[LP] Asagaya – Lights Of The Dawn

Asagaya, que nous pourrions présenter comme le poulain japonais de Guts, arrive à créer quelque chose de personnel et touchant avec son premier album « Lights Of The Dawn ». Grâce à un syncrétisme entre hip-hop et racines blues, nous sommes au soleil sous des airs d’anachronisme maîtrisé. Accompagné sur ce disque par certaines figures familières : Lorine Chia et Leron Thomas, Asagaya parvient à les associer à sa musique en faisant bien plus qu’une simple redite du très bon « Hip Hop After All ». Beatmaker de choix, « l’homme au masque » va agréablement surprendre ceux qui aiment se faire bousculer tout doucement.

Asagaya - Lights Of The Dawn

Tout commence par une mise en bouche sur des airs de western. Une guitare envolée par une chaleur torride ; un Django Unchained des temps modernes nous explique sa vie : « Insanity have replaced the fear ».

Avec « Elusive / Delusive », Lorine Chia s’invite dans la danse. Les violons donnent au titre un air majestueux tout en nous grisant. On repense alors à « Come Alive » sur l’album de Guts. Les cuivres y sont sans doute pour quelque chose ; on est bien dans notre peau quand on écoute ce morceau détendu. C’est la piscine l’été, ce sont les cocktails l’après-midi, c’est la belle vie.

Vient la première des trois collaborations avec Jay Prince ; « Suncat ». Ici, le BPM s’accélère poussé par une harpe en guise de prod’ et le flow tonitruant du rappeur anglais. Le refrain nous guide dans les méandres d’une boîte de nuit à l’américaine pour aller voir quelques femmes aux petites tenues dans un coin de la salle. Et c’est là que se glisse la « Redneck’s Parade ». Un pur instrumental qui pourrait aisément s’immiscer dans la B.O. d’un film d’action. Une sorte de « Arrête-moi si tu peux » ou alors « L’affaire Thomas Crown ». Le mystère d’une poursuite infinie dictée par une sagesse et une sournoiserie certaines.

Jay Prince revient sur le devant de la scène. « Washy P » est tropicale. Elle ne dort pas, elle ne mange pas. Elle remue sa croupe sur des sifflets, elle vibre sur la basse. Alors, le break casse un peu l’ambiance sans apporter de réelle profondeur au morceau, mais on revient vite sur la ligne de basse simpliste, mais efficace. Ce sont les percussions qui font que ça marche ; on se croirait sous le soleil et une humidité ambiante. Voilà qu’on reprend une instru’ digne du grand Nujabes : « Armenian Princess ». On assiste au dénouement de cette intrigue lancée par la Redneck’s Parade, mais les interludes instrumentaux sont nombreux dans l’album. Ils posent le décor, déterminent la matrice du projet et expliquent son principe profond.

Piste suivante : « The Nature Creature », en collaboration avec Afrofyete, de Breakestra, où homme et femme se répondent, et ça tabasse ! Elle est là, l’autoroute du soleil. Les cuivres sont terribles : les trompettes sonnent une apocalypse joyeuse et une clarinette s’invite au bal. Qui ne voudrait pas écouter cela sur fond d’été indien ? La chaleur, le soleil s’emparent de nous et la joie se fait nôtre. Une batterie qui claque, une chanteuse parfaite, des cuivres souriants : vous avez là l’équation de ce morceau réussi.

Nous enchaînons avec « Penguin Beach » ; la démo qui a fait que Guts a soutenu le projet. C’est aussi l’ultime collaboration avec Jay Prince. Sa voix se pose parfaitement sur la douce prod’ de l’ami Asagaya. Et si le refrain n’enchante guère, sans doute est-il empli d’une teinte d’ironie. La Californie prend cher. Il y a toujours ce même air de mystère qu’Asagaya sème partout. Un solo de guitare qui s’installe parfaitement. On se laisse guider par son exquise douceur ; un délice. On regrette presque le fade out qui nous laisse sur notre faim. L’interlude revient, nous sommes toujours sur la route.

Sur « In The Mountain Of Bliss », le Leron Thomas de Guts vient se la jouer Screamin’ Jay Hawkins. Une trompette casse l’épaisseur et la gravité du morceau. Nous assistons à une danse au ralenti avec les cheveux gominés. L’univers d’Asagaya semble marqué par cette mystique un peu rock et franchement américaine, mais remise au goût du jour. Nous parlions de Django ; nous sommes un peu dans cette forme d’anachronisme. Une sorte de syncrétisme entre des influences hip-hop et un passé bluesy. Le beatmaker tokyoïte confectionne en tout cas le mélange avec un tact certain.

« Women » en collaboration avec l’Allemande Akua Naru commence par un rap qui casse un peu l’ambiance que nous venons de décrire. Nous pourrions être déçu par cette fin d’album, par ces presque deux premières minutes de morceau. Puis d’un coup, l’intrigue est lancée. Le rythme en est changé alors qu’une voix masculine s’installe. Les cuivres s’affolent puis par s’approche un petit piano ; nous sentons la tension monter ! À quelle sauce allons-nous être mangés ? On nous parle de « final judgement » puis de secrets gardés. Le mystère reste donc plein. Majestueuse fin que ce morceau aux airs bibliques.
Il nous reste alors à découvrir « Something On The Way » ou comment finir l’écoute par un dernier obstacle.

Asagaya nous a comblés avec ce premier album. « Lights Of The Dawn », c’est avant tout du bonheur en barre Et sa sortie simultanée avec l’arrivée du printemps, bien plus qu’une coïncidence, est sans doute un message politique : faites l’amour, pas la guerre !

crédit : Emmanuel Eyrignoux
crédit : Emmanuel Eyrignoux

« Lights Of The Dawn » d’Asagaya est sorti le 30 mars 2015 chez Open Side Music et Jakarta Records.


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Nils Savoye

Mais de quelle situation cette musique pourrait-elle bien être la bande-son ? Réponse d'un étudiant en histoire.