[Live] Les Nuits Secrètes 2019

Expériences immersives avec les parcours secrets

Les Nuits Secrètes 2019, Aulnoye-Aymeries
Les Nuits Secrètes 2019 – crédit : David Tabary

L’an passé on s’était fait avoir par la circulation lilloise et le week-end de départs en vacances, alors cette fois on prend nos précautions, on part tôt, et on arrive à Aulnoye-Aymeries, petite ville du Nord, avec comme premier concert du festival un parcours secret « électro ». En effet, la nouveauté de ces Nuits Secrètes 2019, c’est l’existence de nombreux parcours thématisés (électro donc, mais aussi sieste, lever du jour ou à vélo). En ce dernier jour de vague caniculaire, on confesse avoir donné de notre personne pour ce parcours secret débuté dans un bus sans climatisation, bondé, alors que la température extérieure indique 34° (un peu frisquet à côté des 41° de la veille).

Le trajet est long et le bus nous dépose en (presque) rase campagne, un tracteur en train de moissonner dans un champ derrière, et une armurerie devant. Ce n’est pas dans le champ mais bel et bien dans l’armurerie que nous avons rendez-vous, une armurerie désaffectée où, au fond du bâtiment, se présentent des claviers, une harpe, et des crânes de cervidés au sol ou sur les tables, tandis que sur le mur des biches et des cerfs traversent une clairière en boucle vidéo.

Retentissent alors des coups de feu à l’extérieur, puis entrent Canblaster et Laure Brisa, tenant un autre crâne par les bois. Après une rapide mise en place, le duo d’un jour se lance dans une étrange juxtaposition de boucles électros et d’harmonies de harpe. Le tout est assez lancinant, et une partie du public se croit soudain à un parcours secret « sieste » et s’allonge pour se laisser bercer par la musique. Peu à peu, vers la moitié du set, l’électro prend un peu le pas sur la harpe et l’atmosphère se fait plus entraînante. Quelques personnes devant se lèvent et demandent presque l’autorisation à ceux de derrière avant de se mettre à danser, faisant ainsi monter l’ambiance à un autre niveau. On pourra qualifier ce set, spécialement composé pour les Nuits Secrètes 2019, tout à la fois d’onirique et de bucolique. On n’est pas certains d’avoir bien compris le message de ce spectacle dans une ancienne armurerie, l’entrée en matière (coups de feu, crânes) aurait presque pu laisser penser à une ode à la chasse. Mais il suffit de regarder ce grand cerf s’arrêter sur l’écran et défier le public à chaque boucle vidéo, pour se dire qu’il était sans doute plus question d’une revanche de la nature (dans un lieu où, après tout, il ne se vend plus une arme). Une belle entrée en matière pour nos Nuits Secrètes 2019 !

Plus tard ce soir-là, on se résoudra à zapper les concerts de Hot Chip et Bon Entendeur pour rentrer faire un somme à l’hôtel avant de se lever à 5h pour rejoindre le parcours secret « lever du jour ». Mais l’ambiance météo a bien changé en quelques heures. Et à peine passée la porte de notre chambre, on apprendra que le parcours est annulé en raison d’un risque météo. Réveillé à 5h par le bruit et la violence de l’orage dehors, on n’aura plus aucun doute sur le fait qu’il s’agissait là de l’unique décision possible. Dommage ! L’année prochaine peut-être ?

Dimanche, on se rabat sur le parcours secret « sieste » de 17h, auquel on n’avait prévu de participer, mais qui a le mérite de proposer le même artiste que celui prévu dans le cadre du parcours annulé. Dans le bus qui nous mène on ne sait où, l’ambiance est bon enfant en ce 3e et dernier jour de festival, et le chauffeur s’amuse à enchaîner les tours de rond point à grande vitesse, on ne sait plus trop si pour nous désorienter avant l’arrivée à notre destination secrète, ou pour amuser les voyageurs qui réclament des « Encore ! Encore ! » ou entonnent « chauffeur, si t’es champion, appuie sur l’champignon ! ». Nous finissons par arriver dans la cour d’une des usines du groupe Vallourec (très connu en Sambre Avesnois). Un hangar est entrouvert et on pénètre dans un gigantesque espace dont on n’aperçoit pas le fond, et où ont été installés en arc de cercle des coussins devant des claviers placés entre quelques machines et d’énormes ou plus petits tubes métalliques. Arrive alors Marc Meliá, claviériste espagnol de génie installé à Bruxelles.

Alors qu’on devrait être sur une thématique « sieste », une partie du public est surexcitée et commence à chanter un joyeux anniversaire à une jeune fille. Marc Meliá s’en amuse, lui souhaite aussi son anniversaire, puis fait remarquer que l’usine elle-même émet une petite musique (une sorte de bourdonnement) à laquelle il va essayer de se joindre, et commence une partition minimaliste et contemplative. Il nous dira un peu plus tard qu’il joue des morceaux de son œuvre « Music For Prophet », du nom de la marque de ses claviers. On se laisse bercer par ses instrumentaux parfois augmentés de quelques paroles chantées dans une sorte de vocoder, et on prend conscience de la beauté de ce moment suspendu dans ce lieu insolite. Très vite, trop vite, il faut regagner le bus et rejoindre le festival.

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David Tabary

photographe de concert basé à Lille, rédacteur et blogueur à mes heures