[Interview] Zenzile

Alors que le magnifique et inépuisable « Elements » continue de hanter nos jours et nos nuits à une cadence ininterrompue et hautement bénéfique, il nous fallait à tout prix comprendre, en compagnie des Angevins de Zenzile, comment le pouvoir d’attraction de leur nouvel album avait cette incroyable capacité à nous entraîner dans ses contemplations et errances psychiques salvatrices et fascinantes. Nous avons voulu en apprendre plus sur la gestation de cet opus précieux et indispensable, mais également sur ce qu’était devenu le groupe, son évolution et ses ambitions. Rencontre avec Vincent (claviers et guitares), qui se fait ici la voix de ces musiciens toujours aussi passionnés.

crédit : David Gallard
  • Bonjour et merci de bien vouloir répondre à nos questions ! Dans quel état d’esprit êtes-vous maintenant que « Elements » est enfin disponible ?

Nous sommes aujourd’hui très satisfaits d’avoir amené « Elements » à bon port. Ce fut un projet initié depuis plus d’un an, et le soulagement d’avoir réussi à l’aboutir en studio nous rend fiers et très heureux du résultat obtenu, notamment en termes de prises et de sons.

  • Le travail de composition et d’arrangement est impressionnant sur ce disque. Comment s’est déroulé le processus de création et d’enregistrement de ce dixième album, « Elements » ?

Le Quai, un théâtre angevin, nous a proposé, par le biais de son directeur Frédéric Bélier-Garcia, une carte blanche pour deux représentations. Ce fut le point de départ de la création d’un live inédit mixant musique et images créées par nos soins (ou, plus exactement, avec l’aide du vidéaste Julien Brevet). La création est née d’une petite paire de jours dédiée à l’improvisation, pendant l’été 2015. Du coup, ce fut l’origine d’un parcours mêlant création sonore et vidéo qui a pris forme au studio Black Box en octobre 2016. Au cours des premières séances d’ impro, nous avons pu nous lâcher et prendre plein de directions, notamment cinématiques et cinématographiques. Par la possibilité de plusieurs résidences au Quai, hôte de notre projet live, nous avons donc pu prendre le temps de faire mûrir nos idées. Une fois tout cela mis sous la forme des deux concerts, on est repartis vers Black Box et son environnement analogique afin de capturer, en prise directe, ces nouveaux délires.

  • On plonge d’emblée dans un univers onirique et aérien dès « Bird », où la mélancolie côtoie des élans plus nuancés. Comment ce titre en particulier s’est-il imposé comme introduction à votre nouveau disque ?

Une fois que nous avons tout enregistré, nous avons eu un moment de réflexion quant à la fluidité de la tracklist pour l’album. Du coup, « Bird » s’est imposé naturellement et, bizarrement, c’est aussi le premier morceau que nous avons enregistré, et le premier mix réalisé au studio.

  • Les sonorités de « Elements » allient éléments nostalgiques des années 70 et sonorités beaucoup plus actuelles, dans un mélange totalement inédit. Comment envisagez-vous cette mixité, ce double langage que l’on peut reconnaître dans vos chansons ?

Je ne sais pas si ce rendu faisant se côtoyer des sonorités historiques et d’autres plus récentes est quelque chose de délibéré. Cela dit, je pense que, même si nos goûts musicaux balaient beaucoup de styles et de périodes, on a toujours envie de faire du neuf avec du vieux. La grosse différence sur « Elements », par rapport aux autres disques, c’est que nous avons utilisé des synthétiseurs analogiques en essayant de les intégrer le plus finement possible, en les mettant au service des morceaux. Je crois que le timbre de voix très soul de Zakia est aussi pour quelque chose dans le rendu global.

  • Le rock a également une place prépondérante, tout en restant très éthéré et envoûtant. Par exemple, « Storm » allie parfaitement la lourdeur des riffs à une voix plus hypnotique et délicate. À quel stade de la création prenez-vous conscience de la manière dont un titre en particulier va sonner d’une certaine manière ? Lors des démos ou en studio ?

En général,un morceau que l’on aboutit porte dès le début la marque qui l’emmènera au bout du processus (à savoir, être sur le disque). Je dirais donc plutôt au début, mais ce n’est pas toujours le cas ; parfois, un morceau se révèle au fur et à mesure. D’ailleurs, en général, il est plus sage d’attendre la fin des mixes afin de savoir quels morceaux sortent du lot. Ce ne sont pas toujours ceux que tu avais envisagés.

  • « Sequences » pourrait être considéré comme un morceau de rock progressif, dans la manière dont il se déroule. Comment est né ce titre, notamment tout le travail autour des guitares, mises particulièrement ici en avant ?

Le titre est arrivé d’une impro et, cette fois, le hasard a fait que c’était moi, et non Alex, qui étais à la guitare. Il nous est apparu assez vite évident que nous voulions le faire sonner comme un clin d’œil  à « Meddle » de Pink Floyd. Donc, si tu veux, du rock progressif. Ensuite, vu l’idée de guitare, nous avons été obligés de nous pencher sérieusement dessus, afin que ces longues phrases ne deviennent pas un tricotage de cordes, mais plutôt quelque chose d’inspiré, s’inscrivant dans le morceau et dans l’album.

  • « Stellar » marque une pause presque ambient et imprévisible. Pourquoi avez-vous souhaité faire apparaître ce titre si original à ce moment de la dynamique du disque ? Et comment est-il apparu comme évident dans le déroulement de votre musique, sur « Elements » ?

Même si je crois que nous avons essayé de pousser l’écriture collective plus en avant pour « Elements », le disque reste très intense, voire dense. Du coup, il nous est apparu comme une évidence de placer « Stellar » comme une respiration dans l’histoire que nous avons voulu inventer. La musique ambient est quelque chose qui nous passionne et, cette fois, sans se lancer dans un projet totalement ambient music, cette petite pièce a trouvé sa place au service de l’album.

  • « Poly » ouvre des horizons plus pop à votre art. Est-ce une voie artistique que vous souhaitez explorer à l’avenir, ou était-ce plus une expérience que vous souhaitiez tenter sur ce disque ?

Le fait que « Poly » sonne plus pop à tes oreilles est sûrement dû au timbre de voix de Zakia, et surtout à la mélodie. Comme nous ne nous interdisons rien quand tout nous semble cohérent, c’est pour cela que cette nouvelle direction nous a enthousiasmés. Pour ce qui est du futur, je ne sais pas si cela va continuer ; mais je sais que nous continuerons à collaborer avec Zakia.

  • Quels sont ces « Elements » auxquels le titre de l’album fait référence ? Et en quoi inspirent-ils votre musique ?

Faire appel aux éléments fut pour nous le moyen de nous rappeler aux origines de la vie. Quelle place l’homme a-t-il pris dans la nature ? Certaines attitudes destructrices ne nous ont-elles pas fait oublier que la terre et la nature ne nous appartiennent pas et que, si nous ne soignons pas cette amnésie, nous risquons de tout casser ?

  • Le visuel du disque est éloquent et caractérise parfaitement le contenu de l’album : un voyage dans l’immensité des nuages, où le gris et le blanc prédominent, mais avec une lumière affleurant et rendant l’image presque vivante. Parlez-nous de cette photo et de sa signification.

Comme tu l’a dit, cette image illustre parfaitement notre propos. Parmi tout les projets que Nico Fosset (graphiste d’ « Elements ») nous a proposés, notre choix a été assez rapidement orienté vers ce ciel apaisant.

  • Comment envisagez-vous la retranscription de vos titres, pourtant complexes, sur scène ? En quoi les concerts sont-ils une étape supplémentaire à la vie d’un album, selon vous ?

Les concerts sont les moments les plus importants de la vie du groupe .C’est toujours sur scène que nous pouvons partager notre évolution et prendre du plaisir à proposer ces nouveaux morceaux. Pour ce qui est de leur retranscription, ce ne sera pas plus compliqué que ça, étant donné que nous avons enregistré ces morceaux en conditions live. Il n y a que peu d’ajouts, puisque nous avons tous enregistré en même temps afin de saisir notre alchimie au plus proche de sa réalité.

crédit : David Gallard
  • Avez-vous d’autres projets de cinés-concerts dans les mois ou les années à venir ? Et pouvez-nous nous parler de votre expérience en ayant joué sur « Le Cabinet du docteur Caligari » et « Berlin » ?

Pas de futurs cinés-concerts en cours. Pourtant, ce sont bien nos deux expériences de cinés-concerts qui nous ont poussés à utiliser la vidéo pour les live. C’est la première fois que nous voulons illustrer le live par des vidéos invoquant les éléments dans une danse psychédélique. En analogie avec les cinés-concerts, l’idée est de baigner le plateau d’images poétiques et de lumière vidéo, afin d’obtenir une image globale tirant vers le cinématographique.

  • Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Partir sur les routes de France pour défendre les couleurs de notre nouveau bébé, « Elements ».

  • Souhaites-tu ajouter autre chose ?

Merci pour tes questions et l’attention que tu portes à notre projet !


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.