[Live] Pitchfork Music Festival Paris 2015, jour 1

Pendant parisien du festival de Chicago, le Pitchfork Music Festival revient pour une cinquième année à la Grande halle de la Villette. L’occasion de voir quelques-unes des plus belles têtes d’affiche de la musique indé du moment et de découvrir quelques nouveaux venus.

Pitchfork Music Festival Paris 2015

Textes par Cyril L’Allinec et photos par David Tabary

Avec la dure tache de donner le coup d’envoi du festival, Hælos enclenche les hostilités avec « Pray ». Le trio trip-hop, devenu sextet en live, se montre sérieux et appliqué. L’addition de deux batteurs et d’un guitariste est bienvenue pour retranscrire la complexité des arrangements de son premier EP. Mention spéciale aux deux batteurs qui vont porter à bout de baguettes le premier concert de ces trois jours.
On pense bien sûr à Massive Attack et Portishead. Mais c’est le duo de chant, mené par la voix de Lotti Benardout, en complément de son comparse (un peu en retrait) qui emmène vraiment le groupe. Un peu comme si The XX s’était laissé pousser des ailes. Le show se poursuit avec leur reprise de « The Sun Rising » de The Beloved, puis avec « Dust ». La formule du groupe devient claire : puissance tribale sur sophistication électro pop. On a l’impression de revenir en 1998. Et ce n’est pas désagréable du tout.

Haelos

Face à la grosse machine bien huilée de Haelos, c’est une surprise de voir débarquer Kirin J. Callinan. L’Australien est la première vraie surprise du festival. Pratiquant une sorte d’électro rock débridé, Kirin joue d’une guitare sonnant comme une Keytar ; cet hybride guitare-clavier so kitsch, comme lui. Si Haelos nous avait plongés dans les années 90, la régression continue avec cette fois-ci dans les années 80.
Il ne faudrait toutefois pas le prendre trop à la rigolade. Dès le second titre – son dernier single dont l’intro sera jouée au smartphone – Kevin Parker, de Tame Impala, débarque pour l’accompagner à la basse et aux chœurs sous hélium. L’attention reste quand même sur le chanteur en marcel jaune fluo et coupe mulet. On flotte entre le concert, le one-man-show et la performance : une sorte de Future Islands qui ne se prend plus au sérieux. Un set court qui, comme les meilleures blagues, se termine par un « Just another song about drugs » avant un « I love you mum » en touche finale !

Kirin J. Callinan

Pas la peine de se presser pour aller voir Destroyer. Le projet semble essuyer des balances bien compliquées. Après quinze minutes de retard, le groupe, un peu frustré, entonne le concert avec « Bangkok », tiré de son dernier album « Poison Season ». L’instrumentation est à la hauteur de l’album. Cuivres, pianos, guitares… Les arrangements luxuriants servent de magnifiques écrins aux compositions de Dan Bejar. Si le début du concert transforme la Grande halle de la Villette en un club intime, la suite du set va voir le groupe prendre son ampleur. Avec peu d’intérêt pour le public, Destroyer se concentre sur sa musique et rattrape vite son retard. L’enchaînement d’ »European Oils » (son apogée sur « The fucking maniac » !) et « Chinatown » montre le groupe enfin à la hauteur de sa réputation. : classieux dans l’esthétique mais sauvage dans l’exécution. Le concert se finit sur un « Dream Lover » d’exception. Une prestation très réussie, car faite avec amour.

Destroyer

Les étoiles dans nos yeux vont bien vite s’éteindre devant Ariel Pink. Premier vrai couac de la soirée, le chanteur semble perdu sur scène à tenter désespérément de trouver un compromis entre ses délires psyché et une candeur enfantine. Ariel Pink joue longuement à l’enfant perdu sur scène et on ne sait plus alors s’il mime des problèmes avec son micro ou cherche à antagoniser le public. Quand tout ce petit monde se met enfin à jouer, on a l’impression d’assister à du grand n’importe quoi. Ça joue faux et fort, c’est totalement décousu et dissonant. Sur les visages du public se lit un peu partout un gros « what the fuck?!! »
On ressort de ce concert avec une désagréable impression, celle qu’Ariel Pink et son groupe ont probablement torpillé leur prestation et envoyé bouler tout le Pitchfork parce qu’ils étaient énervés contre la technique.

Ariel Pink

Dommage pour Ariel Pink, surtout, qui voit petit-à-petit la foule se presser de plus en plus pour rejoindre l’autre scène de la Grande halle. Le public se presse déjà pour accueillir les Québécois de Godspeed You! Black Emperor.
Sur l’intro contrebasse et violon de « Hope Drone », chaque interprète vient peu à peu prendre sa place sur sa chaise, plus concentré sur sa musique que sur le public. Les musiciens jouent en cercle, ne prêtant pas attention à son audience. GYBE se consacre à rejouer l’intégralité de son dernier album « Asunder, Sweet and Other Distress ». Sa musique ; incantatoire, dramatique et sombre, se ressent bientôt dans tout le corps. Post-rock est bien trop réducteur pour désigner le travail de ce groupe qui continue progressivement à construire son mythe sans concessions ou fioritures. Sept chansons en tout seront jouées, dont une nouvelle en avant-dernière piste. Prémisses d’un prochain disque de la part du mastodonte montréalais ? On croise les doigts et on ressort lessivé par la puissance et le volume. Épuisé, mais heureux.

Godspeed You! Black Emperor

Changement d’ambiance total pour la suite avec le « Deerhunter Electronic Music Consortium », comme le présente le leader du groupe. Deerhunter s’introduit avec un superbe « Desire Lines » avant de poursuivre sur « Breaker ». Guitares saturées ou cristallines, basses et batterie… Deerhunter offre les premiers moments rock du festival parisien. Difficile de lâcher des yeux Bradford Cox, la vraie star du groupe, qui occupe les trois quarts de la scène tandis que les autres musiciens se collent à la droite. « Revival », « Don’t Cry » et « Living My Life » s’enchaînent sans vraie coupure. Le projet se montre professionnel et rodé, laissant toute latitude à son chanteur pour vraiment briller.
Il est dix heures passées et Bradford Cox est le premier musicien à s’adresser ce soir au public. Dans son petit speech, il compare la Grande halle de la Villette à une sorte de gare désaffectée, avant de nous dire qu’il a l’impression de jouer devant le bal de promo d’une secte. Et termine le concert sur une déclaration quasi d’amour à Ryan Schreiber, créateur de Pitchfork, le remerciant pour tout ce qu’il a pu faire pour eux.

Deerhunter

Les lumières s’éteignent et, de l’autre côté de la salle, les premières notes de « Levitation » s’envolent. Beach House met tout le monde d’accord sur sa position de tête d’affiche de la soirée. Avec deux albums sortis cette année, les fans du groupe de dream pop se régalent. Dans la pénombre, le nombre de couples s’étreignant et s’embrassant grimpe en flèche. Beach House offre le slow qui manquait à ce bal de promo dont parlait Bradford Cox un peu plus tôt ; un slow de près d’une heure, interrompu ça et là par les remerciements de la chanteuse Victoria Legrand (en français !). Elle saluera son père avant de finir le concert par « Irene », tiré de « Bloom ». Véritable chef-d’œuvre dream pop aux guitares quasi shoegaze, la chanson se finit sur un « It’s a strange paradise ». Parfaite description de ce dernier concert de notre première journée au Pitchfork Music Festival Paris 2015.

Beach House


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Cyril L'Allinec

chroniqueur globe-trotteur entre Montréal et Paris