Transcender les frontières musicales, inscrire une œuvre dans un style qui ne demande qu’à imploser et se servir de l’artifice pour créer l’humain ; c’est le défi que s’est fixé Lord Echo à travers « Harmonies », disque pluri-ethnique où les pulsations reggae épousent des moments entre blues et rythmes latins, pour un résultat à la fois sensuel et rêveur.
Il n’est pas toujours aisé de se risquer à mélanger les genres, à y chercher chaque essence pour créer des plantes musicales hybrides, de nouvelles sèves porteuses d’une énergie nourricière vivante et ne demandant qu’à grandir, à atteindre le soleil pour mieux y puiser la luminosité et la chaleur. Musicalement, « Harmonies », le nouvel album du DJ et producteur néo-zélandais Lord Echo, cherche à atteindre ces mêmes cercles, à survoler la stratosphère pour mieux s’approcher des bienfaits de l’astre vital. En mêlant des rythmes tribaux, humains et pulsionnels à des voix habitées et intimes, l’artiste nous offre un disque aux confins de la world music, mais beaucoup plus personnel et profond que ses ambitions pourraient le laisser paraître sur le papier. Le résultat est aussi envoûtant que pénétrant, ode à une nature où l’individu rencontre ses semblables, partage, aime, vit et vibre.
Ainsi, tandis que « Woah! There’s No Limit » annonce ce qui pourrait ressembler à un énième disque inspiré par la Jamaïque, la suite des événements nous prouve radicalement le contraire. La puissance mélancolique et émotionnelle de « Life On Earth », sa force intrinsèque accueillant des instruments acoustiques précieux et essentiels, démontrent que l’on est ici non pas devant un album influencé par de nombreux courants, mais plutôt vécu de l’intérieur, entre humilité et universalité. « The Sweetest Meditation » est diabolique et motivant, invitation à la danse autant qu’à la transe, là où « Low To The Street » et « Note From Home » semblent issus d’un vinyle encore inimaginable il y a quelques années, le son reggae apparaissant aussi usé qu’émouvant, les sillons retenant en profondeur la splendeur de ces mélodies embrasées et brillantes. « Makossa No. 3 » et « Just Do You » accueillent un funk limpide et hypnotique, source de plaisirs interdits et pourtant si savoureux, alors que le final « I Love Music », confessionnel et affirmé, vaut tous les discours du monde pour définir la démarche du compositeur.
Porté par les timbres transcendants et obsédants de Mara TK, Lisa Tomlins et Toby Laing, « Harmonies » révèle, à ceux qui ne le connaissaient pas encore, un artiste pour lequel la nature cachée de ses créations demande un effort considérable afin de toucher la grâce, d’explorer chaque recoin de notes et sonorités passéistes pour leur offrir une seconde jeunesse autant qu’une place primordiale dans le paysage discographique actuel. Un pari osé, délicat et fragile, mais mené avec une passion et une maîtrise qui laissent admiratif et marquent les esprits, nous invitant à une errance psychique poétique et duveteuse. Un disque rare et exceptionnel.
« Harmonies » de Lord Echo est disponible depuis le 7 avril 2017 chez Soundway Records / Wonderful Noise.
