[Live] Girls In Hawaii et Soldout au Splendid

Presque quatre ans jour pour jour après un concert mémorable donné au Grand Mix de Tourcoing, et une date remarquée au festival Les Paradis Artificiels à l’Aéronef en 2014 (avec leurs compatriotes de Balthazar), les Belges de Girls In Hawaii sont, ce samedi 2 décembre, de retour dans la métropole lilloise. C’est peu de dire qu’on les attend de pied ferme, et qu’on est impatient de voir comment « Nocturne », album studio sorti en septembre dans une veine assez sensiblement plus électronique, se marie sur scène à ses prédécesseurs.

Girls In Hawaii © David Tabary
Girls In Hawaii © David Tabary

La soirée débute avec d’autres Belges, ceux de Soldout. On ne peut s’empêcher de s’interroger sur la genèse du nom de ce groupe, dont on se demande s’il n’est pas une blague belge inventée tard au fond d’un bar. « Eh, ça serait drôle non de faire croire aux gens que les concerts où on passe sont complets ? Genre on dirait ‘Girls in Hawaii et Soldout au Splendid’ et les gens répondraient ‘Quoi Girls in Hawaii est déjà sold out ?!!’ Ah ah, ça serait bon ça ! »

Blague à part, on dira de Soldout qu’il n’est jamais évident d’ouvrir pour un groupe aussi atypique et spécial que Girls In Hawaii. Et que, hormis un ou deux morceaux plus lents, on a eu du mal à se faire à leur électro débridée. Mais on leur redonnera volontiers une chance à l’occasion, pourquoi pas sur scène avec des cousins français comme We Are Enfant Terrible ?

Viennent Girls in Hawaii, et la première surprise du concert se produit dès les premières secondes du concert, lorsqu’on réalise que le groupe démarre avec « Flavor », morceau épique qui clôturait la tournée de l’album « Everest » dans un déluge de sons, de lumières et de décharges d’énergie foutraque de chaque membre du groupe. Quelle mouche a piqué Girls In Hawaii en débutant le concert avec ce morceau ? Encore plus si c’est pour l’enchaîner avec « This Light », morceau introductif et particulièrement calme de « Nocturne ». A moins que ce ne soit justement pour faire le lien avec la dernière tournée et passer ainsi le relais ? On s’inquiète un peu de la suite des événements…

A cet instant entre en action un élément que l’on imagine être un point d’orgue du show : des cubes placés à l’arrière de la scène et composés de lasers se mettent à diffuser des rayons lumineux colorés à travers toute la salle. On est pourtant encore très loin du compte ! Girls In Hawaii est réputé pour travailler autant l’univers visuel de ses concerts que les orchestrations des morceaux (on se souvient de cette tournée où de vieux écrans cathodiques disposés partout sur scène diffusaient des clips vidéo), et il n’est rien de dire qu’on va en prendre plein les yeux toute la soirée. De toute la setlist, composée de 21 titres, aucun morceau n’aura la même ambiance visuelle qu’un autre. Le groupe s’appuiera en effet sur des lasers, mais aussi une boule à facettes, une rampe de leds fixée à mi-hauteur derrière eux (dans l’esprit de ce qu’on avait déjà vu récemment au concert de London Grammar), un mur de lampes donnant un effet « ciel étoilé » (sans doute repris de la dernière tournée) ou des spots hyper colorés fixés au sol de chaque côté du bord de scène. Le plus beau étant sans doute atteint sur le bien nommé « Colors », qui voit le groupe surplombé d’un magnifique arc-en-ciel.

Un autre élément qui fait la particularité de Girls In Hawaii, c’est leur côté très communicatif avec le public (et qui rappelle beaucoup Nada Surf sur ce point), Antoine Wielemans et Lionel Vancauwenberghe n’étant jamais les derniers pour raconter des anecdotes. Il faudra, ce samedi, se contenter de peu (la fatigue de la tournée peut-être ? Ou le froid glacial à l’extérieur et dans les loges, comme l’évoquera le groupe ?), mais on n’en goûtera pas moins l’histoire racontée en plusieurs étapes par Antoine. Se souvenant du dernier passage du groupe à Lille, il avoue leur préférence pour le Splendid plutôt que pour l’Aéronef, salle qu’ils trouveraient trop froide (ouh là, le type pose l’air de rien, comme ça un samedi soir, la question de la meilleure salle de concert de Lille ; il est fou, lui !). Surtout, on comprend que le groupe a des souvenirs au Splendid. Girls in Hawaii était en effet passé par là le 22 octobre 2003 (il y a une éternité, donc) pour assurer la première partie d’une soirée avec An Pierlé et Venus. A l’époque, Antoine se souvient avoir demandé s’il était possible d’être payés 150 à 200€ pour payer l’essence et le déplacement du groupe, et s’être entendu répondre que des sandwichs au pâté, ce serait déjà pas mal. Il en profite au passage pour remercier Anne-So d’À Gauche de La Lune (Anne-Sophie Gadrey, co-gérante d’AGDL) de les tourner.

Et, mine de rien, ce discours ajouté à la quasi perfection de tout ce qu’on voit depuis le début du concert fait prendre conscience du caractère majeur pris par  Girls In Hawaii sur la scène indé actuelle. Voilà un groupe qui tourne depuis quinze ans, qui a vécu le pire (faut-il encore évoqué la mort de Denis Wielemans, batteur originel du groupe et frère d’Antoine ?) et qui s’est relevé pour proposer aujourd’hui cinq albums, tous bluffants, fabriqués par des artisans ne tolérant pas la moindre concession artistique, en studio comme en live. Beaucoup de groupes devraient probablement en prendre de la graine. Et tout ça avec une humilité incroyable, qui donne l’impression de voir six gamins qui s’amusent sur scène.

Ce qui a sûrement évolué avec cette tournée promo de « Nocturne », c’est le rôle de leaders clairement assumé par Antoine et Lionel. Il était peut-être (sans doute) déjà sous-jacent depuis longtemps, ce rôle, mais il est désormais éclatant. Loin de s’opposer à la dynamique de groupe, il la soutient et la renforce. Les deux n’ont sans doute jamais joué aussi proches l’un de l’autre (dans tous les sens du terme), et ce n’est pas un hasard si le concert se termine par un dernier rappel voyant Lionel et Antoine seuls en scène interpréter « Plan Your Escape » en acoustique.

Mais au fait, et nos craintes initiales, alors ? Elles auront été, morceau après morceau, balayées, réduites à néant. Les titres de « Nocturne », discrets dans la setlist (à peine plus du quart des morceaux joués), s’intègrent parfaitement au reste de la discographie du groupe et servent de liant aux différents temps du concert, qu’il s’agisse d’un « Blue Shape » intense et d’une beauté sidérante, ou d’un « Walk » dont Antoine dira « il est pas impossible que ça vous donne envie de danser ! », ou encore d’un « Monkey » sensible et émouvant. Quant à « Flavor », qui ne clôt plus le concert, il sera remplacé par une version du même acabit de « Rorscharch », qui donnera l’occasion au groupe de tout exploser une dernière fois en nous laissant le souffle court avant les rappels.

Au final, si ce compte-rendu du concert ne fait que peu état des morceaux interprétés, ne vous y trompez pas, ce n’est pas un hasard ou une méconnaissance de la setlist. Plus que jamais, les concerts de Girls in Hawaii relèvent de l’intime et se vivent plus qu’ils ne se racontent, avec les tripes, avec l’âme, les larmes aux yeux ou la joie dans le cœur. Plus que jamais, on peut dire : « ceux qui y étaient savent ». Et, si vous n’y étiez pas, foncez les voir. Un concert de Girls In Hawaii, c’est un peu comme ce qu’écrit le groupe au sujet de « Nocturne » sur son site web :

It is about being alone in the heart of a night
It is about occupying private worlds
Seemingly lost in reverie
It is about us and that magical space of freedom the night can be


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David Tabary

photographe de concert basé à Lille, rédacteur et blogueur à mes heures