La Route du Rock – été 2013 : Back to the Route

indiemusic a pris le chemin de la Route du Rock 2013.
Retour sur un itinéraire parsemé de très belles étapes.

Un pont (du 15 août), une route (du rock), le plein (de beaux noms), un GPS (Guide des Prestations à Suivre), des bouchons (pour les oreilles), tout a été réuni cette année pour rouler sans encombre sur l’autoroute du soleil musical (et météorologique).
Durant 3 jours, l’affiche de la 23e édition de La Route du Rock – collection été, aura attiré 21.000 festivaliers ayant retrouvé l’adresse du fort de St-Pierre, après une année 2012 plutôt contournée.

La Route du Rock

Et c’est tant mieux, car François Floret et Alban Coutoux auront mis toute leur énergie et leur audace depuis plusieurs mois pour concocter une feuille de route que Bison Futé aurait qualifiée de verte : fluide, pour y aller à fond.

Cette année, le départ fut donné un jour plus tôt avec un préambule organisé avec fierté à la Nouvelle Vague, nouveau QG de l’équipe de Rock Tympans. Nous n’y étions pas, mais avons laissé traîner des oreilles complices pour pouvoir témoigner que cet avant-goût fut contrasté et apprécié. La tranquille et jolie Julia Holter, les délirants masqués de Clinic, la sexy et intense Austra auront bien servi l’apéritif d’une édition qui se préparait à être hystérique et historique.


Jeudi 15 août : assomption au départ

Il y a des embouteillages qui pour une fois font plaisir à subir. La longue file de voitures qui déboulent sur les parkings du festival augure du meilleur en termes de trafic. Effet d’un jour férié, d’un premier jour de festival ou d’une affiche alléchante, nous le saurons un peu plus tard.

Jacco Gardner

Jacco Gardner arrive en rayures, mais pas enrayé à 18h30 pétantes sur la nouvelle scène des Remparts pour nous ouvrir en grand les portes de son Cabinet des Curiosités. Talentueux multi-instrumentiste de 24 ans, il déclare avec aisance et intelligence cette 23e édition de LRDR ouverte. Ouverture à la diversité des notes, des rythmes et des inspirations, ouverture à l’éclectisme de la programmation, ouverture à l’altruisme de faire (re)découvrir un catalogue musical couvrant 50 années de sonorités et de beats, à la première et fidèle génération de festivaliers escortée cette année de sa relève.
Gardner est raffiné et sensible. Sûr de sa musique et de l’effet qu’elle produit, il s’excuserait presque, avec son sourire d’ange, de provoquer ce petit frisson de plaisir dans nos échines. Nous acceptons tous la leçon de musique du petit scarabée hollandais.

Iceage

Tandis que le soleil continue de se taper les cuisses et de se faire frotter les mains Mr Kronenbourg,
Iceage inaugure la grande scène du fort pour augmenter un peu plus la température ambiante. Ce groupe octogénaire (4×20 ans) de Copenhague n’a assurément jamais vu le froid ou la neige. Du genre à rester groupés autour du brasero pour conserver à plus haute température du corps et des esprits. Courts, hurlants, agonisants, les titres aux relents strokiens s’enchaînent à la vitesse d’un glaçon fondant sous un projecteur. Mais à vouloir faire feu de tout bois, la nonchalance du groupe, au chanteur à gueule stéréotypée de rocker blasé, l’emportera sur l’extravagance des titres qui finissent trop souvent dans le même noise. Qu’il laisse le radiateur du fond et retourne un peu au tableau noir.

Moon Duo

Pour cause de difficultés de circulation entre les 2 scènes (un problème que les organisateurs ont promis de résoudre pour la prochaine édition), seules quelques mélopées de Moon Duo arriveront jusqu’à nos oreilles. Bien que hors de notre vue, ces nouveaux habitants de Portland arrivent – de leurs savantes boucles psychédéliques – à hypnotiser loin dans la foule les réfractaires à toute musique krautrock. Le duo synthé/guitare à la ville comme à la scène a comme promis donné la lune.

Local Natives

Après avoir suivi les Local Natives en conférence de presse pour parler de leur dernier album produit par Aaron Dessner de The National, les cinq Américains ont le dur challenge de nous faire oublier tous ces autres groupes de la mouvance hipster (du type Fleet Foxes, Band of Horses, Junip) et d’assoir leur propre identité. Même s’ils ne manquent pas d’énergie et de charisme, même si on les sent plein d’inspiration et de volonté d’emmener le public dans leur univers qu’ils voudraient singulier, la scène finit par reproduire à l’identique l’effet sur CD : répétitif et en manque de contrastes. Le dernier morceau tout en réveil et en puissance atténuera heureusement ce mauvais goût laissé en bouche.

Nick Cave

La nuit est tombée sur St-Pierre et l’excitation des festivaliers est montée à son comble. On se bat à franches coudées pour approcher le devant de la scène pour ce qui promet d’être le théâtre d’un grand moment. Avec sa stature imposante et son mauvais goût vestimentaire qu’on lui pardonne bien volontiers, Nick Cave pose son aura devant les hourras de 10 000 brebis toutes à ses bottes de cow-boy. Entouré de ses mauvaises graines aussi dociles qu’efficaces, le Cave se rebiffe pendant 70 minutes et efface d’un coup d’un seul tous les groupes jusqu’ici vus dans la journée. On est ici dans la cour du Grand. Nick Cave harangue, accroche, se mêle aux premiers rangs, à la foule tout entière, il scrute, cherche à atteindre, à percer chaque âme, chaque tympan. Pas de préliminaire, il rentre et reste dans le vif du sujet en mêlant standards et nouveaux titres. Le boss, c’est lui, il a bossé pour y arriver et il entend le faire savoir. Pas un n’en doutera.

Chk Chk Chk

Difficile de se motiver après une telle claque. On reprend une bière, un hot dog, on fait quelques extensions pour aller affronter l’énergie des Chk Chk Chk. Nic Offer s’est mis à l’heure malouine : short (certes aux motifs d’une vieille pochette des Rolling Stones) pour venir exciter la foule à coups de beats et de b#te. Droite, gauche, en haut, en bas, le public suit ses frasques et enchaîne les mouvements (faudrait penser à le reprogrammer l’année prochaine pour un vrai réveil tonique à la plage Bon-Secours). Mais si les jambes et les bras prennent leurs aises, les oreilles subissent rapidement un mauvais coup : courant d’air ? coup de mou ? À sortir trop légèrement vêtu, on attrape froid et la voix grave, éraillée et fausse du toujours gesticulant Offer gâche un peu la fête. On se regarde, gênés, et on se dit qu’on retiendra ses chorégraphies et son look dignes de Mark Wahlberg dans Boogie Nights en regrettant de ne pas avoir plutôt vu – à registre équivalent – les Scissor Sisters.

Les premières notes d’Electric Electric, agressives et débraillées, nous incitent à rentrer reposer nos tympans. Tant pis pour les tribaux de Fuck Buttons que nous aurons sûrement l’occasion de chroniquer lors d’un prochain concert.


Vendredi 16 août : à l’abordage

Peut-être moins excitant sur le papier (la fréquentation de cette deuxième journée le prouvera), le vendredi se révèlera être aussi contrasté que jouissif. La curiosité n’est pas un vilain défaut et ceux qui auront pris la peine d’écouter un à un tous les groupes programmés en auront eu pour leur argent et cette sensation agréable d’avoir ouvert plus grand leur horizon musical.

Jackson Scott

Jackson Scott touche le public de la scène des remparts avec une pop lo-fi simple, naïve, trébuchante, entraînante. Ce bricoleur musical tout jeune, mais pas né de la dernière pluie promet en septembre un premier album aguichant et séduisant intitulé Melbourne. Ses acolytes et certainement copains tout juste sortis du lycée œuvrent avec cœur pour rendre le set cohérent et plaisant. Jackson et on le laisse rentrer sans problème.

Woods

De l’arbre qui cache la forêt, il n’y a qu’une scène, qu’investit Woods et sa machine à remonter le temps. Voix aigüe (limite exaspérante), riffs très Beatles, Dylan du début ou The Byrds, un petit air de « She’s got a ticket to ride » envahit les remparts. Les pats d’eph, les chemises fleuries et les lunettes cerclées font virtuellement leur apparition pour une grande ballade nostalgique au pays des 70’s. Pas follement originale, mais donnant le frisson aux quadras et quinquas. Holly Woods, fraîcheur de vivre.

Efterklang

Longue pause avant de découvrir les Efterklang sur le grand plateau. Beaucoup de buzz et de bons mots nous inciteront à être sur le devant de la scène déjà investi par une foule compacte qui ne s’y est pas trompée. On change de registre pour la classe, les envolées, le parfois pompier des Danois emmenés par le James Bondien Casper Clausen. Ce groupe qui aura traversé multiples styles et formations semble avoir trouvé son point d’équilibre et de cohérence. Sa marque de fabrique qui séduit ou déplaît ne peut laisser indifférent. On pense à Archive bien sûr, mais aussi à Stars. Musique et prestances parfaitement maîtrisées, on goûte à Efterklang comme à un bon vin arrivé à maturité : le bon assemblage avec le bon âge.

GYBE

Ah là là, encore l’effet congestion à l’accès de la scène des remparts qui nous fait louper les Allah-las. On en profite pour s’hydrater et bien se positionner pour les Godspeed You ! Black Emperor, tête d’affiche de la journée. Mais voilà, à trop vouloir vendre la peau de l’ours… La longue mise en place du groupe refermé autistement et tristement sur lui-même sur la scène et dans la pénombre, ne laisse pas présager du meilleur. Il est déjà très difficile de rentrer dans le monde de GY!BE, les Canadiens restent froids et ne semblent pas vraiment vouloir tendre la perche de micro au public groupé nombreux devant eux. On attend, on attend, mais rien n’y fait. Après Fuck le Plan Nord et Fuck la loi 78, les Montréalais semblent dire Fuck le public. Ils ont joué, certes, mais pour eux. Déception pour ce manque de communi(cati)on.

Zombie Zombie

Ce qui tourne à notre avantage pour aller voir aux premières loges les Zombie Zombie qui n’avaient en rien l’air de morts vivants. Second degré pour de la musique à 100 degrés, le trio assène des loops et réverbs au rythme de spots aveuglants pour le plaisir de déstabiliser et d’embarquer le millier de spectateurs amassés derrière les portiques, assoiffés de musiques inclassifiables venues de l’espace.

Bien qu’ayant été impressionné par l’interview de John Barrett et de son trop plein de modestie et de gentillesse, nous séchons honteusement à 1h30 du mat Bass Drum of Death et TNGHT. Goodnight tonight.


Samedi 17 août : fort-midable

Widowspeak

Dernière journée de cette édition 2013 qui a déjà ravi les scores de l’année précédente. Nous reprenons notre souffle et faisons le plein de boissons et d’énergie pour un long schlem qui démarre avec les forts à propos Widowspeak. Molly Hamilton, à qui on donnerait le Bon Dieu sans confession, nous prend par la main pour une promenade de 45 minutes, le temps pour nous de nous sentir bien et heureux de vivre ce moment de grâce. La lumière est belle, le soleil se réfléchit dans la robe virginale et blanche de la chanteuse qui prend plaisir à nous réveiller tranquillement sur cette soirée qui s’annonce riche et intense. On essaye d’oublier les références chroniques à Mazzy Star, Erin Ivey ou Salad, pour mieux apprécier la complicité et le monde de ce duo dont le nom en référence au V d’une certaine implantation capillaire ressemble plutôt à un V de la victoire.

Junip

Après son passage remarqué au printemps dernier au Trabendo à Paris, on attendait beaucoup de la bande à Gonzales. À défaut d’être speedy, nous nous attendions à une reprise enthousiaste de leurs chansons – presque toutes des hits aujourd’hui. D’autant plus que le groupe avait renforcé les rangs avec deux membres additionnels. La mayonnaise a certes pris, mais elle a manqué de goût et de saveurs. Très appliqué, trop certainement, les Junip ont été trop sages et trop propres et n’ont pas vraiment réussi à déborder d’énergie, celle qui alimente notamment les titres de leur plus récent opus.

Concrete Knives

Cocorico, la France envahit la grande scène pour montrer de quels abois on se chauffe à Caen. Les Concrete Knives ont la pêche et la banane et cela se voit. Galvanisés par un parterre de fans tous conquis à leur enthousiasme et leur générosité, cela saute et chante et danse un peu partout – couplets repris par le public en cœur et en chœur. Les groupes nationaux ont bel et bien leur place à La Route du Rock, cela aura certainement confirmé le sentiment des organisateurs. Quelques ficelles (le gamin montant sur scène), mais ne soyons pas difficiles, pour une fois qu’un groupe monte sur scène et s’éclate…

Tame Impala

Accès bouché pour les Parquets Courts, on attend impatiemment les Tame Impala ; ce qui semble avoir fait se déplacer le plus grand nombre de festivaliers. Et c’est à cet instant que je revêts ma combinaison anti-jet de tomates, car pour moi, après avoir scrupuleusement écouté albums et visionnés maints clips, ce groupe se révèle aussi sur scène n’être qu’un leurre musical qui n’est plus à l’heure. On est dans le copier-coller basique, le recyclage de ce qui a fait le bonheur de nos esgourdes il y a plusieurs années. On ne sait même plus s’ils font une mauvaise reprise de T-Rex ou s’il y s’agit d’une compo digne du plus grand des imposteurs. Pas grand-chose à sauver, ni pour les yeux, ni pour les oreilles. Les kangourous ne m’ont pas du tout mis dans leur poche.

Suuns

Je me plante donc devant le sound check des Suuns qui gagnent assurément le cœur et les esprits des Européens. Lors de leur arrivée sur scène, noyés dans les décibels, les fumigènes et les lumières aveuglantes, on sait instantanément que l’on va de nouveau faire un sacré bon bout de route avec eux. Sans ménagement, sans retenue, les doigts accrochent les instruments, les voix sont délurées, les regards sont ciselés, le soleil a rendez-vous avec la une. Leur titre 2020 mérite bien un 20/20 et la rentrée de ces classes ne pourra nous faire que redoubler de plaisir.

Hot Chip

Sans transition, la machine à danser des Hot Chip déboule sans crier gare. Avec la classe qui caractérise les Anglais, on retrouve les enfants cachés des Bronski Beat et Pet Shop Boys aussi à l’aise sur leurs hits que sur leurs plus récentes compositions. Le fort se transforme en gigantesque dance floor, la dernière énergie des festivaliers semble avoir été réservée pour les Hot Chip, en signe de reconnaissance et de remerciements pour un groupe qui sait les faire trémousser depuis seulement une petite poignée d’années. Le public a chaud pour ce show qui sert aussi d’échauffement aux Disclosure qui martèlent les pierres du fort une à une avant de refermer les grilles des remparts jusqu’à l’année prochaine.

La route du Rock 2013 : du rock en rut !
À cet hiver !

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Crédits photos : Nicolas Nithart

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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans