Derrière cette série de chiffres énigmatiques se cachent les pulsions électroniques de deux musiciens cherchant, aux confins de l’espace, l’inspiration nécessaire à leurs déambulations sonores. Le résultat est un EP entre mélodies timides et expérimentations continues, qui enserre l’esprit et injecte une dose d’adrénaline bien supérieure au seuil de tolérance de l’être humain. Hypnotique et fantasmatique.
Pas de règles ni de frontières : c’est l’objectif que se sont fixés les deux compositeurs italiens Steve Lorenz et Low Manuel en donnant vie à « 1111 », nouvel EP de leur créature hybride 0100110110. Quatre numéros répétés pour chacune des pistes qui constituent cet opus tout d’abord assez hermétique et brumeux, mais qui, au fur et à mesure de l’écoute, dévoile son potentiel en même temps que le duo manipule potards et claviers avec autant de motivation et de facilité qu’un groupe de psyché qu’on ne peut plus arrêter. Car, ici, la tendance à l’évaporation de l’âme et à la liberté d’expression autant que d’humanité se conjuguent sans aucun temps mort, dans ces harmonies pulsées et radioactives qui rayonnent et éblouissent pour mieux pénétrer nos chairs et nos muscles.
Parfois à la limite du drone sans jamais pour autant s’y perdre, les deux laborantins s’emparent de boucles rythmiques profondes et binaires qui, en écho, s’appuient sur des loops et flangers habillant chaque titre afin de le rendre toujours plus nébuleux, en y cachant des bribes de sonorités qui font tout le charme sensoriel de l’ensemble (« 1111 », « 2222 »). Tout en regardant vers des inspirations artificielles de la fin des 70’s (on pense notamment aux bandes-sons des gialli d’Argento et consorts), 0100110110 n’oublie cependant pas de démêler les fils de ses créations en les découpant, étape par étape, pour mieux en imprégner l’auditeur (« 3333 »). De ce fait, l’ultime jeu pervers auquel nous sommes conviés, « 4444 », résume à lui seul ce qui vient d’être vécu, en nous immergeant dans la froideur d’une plongée rapide et inévitable en eaux sombres, où le noir nous enveloppe pour ne plus nous libérer.
« 1111 » distille, dans ses combinaisons et équations musicales, une inquiétante étrangeté qui marque autant qu’elle fascine. Indescriptible et mécanique, le disque dissèque les pulsations et les expose à la lumière de néons fatigués, tremblotants et proches de l’implosion. Les éclats qui en émanent deviennent alors radicalement transcendants, nous faisant perdre nos repères et frôler l’arrêt cardiaque ; organe qui est ici mis à rude épreuve et ne sait bientôt plus à quelle vitesse fonctionner. L’état second qui est alors le nôtre, comateux et onirique, n’en est que plus fascinant ; une épreuve autant qu’une libération des sens et des impressions, pour un EP à part et intrusif.
« 1111 » de 0100110110 est disponible depuis le 20 décembre 2016 chez Tarvisium Electronique.
