impression, mais je reste convaincu que ça se sent. Bien sûr on ne dit pas, ça s’entend, mais par contre c’est sûr que c’est présent dans notre manière d’interpréter, cette notion d’effort, athlétique, mais en même temps allégé. C’est le paradoxe de l’album.

De Calm

  • Tu parles d’atmosphère, il y a aussi celle du cinéma…

Le premier album était très nouvelle vague, François Truffaut, L’homme qui aimait les femmes… Là, je ne dirais pas cinéma commercial, mais c’est plus un cinéma comme ça : les frères Cohen, plus des choses ludiques, plus pop corn, plus ouvert sur les autres, plus cinéma du samedi soir. Même si ce n’est pas complètement un album cinématographique, il grouille de petites références. Puis, c’est aussi dans « Le film qui ne se fera jamais » en un clin d’œil au cinéaste que je ne serai certainement pas.

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Juliette Durand

étudiante en cinéma, arpenteuse des scènes parisiennes et passionnée des musiques qui prennent aux tripes