[LP] The Wolfhounds – Middle Aged Freaks

Brut de décoffrage, le nouvel album de The Wolfhounds nous fait du rentre-dedans, entrant immédiatement dans le vif du sujet.

The Wolfhounds - Middle Aged Freaks

« God saves the Queen ». Non, nous ne sommes pas ici en train de vénérer la Reine Mère par souci de royalisme inutile, que l’on se rassure. Ni de remettre une nouvelle et pénible fois le tube des Sex Pistols sur le tapis. Au contraire, on sauve la régente et on la remercie pour ce qu’elle ne contrôle pas ; notamment tous ces groupes issus du prolétariat qui nous font rêver et nous déhancher depuis les glorieuses 80’s. Saluons par ailleurs ceux qui n’ont bénéficié que d’un succès modéré, ce qui est, on le sait, impardonnable.

Parmi eux, The Wolfhounds aurait mérité beaucoup plus d’égards ; tant leur rock mâtiné de fulgurances punk avait, entre 1985 et 1990, contribué à faire renaître la guitare au milieu du marasme électronique qui pointait le bout de ses pixels. Silence radio pendant 20 ans, puis une reformation anniversaire au milieu des années 2000 et, il y a peu, l’annonce d’un nouvel album totalement inédit (les compilations usuelles sont entretemps passées par là). Alors on s’excite, on sait que les semelles vont s’enflammer et que les nuques vont être secouées. Puis arrive « Middle Aged Freaks » ; et effectivement, les chiens-loups ont tout de l’attraction foraine, lançant leurs couteaux aiguisés et exhibant ses monstrueuses mélodies pour le plus grand plaisir de spectateurs en transe.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est souvent question, au fil des chansons, de sentir nos gencives se déchausser alors qu’on est emportés dans un torrent bruitiste et rapide, puissant et sans concession (Skullface, Middle Aged Freak). Ici, ou plutôt surnage, au-dessus d’une foule compacte et totalement fascinée par l’univers ambiant, mélange chargé de sueur où se percutent guitares tranchantes et rythmes parfois chaloupés mais droits et violents (Slide). On croit que les jeux sont faits, on a même parfois peur que le tempo ait rendu l’âme (Cheer Up, The Devil Looks After Her Own). Mais ces instants suspendus sont une duperie honteuse et dont on rit immédiatement ; oui, l’auditeur se fait manipuler tout au long de ces 13 titres qui nous conduisent dans des coins isolés afin de mieux nous racketter l’esprit (Divide and Fall, Rats on a Raft).

Les accords fusent, brûlent le kérosène et atteignent la stratosphère de l’indie rock en moins de temps qu’il n’en faut à chacun pour savoir que l’on tient là un très grand disque. Sauvage, franc du collier et chargé de perles musicales éblouissantes, « Middle Aged Freak » élague, taille à la serpe et cultive alors les fruits juteux de son labeur. On y croise même un épouvantail robotique (Built-in Obsolescence) prêt à faire fuir les détracteurs (ou les huissiers de justice qui souhaiteraient se risquer à fermer un domaine dans lequel tout le monde est en eau, prêt à en découdre depuis 20 ans ; c’est selon). Sur les maisons délabrées et les ruines encore fumantes de la musique énergique de la fin du siècle dernier, The Wolfhounds s’étire, sort de sa cachette et tire en rafales 13 balles à tête explosive au milieu de la foule. Aucune ne se perd, toutes se méritent au contraire. Et chacun voudra s’en faire un pendentif, souvenir d’une insouciance perdue, quitte à s’y brûler la peau.

The Wolfhounds

On consent à s’égarer au milieu de visages d’hommes à crêtes, de rednecks égarés en chemin et de bourgeois bientôt cloués au pilori de la malséance. « Middle Aged Freaks » trace à l’aiguille ses sillons sulfureux sur nos chairs exposées. On sera marqués, c’est vrai ; mais ce seront des tatouages que nous pourrons toujours clairement revendiquer.

« Middle Aged Freaks » de The Wolfhounds, disponible depuis le 24 novembre 2014 chez Odd Box Records.


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Raphaël Duprez

En quête constante de découvertes, de surprises et d'artistes passionnés et passionnants.