[LP] Moinho – Elastikanimal

Définir la musique de Moinho comme une énième interprétation du style néo-classique conviendrait à réduire la puissance émotionnelle latente du magnifique et intime « Elastikanimal », disque de la sagesse autant que du mouvement, entre danse et introspection.

Il suffit d’un piano et de quelques instruments à cordes pour que l’auditeur, de même que le critique, cataloguent la musique d’un artiste de façon beaucoup trop restrictive, le côté instrumental et acoustique prenant le pas sur la véritable forme d’expression que chaque créateur, empruntant cette voie aussi belle que risquée, se devrait d’exposer dans ses compositions. Pourtant, en découvrant « Elastikanimal » du Palois Moinho, on comprend rapidement que les mélodies iront beaucoup plus loin, dans l’esprit d’une bande originale à la fois fantasmée et au réalisme prégnant et précis. La partition se déroule sous nos yeux sans jamais répéter ne serait-ce qu’un seul et même thème, ancrant la progression de chaque piste dans une langue peu commune et personnelle qui fait de Franck Marquehosse un artiste visiblement accaparé par ses capacités autant que par sa volonté de dépasser les limites intrinsèques d’un genre rebattu avec plus ou moins de succès. Ici, vibrations et frissons sont reines et rois, pour le plus grand bonheur de chacun d’entre nous.

La lenteur de « Josef » introduit à la perfection le sujet qui sera développé tout au long de neuf odes à la beauté et à l’extase, installant une mélancolie fondatrice de l’histoire qui nous est contée dans un dialogue piano-violoncelle troublant et bientôt rejoint par des cordes versatiles et lumineuses. Chaque parcelle de l’opus devient son propre être, créature surannée et délicieuse qui, face à nous, se meut dans des chorégraphies tantôt langoureuses (« Elastikanimal », pièce maîtresse et évolutive du chef-d’œuvre qui se dévoile peu à peu à travers des percussions en parfaite adéquation avec le clavier, de même que lors de la puissance amplifiée et électrique du final « Cairn »), tantôt envoûtées et obsessionnelles (« Le Chien Jaune »). Les formes se dessinent, entre ombres et éclats, portées par un clavier hanté et à l’expressivité rare et subtile (« Les Lointains », « Fiahr ») avant de céder la place à des archets cinématographiques en diable, illustrations d’une scène d’un romantisme saisissant à laquelle chacun donnera les images mentales qui lui sont inspirées (« Les Ondes »).

Onirique et aquatique, « Elastikanimal » renforce les sensations déjà profondément ancrées dans notre psyché par un interprète qui, s’il ne comprenait pas sa propre destinée harmonique, serait déjà fou ; d’extase, de sensualité, de tristesse. Heureusement, Moinho ne s’égare à aucun moment, menant la barque dans laquelle nous avons pris place sur la plénitude brumeuse d’un lac solitaire, à l’aube. Celle de l’existence d’un album libre, empli d’une foi rare et d’intentions extatiques exceptionnelles. Une merveille brillante et saisissante.

crédit : Toniomodio

« Elastikanimal » de Moinho est disponible depuis le 12 mai 2017 chez 1631 Recordings / Arbouse Recordings.


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Raphaël Duprez

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