[LP] Feu! Chatterton – Ici le jour (a tout enseveli)

À l’heure où les Français se font trop timides pour chanter dans leur langue, Feu! Chatterton ose distiller rock et littérature ; et le fait avec brio. Remportant plusieurs prix sur leur passage et bouleversant leur public en concert, les Parisiens sortent, le 16 octobre prochain, un premier album très attendu. Entre tubes réinvestis et nouvelles productions surprenantes, « Ici le jour (a tout enseveli) » constitue sûrement l’un des meilleurs albums francophones de 2015.

Feu! Chatterton - Ici le jour (a tout enseveli)

Le disque démarre en trombe et nous évite une introduction stéréotypée en nous propulsant directement dans l’univers de Feu! Chatterton. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le groupe, on peut le comparer à Aznavour en termes de voix et à Bashung ou encore Gainsbourg pour les textes et l’instrumentation. Cadavres exquis, métaphores et autres figures de style sont des récurrences dans l’œuvre de Feu! Chatterton.

L’ambiance d’ « Ophélie » fait penser au générique d’un vieux film d’action français. Le fond rock, classique, colle à la perfection à l’interprétation d’Arthur, toujours aussi fou et habité par les mots qui sortent de sa bouche. On retrouve tout ce que l’on aime du projet : une histoire racontée avec hargne et un lyrisme exalté. Chez les Parisiens, les textes sont toujours ambigus, mais on peut parier que celui-ci parle de l’abandon brutal d’une bien-aimée sur la route.
« Fou à lier » fait partie de ces titres joués en live qu’il ne nous a jamais été permis auparavant d’écouter sur disque. Les paroles sont parfois inintelligibles, mais toujours dans le but de faire naître une alchimie irrésistible. Le refrain, imparable, est le point de chute d’une sorte de déambulation hallucinante qui dure tout au long du morceau.

« La Mort dans la Pinède », qui a fait connaître le groupe en 2012 et constitue un tube oscillant entre tension et décontraction, fait son grand retour. Revisitée principalement au niveau des arrangements, cette nouvelle version bénéficie d’une atmosphère plus électrique et intense, atteignant son paroxysme sur le solo de guitare à la fin du morceau.
« Le long du Léthé » (voire le long de l’été par son côté crépusculaire) propose un voyage sur ce fleuve des Enfers qui symbolise l’oubli. Un rythme plus lent et une voix douce se font ressentir, en lien avec la réputation paisible de ce fleuve qui sépare le Pandémonium du monde extérieur. Puis, on reste en enfer avec la réapparition de « Côte Concorde », hommage au ferry Costa Concordia qui a coulé il y a quelques années. Toujours aussi poignant et apocalyptique (« du ciel tombent des cordes, faut-il y grimper ou s’y prendre ? »), le morceau ne laisse personne indifférent.

La lumière refait surface par « Le Pont marie », mais présente un morceau assez électronique qui manque d’aboutissement, cédant à un refrain facile et beaucoup d’effets artificiels. Certains aspects du morceau font presque penser à des groupes mainstream de rock français. « Boeing » constitue quant à lui le vrai nouveau tube de cet album de Feu! Chatterton. Gonflé de percussions jazzy et d’une ligne de basse incitant à la danse, c’est un véritable hommage à l’aviation civile. « Ces drones n’ont plus de densité », « Est-ce la faute de tes passagers indigestes ? » font partie des élucubrations illuminées de Boeing. Et quelle façon géniale d’accentuer sur le « B » de « Boeing », représentant tellement l’objet en lui-même et la fascination du chanteur pour celui-ci !

« Vers le Pays des Palmes » est un interlude relaxant fait de douces notes de synthétiseurs. « On se dirige ensuite vers Harlem ». Arthur nous raconte sur une basse lourde sa découverte du coin de New York à travers une église protestante et des rencontres faites par-ci, par-là. Le titre s’affranchit des codes musicaux habituels avec une prose de six minutes. Il est sinon toujours aussi agréable d’entendre et de retrouver « La Malinche », single incontournable du quintet parisien, mélange d’une note de synthé déchirante qui s’affole sur des notes de clavier ; un tube solide et taillé pour le dancefloor.

« Porte Z » constitue la caution nostalgique d’ « Ici le jour (a tout enseveli) », en nous contant un nouvel exode qui conduit vers ce fameux jour éponyme de l’album. Le disque se termine sur une partie d’un très long morceau joué uniquement en live jusqu’ici, « Bic Médium ». Intitulé « Les Camélias », ce titre commence par ces paroles : « Le jour a tout enseveli là où toujours tout baigne ». D’où le nom de ce premier album. Poésie totale et romance à l’eau de rose offrent à cet opus un final lyrique, mais sombre.

crédit : Fanny Latour-Lambert
crédit : Fanny Latour-Lambert

On remarque, au fil de l’écoute, des images récurrentes dans les titres de Feu! Chatterton. La mer, les ponts, la mythologie (les sirènes, les Enfers) et les moyens de transport de grande taille semblent y être une véritable source d’inspiration. Pour résumer ? Ce premier disque prodigieux est taillé pour se faire connaître auprès d’un large public. Concrètement, il s’agit d’un mélange de « best of » et de morceaux à la production soignée, concoctés par des artistes extraordinaires.

« Ici le jour (a tout enseveli) » de Feu! Chatterton, sortie le 16 octobre 2015 chez Barclay.


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Yann Puron

Découvreur musical avide d'émotions fortes aussi bien sur disques qu'en concerts