[Interview] Temples

À l’occasion du Transfer Festival, nous avons pu nous entretenir quelques minutes avec Temples. Dans la loge d’artistes qui n’étaient pas encore arrivés, bien installés dans de moelleux canapés, nous attendons Adam Smith, guitariste et pianiste du groupe. Cheveux brossés à la perfection et look excentrique habituel, il nous rejoint après quelques minutes pour débuter la conversation.

crédit : Brice Robert
  • Avant toute chose, je me suis rendu compte que tu t’appelais Adam Smith, comme l’économiste. Ça fait quoi de s’appeler Adam Smith en fait ?

Alors c’est très sympa, mais tu sais, il y avait aussi trois autres Adam Smith dans mon école donc bon. C’est assez courant au Royaume-Uni. Après c’est sûr, il y a des noms pires à partager.

  • C’est votre grand retour ce soir sur scène après une absence de quelques mois…

Oui, c’est le début de la saison des festivals en quelque sorte. C’est d’ailleurs très tôt pour commencer les festivals quand on y pense. Mais c’est notre premier concert de l’année 2019 en tout cas. On est un peu nerveux quand même, le dernier concert remonte à décembre. Mais on a beaucoup répété depuis et on est très heureux de pouvoir recommencer. On a réintégré de vieux morceaux pas joués depuis longtemps, comme des faces B.

  • Vous avez des attentes particulières ?

Pour être très honnête, j’en sais rien (rires). La dernière fois qu’on a joué à Lyon c’était dans l’autre salle du festival, l’Épicerie Moderne, mais juste en tant que Temples, pas sur le festival, et c’était très sympa avec un bon public donc on espère ce soir une expérience à peu près similaire.

  • Vous avez des rituels avant de monter sur scène, des tics ?

 Rien de particulier pour les concerts de reprise. Mais de manière générale, on fait des jeux de boissons (rires). On fait des beer pong ou des trucs comme ça, et souvent on essaye de faire boire notre équipe technique aussi, ce qui n’est pas forcément une super idée quand on y pense (rires).

  • Beaucoup d’artistes disent qu’ils ont redécouvert leur album en le jouant en live pendant de longues périodes. « Volcano », votre dernier album, est sorti il y a 2 ans quasiment jour pour jour. Qu’est-ce que vous avez découvert dessus ?

Les morceaux ont beaucoup changé, ça c’est sûr. On n’est pas le genre de groupe à écrire nos morceaux de A à Z puis à aller les enregistrer. On est toujours en train d’écrire, d’enregistrer, de modifier, donc c’est assez naturel pour nous de transformer nos morceaux. Mais finalement on n’a pas joué tant de morceaux que ça de « Volcano » en live. Seulement six, peut être sept… Mais ils sont assez méconnaissables, oui. Ce soir, par exemple on va rejouer « Oh, The Saviour », qu’on n’a pas jouée depuis très longtemps.

  • Ça ne finit pas par vous ennuyer de jouer les mêmes morceaux en boucle ? Ça aussi, c’est un commentaire qui revient souvent chez les musiciens.

Honnêtement, non. Déjà ça fait quelque temps qu’on n’a pas joué donc on est globalement excité à l’idée de tout rejouer. Je ne te dirais peut-être pas la même chose après trois mois de tournée.

  • J’ai lu une interview où l’un de vous disait « l’objectif de Temples c’est de sonner intelligent sans sonner prétentieux ». Qu’est-ce que tu penses de cette déclaration ?

C’est une frontière très étroite n’est-ce pas ? On n’est beaucoup de choses, mais je ne pense pas qu’on soit prétentieux, ce qui est un bon point, non ? Parfois on se rend peut-être coupables d’essayer de tenter des choses un peu expérimentales par principe. Mais sur nos nouveaux morceaux, on va essayer de revenir sur un son plus basique. Essayer d’être trop intelligent peut vite devenir un frein, ou un reproche qu’on pourrait nous formuler.

  • Temples, et plus généralement tous les groupes du festival jouent clairement pour une audience « sophistiquée » si je puis dire, c’est une musique qui demande un minimum d’attention et de temps pour être appréciée. Ça vous a traversé l’esprit parfois d’être un peu moins sophistiqué dans votre approche, mais pour toucher un public plus large ?

Franchement non. Je sais même pas si notre public est si sophistiqué que ça, je pense qu’il y a un peu de tout, on a un bon mix. On a beaucoup de jeunes d’ailleurs, ça fait plaisir. On a les jeunes qui aiment la musique à guitares, on a les plus âgés dans le délire « collectionneur de vinyles ». C’est cool d’avoir un peu de tout ça. Mais on ne veut pas dire qu’on recherche un public d’élites. Notre musique est pour tout le monde, ou en tout cas tous ceux qui l’aiment. Pour autant, on ne recherche pas à jouer dans des stades. Ça ne serait pas naturel, ce n’est pas un objectif. Si ça finit par arriver naturellement pourquoi pas, mais bon, je pense que ça serait super bizarre comme sensation.

  • Noel Gallagher a dit un jour que votre musique pourrait sauver le Royaume. Vous voulez sauver le pays ?

Je pense malheureusement que ce pays ne peut pas être sauvé. Aujourd’hui, être Anglais tu sais c’est frustrant, assez gênant… On se sent plus que jamais prisonnier d’une petite île. Moi je suis persuadé que le Brexit finira par arriver, d’une façon ou d’une autre. On ne peut plus revenir en arrière et juste croiser les doigts pour que ça ne se passe pas trop mal. On est clairement dans une sale période.

  • Ça vous rend d’autant plus heureux de venir jouer à l’étranger du coup ?

J’espère que les gens en dehors du Royaume-Uni ne pensent pas qu’on ne veut plus les voir en tout cas, ça serait horrible. Clairement, nous ne faisions pas partie des gens qui ont voté « Leave » tant voyager en Europe a toujours été quelque chose de très naturel chez nous. Donc oui, c’est toujours cool de venir sur le continent, et ce peut-être pour la dernière fois (rires).

  • Dans beaucoup d’interviews et de chroniques, votre musique est décrite comme joyeuse et positive, mais vous niez à chaque fois qu’on vous en parle. D’où vient cette confusion à votre avis ?

Musicalement, c’est sûr que le second album sonnait un peu plus positif que le premier. Mais au niveau des paroles, pas du tout. C’est peut-être même l’inverse pour les paroles. Ça dépend comment tu écoutes la musique, j’imagine. Si tu prêtes plus attention aux instruments ou aux paroles. Peut-être qu’aujourd’hui les gens n’écoutent plus les paroles… Je sais pas honnêtement.

  • Dans les années 60, on aurait appelé votre musique de la pop, et aujourd’hui on doit dire du rock indépendant et psychédélique… Quand est-ce qu’on a perdu la pop ?

C’est marrant non ? (rires). Ça aurait été génial d’être un musicien dans les années 60, je pense. On serait tout le temps passé à la radio (rires). Aujourd’hui c’est complètement différent évidemment et… ennuyeux, clairement. Est-ce que c’est la faute de la technologie ? Peut-être. Après on se sert aussi beaucoup de la technologie pour écrire, enregistrer, donc on ne peut pas cracher dessus non plus, mais il faut savoir se servir de tout. Depuis les années 80, c’est tous les jours un peu plus facile de faire de la musique grâce à la technologie, ce qui démocratise le process, ce qui est une bonne chose, mais le rend peut-être accessible à trop de personnes… C’est là qu’on a perdu la pop ? Peut-être. C’est à partir de là que la pop s’est transformée en tout cas. Mais c’est drôle d’y penser oui : dans les années 60, on aurait été un groupe de pop, c’est certain. Et aujourd’hui on est un groupe de rock psychédélique. Bon. (rires).


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Simon Milstayn

Fonctionnaire le jour et blogger la nuit, rarement loin du bar