[Interview] Marika Hackman

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À l’occasion de son retour en France il y a quelques semaines, en première partie du groupe alt-J à Bercy, après de longues années d’absence, nous sommes allés à la rencontre de Marika Hackman. Nouveau label, nouvel entourage, nouvelle équipe, la Londonienne nous a raconté les secrets de son deuxième album “I’m Not Your Man”, sorti l’été dernier, et qui l’a vue se métamorphoser en rockeuse en studio aux côtés de ses amies de The Big Moon.

crédit : Steve Gullick
  • J’ai l’impression que tu es totalement sortie de ta zone de confort sur ce nouveau disque, il y a une vraie évolution sonique et émotionnelle…

Je veux toujours me mettre au défi, à chaque nouvelle sortie. À chaque fois que je fais de la musique, je souhaite élargir l’horizon de ce dont je suis capable de produire. Je ne suis pas juste assise avec ma guitare acoustique à écrire ! J’essaye de réfléchir à ce qui me ferait le plus plaisir. Or, pendant ces dernières années de tournée, j’ai commencé à réaliser que je m’amusais beaucoup plus à jouer des chansons un peu plus enjouées. C’est quelque chose que j’adore voir et écouter, que je m’imagine jouer. Donc je me suis lancé dans l’écriture de ce genre de morceaux que j’ai commencé à enregistrer d’une manière très différente par rapport à mes précédents travaux, avec une texture de son bien plus rugueuse. En fait, je suis pas mal sortie voir à Londres des musiciens qui jouent des trucs un peu plus forts, et je me suis dit que cela pourrait être une voie parfaite pour sortir de ma zone de confort.

  • The Big Moon fait partie de ces groupes ?

Oui, je les connaissais déjà, j’avais assisté à un de leur concert pendant lequel on a beaucoup bu, et c’est comme ça qu’on est devenues amies ! En fait, ce n’était pas absurde de se retrouver en studio avec elles, d’avoir des gens auxquels je tiens vraiment, avec lesquels je vais chez moi, que je respecte… Malgré tout, j’étais hyper, mais hyper nerveuse, parce qu’avant ces répétitions ensemble, je n’avais encore jamais donné autant de contrôle à quelqu’un avant d’une certaine façon. Je suis une vraie maniaque avec ce genre de chose ; dans le studio, je sais exactement ce qu’il va se passer. Avec Charlie (son producteur depuis ses débuts, qu’elle partage entre autres avec alt-J ndlr) nous avions un contrôle complet sur tout. Donc avec elles, c’était y aller en mode quintet pour enregistrer en format live ; quelque chose d’inconnu pour moi. Mais après environ deux prises, j’étais déjà persuadée que cela allait être génial. Je l’ai vraiment bien senti !

  • Quelle place leur as-tu laissée dans ton processus créatif ? Est-ce que cela a bouleversé ta façon de faire un disque ?

J’avais déjà fait 95 % du boulot, parce que nous allions devoir l’enregistrer comme un live, donc c’était très important que j’eusse déjà pensé à tout, et la production notamment bien avant qu’on s’y mette. Donc j’avais fait des démos assez détaillées, qui donnaient vraiment le ton. Mais évidemment, la raison pour laquelle je voulais travailler avec le groupe et The Big Moon est que j’adore leur énergie, ce sont de super musiciennes. Donc je n’avais pas non plus l’intention d’être en mode « il est impossible d’ajouter ceci ou cela », il y avait toujours un peu de place pour s’amuser, ou mettre un son étrange par ici ou là, quelques voix que je voulais en plus par rapport aux démos ou des trucs comme ça… La structure était déjà prête, mais il y avait de la place pour qu’elles apportent un plus, des choses pas forcément prévues.

  • Y-a-t-il d’autres rencontres qui ont été décisives dans l’évolution de ta musique ?

J’ai eu Our Girl, l’autre groupe de Sophie (guitariste de The Big Moon, ndlr), en tournée avec moi en première partie, et je les adore aussi. Et, en tant que trio, je suis très surprise par comment ils arrivent à être bruyant, c’est comme elles jouaient à cinq, sauf qu’ils sont trois ! Et tu les regardes en te demandant : « Mais comment ils font ça ? » Ils sont tellement doués, c’est génial.

  • Pour résumer les textes de l’album, tu parles d’« histoires de sexe bizarres et abstraites »…

Oui, je pense que c’est ça. C’est un disque très sexuel. Ce qui est amusant, c’est que ce concept d’un arc de relation qui le traverse n’était pas prémédité. Je travaillais sur la tracklist, en mettant les chansons les unes avec les autres, et je me suis rendu compte grâce à une chanson de ce type qui sonnait vraiment bien qu’explorer le sujet dans chacune d’elle crée cette parfaite idée d’une relation qui s’épanouit avant de s’achever. C’était un peu un accident du coup, mais cela fonctionne bien. J’adore écrire sur la romance, les relations, le sexe, ou des choses comme cela ; c’est très facile et amusant d’écrire sur ces thématiques, parce que c’est quelque chose qui est là, en nous. C’est pourquoi tout le monde le fait ! J’aime aussi faire des réflexions sur comment tourne le monde, ou des trucs du genre.

  • As-tu regretté de ne pas avoir été aussi directe dans les textes du premier disque ?

Non, j’adore les paroles de l’album. Cet album pour moi est une création artistique très cohérente dans le sens où j’y retrouve des éléments très personnels. Mais évidemment, c’est très métaphorique et poétique, et c’était là mon intention au départ, avec ces mélodies spacieuses et étranges et ces harmonies bizarres. Les paroles sont des petits poèmes plus que des paroles directes. J’ai adoré le faire, l’écrire, mais maintenant qu’il est fait et qu’il existe, il ne va pas disparaître, donc je n’ai pas besoin de le refaire. Et surtout, je veux faire en sorte que faire de la musique reste excitant, frais, et en même temps je veux sortir de ma zone de confort. Donc j’ai l’intention de ne jamais sortir deux albums qui se ressemblent !

  • Pour toi, un artiste doit donc se remettre en cause à chaque nouvelle production ?

Je pense que le fait de se challenger est très important pour grandir en tant qu’artiste. Je veux dire qu’il est difficile de savoir ce dont est capable si on ne se met pas au défi. Si on ne le fait pas, on ne grandit pas. Mais en même temps, peut-être que le challenge ne vient pas toujours d’une façon basique ou en rapport avec un style de production. Un challenge peut s’incarner de plein de manières : pour certains, le fait de s’asseoir et écrire un nouveau disque après que le premier ait reçu un immense succès, c’est déjà un challenge, puisqu’il faudrait recréer cela. Les gens ont différents challenges, mais celui que je préfère est plus lié à l’aspect purement musical. J’aime jouer en me disant : « Qui est Marika Hackman ? » parce que je ne souhaite pas rester coincée et retenue dans un seul registre.

  • Cela signifie qu’il y a déjà un troisième album que tu prépares, à nouveau dans un esprit totalement différent ?

J’ai commencé à écrire, et j’avais quelques chansons prêtes, mais mon ordinateur portable a été volé donc j’ai perdu tout mon travail de l’an passé… Mais quand je vais finir ma tournée en février, je vais m’y remettre assez vite pour reconstituer tout cela. Je voudrais pouvoir enregistrer cette année, et je pense que ce sera encore une fois différent. Je ne veux pas dire comment, car ce n’est pas encore fixé, donc… je dirais que ce n’est pas un changement énorme, mais cela pourrait être différent.

  • Avant de revenir sur scène, avec ces nouveaux titres, tu avais dit : « je suis impatiente d’être un animal en concert ». La nouvelle Marika implique donc également des performances totalement différentes, loin des guitares voix introspectifs et intimistes d’il y a trois ans ?

Je fais quelques solos, je secoue mes cheveux dans tous les sens, c’est un peu ça, oui (rires). Mais c’est aussi grâce au groupe : ils sont tous géniaux, nous avons une très bonne énergie tous ensemble, et puis comme nous jouons depuis un an, on est assez rodé. C’est comme cela que je me voyais depuis toute jeune en fait, quand je pensais devenir une musicienne. Je ne veux pas me contenter de rester immobile pour jouer des performances intimistes en étant songeuse. Je voulais me déchaîner sur scène, être plus dans la démonstration, rechercher l’attention du public.


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ENGLISH

It took a long time to have Marika Hackman back on stage in Paris. Fortunately, she finally came back here on tour with alt-J a few weeks ago, and we took this opportunity to have an interview about the making of “I’m Not Your Man”. A sophomore album which see her metamorphosing into an indie-rock musician with the help of The Big Moon that she brought with her in the studio.

crédit : Steve Gullick
  • I feel like you have made a new record that pushes you out of your comfort zone, with an emotional and sonic progression…

I really want to challenge myself, with every release, every time I’m making music I want to be broadening my horizon of what I’m capable of doing. I’m not just falling back on kind of sit down with an acoustic guitar and writing. And I’m also thinking about what is enjoyable for me and you know I’ve been touring for several years, and I love that record I wouldn’t change anything about it… but I started to realise on the tour that I was having a lot more fun playing the more kinds of more upbeat songs. I was kind of hanging out with these musicians in London who were playing kind of heaviest stuff, and I kind of just thought you know this would be the perfect way out of my comfort zone and I love watching music like that I love listening to music like that, it’s something I was imagining myself playing, and so I just push myself to write songs like that and then to record them in a completely different way in a kind of live more rough sound.

  • Do you mean the sound that makes bands like The Big Moon?

Yes, I knew them, I was attending at one of their gigs, we got really drunk and became friends kind of like that. So it was not nonsense they were with me in the studio, to get the people I really care about, I go home with, I respect… but I was still really, I mean really nervous, because before we did rehearsals together I never gave  that much kind of control in a way. I am a massive control freak, in the studio I know exactly what’s gonna happen, with Charlie we had complete control of everything. So with them it was like going and be a five-piece band and record things live, was really don’t seen. But after we did like two takes, I was like, that’s gonna be awesome, I just felt it!

  • How were they exactly implicated in the creative process ? Did you make songs with them?

I had up to a take on 95%, because we were going to record it live, it was really important I had already thought about the productions on this stuff before so I’ve done pretty kind of flesh out demos that had the part sound… but obviously the reason I wanted to work with the band and the Big Moon is because I love their energy, they are amazing musicians, so I wasn’t gonna be like you can’t add anything to this, there still was room within us recording sessions to like to have some fun put some kind of strange noise in, some good vocal parts I wanted on the demos and stuff like that. There was a very strong structure but there was still a room for a bit of unexpected things.

  • Are there other impressive bands that kind of inspired this new sound in a way?

We got Our Girl with us on tour in the UK. I just love them, and as a three piece I’m really surprised how they can be… just very fucking loud ! And they have so much going on, it feels like they are a five-piece band but that’s just three of them playing and you’re watching them just like ‘How you’re doing that ?’ They’re so talented, it’s amazing!

  • The most explicit parts of the lyrics let me think it is like a concept album about the different stages of a relationship, from falling in love to the goodbye. You said in an interview that this is about “abstract and weird sex”…

Yeah I think so. It’s a very sexually charged record. And it’s funny there is this concept of this relationship arc going through because that wasn’t premeditated. I love writing about romance, relationship, sex, stuff like that, it’s fun and very easy to write about it, because that’s something that is kind of there in us. That’s why everyone does it. There is also reflexion on the world and stuff like that as well but it’s a very sexy record. This relationship arc that goes through it that actually ended up. It was just when I put a song in the other, and I was working on the tracklist, and I came with one I thought sonically was really good and then realise that actually going through the subject of each song it creates this perfect idea of a relationship kind of like blossoming and then crumbling to the end. So it was kind of an accident but it works!

  • Were you frustrated not to be able to be more direct in the lyrics on your first full-length?

No, I love the lyrics on the first album. That album for me is a very cohesive like piece of art in the way it sits because in all that stuff I can see the personal side of it to me but obviously it’s full of metaphor it’s very poetic, and that’s what I was going for, it’s sort of strange airy melodies and harmonies, and lyrics more like little poems, than kind of like frank lyrics of a song. I loved to make it, I loved writing it, but I think that record exists now, it would exist forever, so I don’t need to make it again. And for me I want to keep it exciting, I want to keep it fresh, and like I said I just wanna push myself every time. So the next record is not gonna be the same, as this one. I don’t want to release two records that sound the same, ever.

  • Do you think it’s a challenge that an artist should reproduce at each new album?

I think challenge is a really important thing for growth, I mean you don’t understand what you capable of if you don’t push yourself. So if you don’t, you’re not gonna be growing. But at the same time maybe the challenge doesn’t always come in a kind of general way or a sonic production style way. Challenges can be in any way, for some people sitting down and writing a second record when they might have a huge success in the first one that might be their biggest challenge to recreate that. People have different challenges, I think my favourite kind of challenges is the musical sorts of things. I just really like playing with the idea of what Marika Hackman is because I don’t wanna be stuck and hold in one place.

  • So, do you already have an idea of what new direction you should take in the near future?

I started writing, and I got some songs ready but my laptop got stolen so I lost a lot of my work from the last year… But when I get back of this tour in February I’m going to a writing room  and I’m gonna try to crack on with the rest of it. I would like to get it recorded this year, and I think it’s gonna be different. I don’t want to say how because it might change so… not a huge change but it would be different.

  • Before you played your first gig for the new era, you said : « I can’t wait to be an animal on stage.” What should the French people expect from the new Marika?

I got to do some solos and I got to shake my hair around ! (laughs) The band as well they’re all really great, we have a good energy together, and like I said we’ve played for about a year. It’s how I always thought of myself being when I was younger and thinking about being a musician, that’s how I pictured myself. Not just standing and performing kind of intimate songs, and being very still and very kind of pensive. I wanted to be going wild on stage, and just being a show of and being an attention seeking.


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Charles Binick

Journaliste indépendant, chroniqueur passionné par toutes les scènes indés et féru de concerts parisiens