FKA Twigs – EP2

Dans une mécanique implacable, la créature FKA twigs délivre avec « EP2 » une version féministe de Massive Attack.

FKA Twigs  - EP2

Pour s’approprier un univers, encore faut-il le comprendre. L’exagération des artistes bloque souvent toute envie de continuer son chemin, sous peine de rencontrer de grosses ornières. À moins qu’au milieu de ce tapage organisé, une excentricité délibérée soit neutralisée par des mains d’orfèvres. Aussi étrange qu’elle puisse paraitre, la beauté aseptisée de FKA twigs exerce une séduction irrépressible qui subjugue à un point de non-retour.

Comme toute droite sortie du Cinquième Élément, cette poupée futuriste sait de quoi elle parle. En bonne élève, elle met le grappin sur le trip-hop des années 90 qui a promu Massive Attack, Portishead, Archive, et bien d’autres. Là où la Londonienne de FKA twigs innove, c’est dans son apposition aux nouveaux métissages (on nomme Björk, Gorillaz, Death In Vegas…) qui surviennent début 2000, dans une idée plus lounge et ambiant du genre. Néanmoins, son influence hip-hop rappelle sans conteste l’un des pionniers du genre, Tricky, ancien membre de Massive Attack. Bien que celui-ci navigue sur un mélange de jazz, de hip-hop et d’électro soul, sublimé dans son Maxinquaye de 1995, FKA twigs s’enrôle principalement dans des beats hip-hop électronique et structure, de sa voix vitrée et aiguë, une pesanteur étriquée qui se veut sensuelle, mais qui dérive lentement dans une ambiance aguicheuse, pour le moins modérée. Séduisant, ce dosage parfait entre les sons et l’image, presque voué au culte dans ses clips vidéo, incite notre jugement à passer au-delà d’une hypothétique intention de provoquer.

Une prudence légitime qui mène à l’efficience du sens auditif. Elle a l’intelligence d’éviter une dispersion des genres trop forte, potentiellement nocive pour un début. Une aubaine puisqu’elle délivre avec « EP2 » quatre titres saturés d’effets inutiles, témoignages de l’âge d’or du trip-hop. Le métronome digital « Water Me » bat la mesure à des chœurs auto-tunés et sert d’appui à la gifle « Papi Pacify ». Environnent, « Ultraviolent » est victime de la sensualité promue et s’approche de la lounge music de Flight Facilities, et renvoie conformément à l’orchestration voluptueuse de « How’s That ».

Fka Twigs

Aux côtés des autres clones britanniques, FKA twigs déploie toute la panoplie de l’ambiance sonore de Bristol en créant des sons qui cachent leur nervosité derrière une apparence sereine, une musique de faux calme en soi. L’innovation sonore, quant à elle, est vaguement limitée, mais l’identité est sauve et percutante. Vaseux, on garde l’acronyme et les brindilles de la belle en tête, gravés et calcinés.

« EP2 » de FKA twigs est sorti le 17 septembre 2013 chez Young Turks.

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Julien Catala

chroniqueur mélomane, amoureux des échanges créés autour de la musique indépendante