[Live] Pitchfork Music Festival Paris 2014

JOUR 2 – Vendredi 31 octobre 2014

JOUR 2 – Vendredi 31 octobre 2014

La date ne vous aura pas échappé, le deuxième jour du Festival coïncidait avec la fête très anglo-saxonne d’Halloween. Or, l’essentiel de la programmation et une bonne part du public sont constitués d’anglophones ; il était donc à prévoir un certain nombre de célébrations un brin décalées. Mais pour l’heure, il est 18h30 et la soirée commence avec Perfect Pussy, un des OVNI du Festival. Dans un registre post-punk et punk-hardcore, la formation menée par l’enragée, Meredith Graves, vêtue d’une robe rouge, sait profiter de la petite demi-heure qui lui est allouée. Les morceaux durent en moyenne une minutes trente et consistent en un vacarme assez inaudible à peine dominé par les hurlements incompréhensibles de la chanteuse, où surnagent quelques « Fucker » et autres « Motherfucker » fleuris. Pendant les premières minutes, la foule éparse hésite entre la blague et la fascination, à l’exception de quelques fans reconnaissables à leurs T-shirts à l’effigie de groupes de metal, chose relativement rare dans le milieu estampillé Pitchfork. Globalement, le concert est très médiocre, très violent, et laisse une impression de grand n’importe quoi, à l’exception des morceaux plus lents qui ramènent le groupe vers un post-punk déjà plus intéressant et audible. On notera le jeu survolté du bassiste Greg Ambler, de très loin le musicien le plus sexy de tout le Festival. Maigre consolation s’il en est.

Perfect Pussy - crédit : Sarah Bastin
Perfect Pussy – crédit : Sarah Bastin

Un certain D.D Dumbo, quasiment inconnu au bataillon, prend le relais en face et délivre un joli set de quarante minutes, seul sur scène avec sa guitare, ses percussions et une loopstation. Le résultat est plutôt solide et convaincant, mais je n’assiste au concert que de loin et par intermittences. Son Lux, visiblement très attendu par une foule de fans, s’installe ensuite. De notre côté, l’avis est unanime, le concert est une sorte de vaste blague indigne de la qualité de la programmation. Lightshow épileptique, totalement aveuglant (qui a dit « cache-misère » ?), musique binaire extrêmement répétitive et d’un manque flagrant d’inventivité, sur le schéma gros beat électro / claviers envahissants / note de guitare saturée et surtout chanteur qui en fait des tonnes et gâche ainsi une voix au timbre pourtant intéressant. Nous tenons moins de dix minutes et je pars seul faire la queue pour être au premier rang du concert que j’attends le plus de la soirée.

C’est donc de loin, fort heureusement, que j’écoute la fin du concert de Son Lux et que je me prépare pour Future Islands. Placé idéalement, je converse avec quelques festivaliers venus d’Outre-Manche pour l’occasion et nous observons, médusés, le groupe prendre place sur scène pour faire des essais alors que le concert d’en face bat son plein. Ils se retirent bien vite mais le mal est fait : ils ont osé jouer à fort volume pendant un autre concert, ce qui est presque un blasphème, mais curieusement j’aime bien l’idée, tant Son Lux m’apparaît comme une très pâle copie déformante de ce qui nous attend alors. Autre détail : les musiciens étaient visiblement déguisés. Confirmation vingt minutes plus tard lorsque arrive enfin le groupe emmené par le stupéfiant Samuel T. Herring. Lui sera un vampire, le batteur un loup-garou, le bassiste une sorcière et le claviériste une sorte de Frankenstein. Halloween débarque au Festival et, dans le public, les gens déguisés, parfois de manière vraiment dingue, se font de plus en plus nombreux. Sur scène, Herring jubile comme un gamin hyperactif. Il enchaîne les vannes sur Halloween et ne cesse de répéter le bonheur qu’il a de jouer devant nous ce soir. Le concert est un pur moment de magie. Les fans du premier rang qui m’entourent sont aussi hystériques que moi sinon plus ; enfin un public qui bouge, qui danse, après une flopée de concerts particulièrement statiques ! Herring fait le show à lui tout seul et, derrière, les musiciens assurent parfaitement et délivrent un set métronomique et admirablement bien en place. Le son est d’autant plus impeccable que le groupe n’a pas de guitariste mais des claviers et un bassiste, et le lightshow, dynamique sans en faire trop, finit d’apporter la touche bleutée qui colle si bien au son new wave du groupe. Les deux albums de Future Islands sont bien représentés côté setlist, avec les tubes attendus, dont le point culminant est évidemment le très beau et très intense « Seasons (Waiting on You) » qui a propulsé le groupe vers les sommets il y a quelques mois. A la fin de ce concert euphorisant, Herring, en nage d’avoir gesticulé, ondulé, dansé et beuglé tout du long, se jette dans la fosse, droit sur moi. Le type est une éponge vivante complètement dégoulinante, il surfe quelques minutes dans le public en liesse et le concert s’achève. Grand moment.

MØ - crédit : Sarah Bastin
MØ – crédit : Sarah Bastin

Je retrouve alors mes amis, qui étaient plus loin car plus sceptiques, mais finalement emballés par l’énergie du bonhomme et la rigueur musicale du concert. s’installe et nous décidons de faire l’impasse sur sa prestation, personne ne les connaissant vraiment au sein de notre groupe. Pendant qu’ils vont manger, je fais un tour à l’étage dans la partie appelée « Klin d’oeil », une sorte de petit marché vintage et créateurs qui surplombe la petite scène sur laquelle évolue MØ. J’écoute donc sans le voir le concert qui, ma foi, s’avère pas mal du tout, très pop dance électro sautillante et dynamique, emportée par la voix aiguë et fraîche de la chanteuse Karen Marie Ørsted. Il n’y a guère que dans un festival de ce genre que l’on peut ainsi se faire confortablement couper les cheveux et tailler la barbe tout en écoutant un live se déroulant à quelques mètres de là. Au passage, les stands de maquillage et coiffure pratiquaient des prix défiant toute concurrence et tranchant nettement avec les tarifs élevés du merchandising et de la restauration sur le site du festival. Une fois tout beau et tout neuf, je déambule entre les deux scènes, croisant des momies et autres personnages déguisés et regardant la fin de set de la chanteuse, elle aussi grimée pour l’occasion. On enchaîne alors avec Chvrches, dont je n’ai pas grand chose à dire sinon que c’était musicalement très similaire au groupe précédent, avec une chanteuse au timbre plus grave et suave. L’intérêt principal, outre le caractère festif et dansant de la musique, étant le lightshow particulièrement élaboré du groupe, point fort de leur concert.

Je rejoins ensuite mes amis dans la foule pour St. Vincent, qui se prépare à jouer sur la petite scène. Et le premier constat, c’est que leur public est peut-être le plus snob du festival. On commence avec un couple assis au milieu d’une foule de plus en plus compacte et qui refuse de se lever, au point d’être remis debout de force par des spectateurs moins diplomates que nous, et on continue avec un type mal embouché qui nous intime de ne pas chanter pendant le set, le comble pour un concert de rock où la quasi totalité du public entonne ne serait-ce que les refrains en chœur avec l’artiste. Mais passons. Car côté musique justement, Annie Clark et ses acolytes délivrent un des shows les plus impressionnants du Festival, du moins le plus furieusement rock, et cela en commençant pourtant de manière un peu décevante ou bancale. D’emblée, St. Vincent grille deux atouts majeurs en jouant « Rattlesnake » et « Digital Witness », deux titres marquants du dernier album éponyme, mais le groupe n’est pas encore très chaud ou tout-à-fait au point et les morceaux manquent de punch et de dynamisme, ce qui est particulièrement cruel pour le second. Claviers timides, en retrait, et son pas assez puissant : les défauts de la petite scène conjugués à une entrée en matière qui aurait pu être mieux négociée. Mais l’énergie du public – qui chante justement ! – et le jeu spectaculaire de la charismatique Annie Clark et de sa chevelure d’argent rattrapent le tout. Surtout que la suite du show est de haute volée. Mégalomanie assumée de l’auteure-compositrice-interprète et accessoirement guitar heroïne, poses, chorégraphies avec une de ses musiciennes… Pas besoin de se déguiser pour Halloween, Annie est un freak show décadent à elle toute seule. Côté setlist, on revisite un peu toute la carrière solo de la dame, avec des arrêts surprenants et bienvenus, comme le survolté « Crocodile » qui amène une touche punk au concert. Mais surtout, on retiendra le riff monstrueux qui débarque en plein « Huey Newton » et qui déchaîne l’audience, ainsi que le final spectaculaire et apocalyptique sur « Your Lips Are Red », une chanson issue de « Marry Me » et totalement transfigurée en live. Clark s’embarque dans un solo dantesque et virtuose, descend de scène armée de sa guitare et commence à longer la barrière tout en jouant, gesticulant et grimaçant. Elle arrache un masque d’Halloween à un spectateur, l’enfile tant bien que mal d’une main, arpente la fosse et se saisit du smartphone d’une spectatrice médusée à qui elle fait comprendre qu’il lui sera rendu et… s’en sert alors pour poursuivre son solo, frappant frénétiquement les cordes et les frettes de sa guitare avec l’objet, devant une foule estomaquée et un brin hilare. Elle retourne ensuite sur scène et achève le morceau dans un chaos sonore particulièrement jouissif. Magistral.

Difficile de se remettre de telles émotions, mais la soirée n’est pas finie. Il reste un dernier concert, celui des véritables têtes d’affiches de la soirée, qui vont jouer pendant près d’une heure et demie. Il s’agit des écossais de Belle & Sebastian, pour l’occasion accompagnés d’un petit orchestre à cordes. Leur superbe set passe en un éclair, et le public est en liesse. Loin de la scène, la foule est clairsemée mais joyeuse, elle danse. Le groupe égrène quelques-uns de ses plus beaux morceaux, comme « The Fox in the Snow », donne un avant-goût d’un album à venir avec les très disco et dansants « Perfect Couples » (accompagné de son vidéo clip inédit, tout droit sorti du « Tango » de Rybczynski) ou « The Party Line ». En fin de concert, le groupe entonne les classiques « Sleep The Clock Around » avec le public et fait monter des gens déguisés en inoffensifs lapins pour « Get Me Away From Here I’m Dying ». L’ambiance est à la fois festive et émue, les spectateurs quittent les lieux le baume au cœur. Si la première soirée était en demi-teinte, le deuxième jour a tenu ses promesses, et le meilleur est encore à venir.


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Photographies par Sarah Bastin pour Ricard S.A Live Music :
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Maxime Antoine

cinéphile lyonnais passionné de musique