[Live] INÜIT et Ed Mount à Stereolux

Alors que la soirée devait se passer initialement dans la salle micro de Stereolux en cette pluvieuse soirée d’automne, INÜIT a eu l’occasion de réchauffer les 1200 spectateurs amassés dans la grande salle. Le groupe qui jouait samedi dernier à domicile aime (dompter) la scène, et le public le lui rend bien, mais avant d’entamer les hostilités, les six locaux avaient invité un talent nantais, Ed Mount, pour faire monter la température face à une audience encore groggy par l’averse et la fraîcheur extérieure. 

INÜIT – crédit : Fred Lombard

Avec une formation minimaliste, Ed Mount, accompagné de son batteur, avait donc la lourde tâche d’ouvrir la soirée pour un groupe qui a déjà sa réputation dans l’exercice du live. Le protégé du label Fvtvr n’a alors pas eu à rougir de sa prestation, car s’il est toujours frustrant de voir un live où une majorité d’instruments ne sont pas joués, mais lancé via MAO, Ed Mount et son synthétiseur ont un certain don pour la composition afin de pallier à ce manque. Le chanteur peroxydé, timide entre les morceaux, sait user de sa voix, toujours juste, parfois sensible, voire feutrée, et qui revêt même l’autotune de temps à autre. Musicalement, on sent les influences de la French Touch.

Des noms comme Kaytranada ou Breakbot viennent également à l’esprit lorsque l’on se laisse porter par les accords de septième, la basse groovy hyper compressée et la batterie décousue et hyper précise des compositions. Et lorsqu’une ballade apporte, à la moitié du set, une touche sensuelle (pour ne pas dire sexuelle) à la prestation du jeune compositeur, on ne saurait éluder comme référence l’excellent Toro Y Moi. Nous sommes conquis musicalement parlant, et bien que nous aurions aimé davantage de musiciens sur scène pour visuellement rendre hommage aux morceaux étoffés du Nantais, force est de constater que le choix de s’assister d’au moins un batteur est judicieux, rendant la prestation plus vivante. Le public a eu le temps de sécher. Ed Mount nous invite à écouter son EP « Space Cries » en ligne, nous gratifie de son single « Don’t You Remember » et s’éclipse pour laisser place au grand défouloir annoncé.

La salle finit de se remplir pendant le changement de plateau, les uns en profitant pour se ravitailler en boisson, les autres s’amassant devant la scène, impatients. Puis les six sautillants musiciens nantais débarquent sur scène dans une imposante configuration où les percussions ne manqueront pas pour étayer les synthés et les cuivres. Le set commence sur des nappes électroniques et du chant hypnotique, trompe l’oreille pour un set qui va vite s’embraser avec le second single du premier album d’INÜIT, « Tomboy ». Le son est puissant, l’énergie est tangible, le public happé. Les compositions pop du groupe donnent une allure de club à Stereolux tant elles sont rythmées phoniquement et visuellement dans leur format live. Difficile de ne pas opiner du chef, de ne pas trémousser son corps sur les efficaces rengaines des six énervés qui se déchaînent face à nous. Et ceux qui n’ont pas complètement cédé à l’appel du dancefloor restent bouche bée, impressionnés par l’imposante prestation offerte en ce samedi soir où les Celsius grimpent de façon exponentielle parmi l’audience, jetlag saisonnier permis par la joie et l’énergie communicative de six larrons. Il faut être en bonne condition physique pour suivre les cadences effrénées des morceaux enchaînées par le sextuor.

Coline, chanteuse sautillante, joue de grâce et de justesse. Même percussions en main, et dans tous les registres, que ce soit dans des tonalités basses intimistes, ou dans ses envolées lyriques dans une voix de tête où la précision est toujours de mise, les cordes vocales de celle-ci nous laissent pantois d’admiration. Puis le groupe entonne « We The People », tube anti-Trump, sorti en amont de leur album où les lumières d’un rouge menaçant, et aux teintes orangées qui ne sont pas sans rappeler la capillarité de l’intéressé, viennent appuyer une de ces énergies créatrices d’INÜIT : la rébellion, souvent exprimée par des morceaux engagés. Il en sera de même avec le morceau « Adama », diatribe contre les violences policières, où la cavalcade rythmique sert d’exutoire à une colère parfois moteur dans la composition du sextet. Le public a également droit aux morceaux « Dodo Mafutsi » où il va pouvoir reprendre à l’unisson les chœurs du refrain, pour le moins originaux, loin des clichés. C’est dans ces moments-là qu’on constate que le public est dithyrambique, conquis par le groupe avant même leur montée sur scène ; et s’il restait quelques sceptiques, ceux-ci paraissent bien discret face à une audience qui réclame encore et encore le groupe nantais quand le set touche à sa fin.

Celui-ci le leur rend bien puisqu’il offre aux spectateurs un copieux rappel, avec la très belle chanson d’amour, « Comment on fait le feu ? », où les boules disco s’invitent au-dessus des excités d’INÜIT. Puis nous revoilà partis pour une bonne session clubbing qui nous fait réaliser que nous devrions peut-être arrêter de fumer avant d’assister à de telles débauches d’énergie. La grosse heure de set est finie par une petite pépite qui affiche l’ambition d’un groupe qui aime faire danser puisqu’il gratifie les plus endurants parmi la foule d’une reprise de « Pump Up The Jam » de Technotronic. Ce soir, Stereolux est devenu le Warehouse (ou le Rex Club pour nos lecteurs parisiens), et la différence de température risque d’être violente lorsqu’il s’agira de retrouver le ciel pluvieux d’un Nantes automnal.


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Kãman Messaadi

chroniqueur né et élevé parmi les disques et les instruments de musique