[Live] Solidays 2016

Samedi 25 juin 2016

Le souffle chaud du rock’n’roll enlace l’auditoire en ce samedi après-midi ensoleillé. Privé de son quatrième musicien resté bloqué aux frontières anglaises, The Wanton Bishops maîtrise parfaitement son répertoire rock’n’roll brut de décoffrage et offre une prestation digne de ce nom. Le rhythm’n’blues coule dans les veines des trois rockers libanais ; les solos s’avèrent justes et précis quand la batterie se fait lourde et ténébreuse. Le clavier introduit des sonorités orientales et psyché, entre Tinariwen, King Gizzard Of The Lizard Wizard et The Doors. La musique de The Wanton Bishops serait celle d’un compositeur de musique de western biberonné à Led Zep.

crédit : Matéo Berthereau
crédit : Matéo Berthereau

Auriez-vous cru qu’un jour un violoncelle trouverait sa place dans la cour des grands ? Sous un soleil radieux, c’est Luc, le pote violoncelliste de Bigflo et Oli, assisté par un DJ qui ont la mission de chauffer une fosse déjà bien remontée. Les bras s’agitent en rythme. Bigflo apparaît et entonne le premier couplet de « La Cour Des Grands ». Les deux frères toulousains ne sont pas venus à Solidays pour « faire des crêpes » et comptent bien livrer « le meilleur concert de toute leur vie! », rien que ça ! Les tubes s’enchaînent du sombre et glaçant « Mr Tout le Monde » au fameux « Gangsta » repris par une foule en délire. Les textes ne sont certes pas toujours très subtils, mais différents de la scène rap actuelle : les clichés sont tournés en ridicules et les textes les plus sombres sont imagés et ciselés, très « hypotypotiques », sans s’en trouver arrogants ou hautains. Bigflo et Oli cherchent à élargir les frontières du rap. Le concert est lui-même très diversifié : les morceaux alternent avec interludes purement instrumentaux, finalement très éloignés de l’idée que certains se font d’un concert de rap.  Wawad, champion français de beatbox, vient faire un solo épatant avant d’accompagner les deux frangins dans leur battle. La scène prend des allures de ring. Les punchlines, plus ou moins médiocres, fusent : « Rase-toi sous les bras, t’as la coupe à Nekfeu » versus « Si j’ai autant boutons, c’est que j’ai fait la bise à ta meuf ».  Ce combat bon-enfant prend au fur et à mesure des allures de freestyle durant lequel d’après Bigflo, son frère « serait super chaud pour freestyler avec un dauphin sous l’eau si l’occasion se présentait à lui ».

crédit : Matéo Berthereau
crédit : Matéo Berthereau

Après avoir porté un toast à « toutes nos soirées de merde, nos embrouilles, nos galères », nous quittons les deux frères visionnaires pour courir applaudir Nathaniel Rateliff & The Night Sweats. Le public est charmé par la soul habitée et chaleureuse de cet enfant des Blues Brothers et de Bruce Springsteen.  Les musiciens assurent le show, tout est impeccable. Néanmoins, l’ambiance ne décolle pas beaucoup. Après « I Need Never Get Old », nous décidons de partir acclamer le grand Oxmo Puccino… qui termine son concert. Un peu déçus de n’arriver qu’à la fin, la douce beauté de « Mama Lova » nous réconforte. Puis, nous nous empressons de rebrousser chemin espérant capter les derniers instants du concert de Nathaniel Rateliff et ses compères. La troupe entame le superbe « S.O.B » allongé d’une longue parenthèse dans laquelle le titre «Shape I’m In » est introduit. Le public se réveille soudainement, se déchaîne au son du saxophone, frappe des mains et s’époumone. Nathaniel et ses musiciens s’en vont sous un sincère tonnerre d’applaudissements, très long même puisque le public reste bien une dizaine de minutes, acclame les techniciens gênés, puis commence à se disperser seulement.

crédit : Matéo Berthereau
crédit : Matéo Berthereau

Tout en sirotant une bière, nous restons ébahis devant Carving qui, pardonnez l’expression, balance du lourd ! La première formation punk de Matt Bastard (de Skip the Use) reprend la route cette année et marque un arrêt à Longchamp. Une énergie à faire frémir n’importe quel pseudo groupe rock tout droit sorti de télé-crochet grand public se dégage de scène. Matt Bastard demande au public de reprendre en chœur les refrains « très simples, on vient du Nord-Pas-De-Calais quand même » et de pogoter sur « aimez-vous les uns les autres ou les uns dans les autres, c’est toi qui choisit. Aimez-vous, c’est Jésus qui l’a dit ! ». Nous nous en prenons plein la tronche pour notre plus grande joie, puis filons au César Circus où Las Aves doit se produire.

Tout de blanc vêtus, les quatre Toulousains s’avancent doucement sur scène. Le son synthétique et aérien produit est magnifique et nous donne l’impression de rebondir sur des nuages en coton. Les morceaux sont élégants, mais imposants : entre électro, rock, musique futuriste des 70’s et beat hip-hop, nous retrouvons la patte de Dan Levy dispersée un peu partout. Le public met un joyeux désordre sur « Perfect Mess », saute sur l’acidulé « N.E.M » qui nous fait penser, on ne saurait pourquoi, aux Spice Girls. Petit à petit, nous réalisons que nous assistons au meilleur concert de la journée. La prestation est noble, pure, innovante, survitaminée, accomplie, proche d’un idéal musical. Des titres comme « Leo », « Gasoline » ou « Los Angeles » sont déjà connus du public qui crée un réjouissant chaos. Géraldine Baux plonge dans la foule sous le plafond étoilé du chapiteau. Nous en ressortons abasourdis et insouciants, simplement heureux… d’être heureux.

crédit : Matéo Berthereau
crédit : Matéo Berthereau

Tristes d’avoir raté le concert de Vald et peu admiratifs du raggamuffin de Selah Sue, nous nous en allons diner avant d’accueillir la grande dame qu’est Calypso Rose. Nous assistons aux dernières balances alors que la fosse est remontée à bloc et prête à danser. « Abatina » résonne sous le chapiteau et l’auteur de plus de huit cents calypsos entre en se trémoussant. Ravissante dans ses paillettes bleues, Calypso Rose domine d’une main de maître la scène et touche le public comblé. Pendant ce temps, le duo The Shoes agite les festivaliers because it’s « Time To Dance ».

À minuit, tout le festival se réunit devant la scène Paris pour rendre hommage aux bénévoles et chanter, plus ou moins faux, « I Will Survive » de Gloria Gaynor. La messe est dite, place maintenant aux moustachus de Deluxe. Une musique façon intro de Ligue des Champions retentit et la troupe délurée apparaît ! Le concert est haut en couleur, ça pète, c’est joyeux, ça a des accents funk. Deluxe pourrait être comparé à un canon à confettis. Nous crions au monde que nous sommes des Supermen. Puis nous devons malheureusement partir alors que « Shoes » débute. Le dernier métro n’attend pas !

Alice Tabernat

Alice Tabernat

Étudiante passionnée par la création musicale et les beaux textes.