Ah, qu’il est loin le temps où de jeunes mécheux regardaient leurs chaussures ! Autant par timidité que par concentration, lorsqu’il est obligatoire de jongler entre un plateau de pédales d’effets et un vibrato. Pourtant vieux d’approximativement une trentaine d’années, le shoegaze tire encore ses lettres de noblesse. Lui qu’on ramène constamment à ses vieilles vaches sacrées. Après avoir nagé longuement parmi les vagues bruyantes de la Manche, le genre semble avoir désormais emménagé en France, où Venera 4 apparaît comme l’un de ses meilleurs représentants.
Avec une poignée de maxis et de singles prometteurs à ses pieds depuis 2012 (dont le sublime « Deaf Hearts » en 2013), le quatuor parisien livre avec « Eidôlon » (« fantôme » ou « simulacre » en grec) son premier album. Nous retrouvons le groupe presque là où nous l’avions laissé…
Sur toute la durée de l’écoute, les guitares s’entrecroisent avec échos et réverbérations (Black Paws), voix spectrales et douce mélancolie (Colored Fields). Cependant, sa musique se révèle plus nuancée qu’elle ne l’était auparavant. Un brin apaisée, elle se révèle plus légère et plus vaporeuse encore (Red Blooms, Metal Shells).
La réelle évolution tient à l’apparition partielle de la langue de Molière. Une prise de risque qui s’avère payante, tant la chanson éponyme de l’album atteint le sublime. Trop rare pour n’être qu’anecdotique, l’usage du français, murmuré par l’ensorcelante Morgane, au sein d’un registre dans lequel les artistes restent encore trop attachés à l’anglais, a tout d’un tour de force artistique.
Le constat est sans appel ; « Eidôlon » est réussi en tous points. Suite logique des premiers essais, il ouvre cependant la voie à de nouvelles évolutions, comme le prouve l’exploration du français.
« Eidôlon » de Venera 4 est disponible depuis le 2 mars 2015 chez Requiem pour un Twister.
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