L’année 2021, tout comme celle qui vient juste de la précéder, nous semble encore bien morose en ces temps d’incertitudes, de fermetures de lieux culturels et de décisions sanitaires et politiques aussi soudaines qu’irréfléchies. L’art souffre et cela se ressent dans ses expositions pixellisées ; miroir de l’humain, il n’a de cesse de le révéler, de le chahuter parfois mais également de lui faire oublier son spleen et son désespoir. Démonstration de ces contradictions pourtant éminemment complémentaires, ce nouveau Flash vous invite à vous frotter au réel et à l’imaginaire, aux gouffres émotionnels et aux éblouissements sensitifs, en cinq actes entre folie et libération.
[Clip] Lorn – Silhouette
À l’image d’une réflexion constante sur la quête de l’identité et de l’individualité de chaque être humain, le nouveau clip de Lorn entrelace ses plans effrayants et sa musique suspendue au-dessus du vide pour un peu moins de trois minutes à haut pouvoir d’attraction et de fascination. L’artiste ambient, aidé à la réalisation par Sam et Nick Shields, plonge sa créature dans les recoins les plus obscurs d’un quotidien aux allures d’angle mort, de désincarnation conduisant à la tragédie, puis à l’oubli. L’ambiance, éprouvante et crépusculaire, nous fait ressentir un froid glacial traversant les différentes couches de vêtements que l’hiver nous impose ; implacable, « Silhouette » balbutie ses visages, ses environnements dénudés et crus, ses nuits durant lesquelles nous ne sommes plus rien, plus personne. Pourtant, l’émotion demeure omniprésente, tant dans les accords et nappes synthétiques à la fois rauques et éclairés du compositeur qu’au fil de quelques images fugaces, d’un poing rageur à la clarté électrique d’un ciel moins menaçant. Plutôt que de fuir sa différence, le protagoniste préféréra, au fil des ultimes plans du court-métrage, l’embrasser et la serrer précieusement. Pour le meilleur comme pour le pire.
https://youtu.be/MhBCWcs0R2E
[Clip] VortexVortex – Shalalala
Ils nous avaient manqué et, une nouvelle fois, ils reviennent là où on ne les attendait pas ! Les doux dingues de VortexVortex nous gratifient d’un « Shalalala » qui risque bel et bien de flanquer une bonne gifle à la génération Instagram et à ses représentants, influenceurs et créatures désincarnées les plus féroces. En quelques minutes prêtes à fracasser la bien-pensance de réseaux tout sauf sociaux, VortexVortex pulvérise le culte de la personnalité, dissèque l’instantanéité d’illustrations vides de sens et d’émotions et menace de remettre bon nombre d’idées en place à grands coups de riffs électrisants, de battes de base-ball efficaces et de selfies par téléphone à cadran interposé. La folie du trio n’a rien perdu de son haut pouvoir de dépendance, diffusant sur nos rétines les plans chargés de stroboscopes d’une liberté qui nous avait cruellement manqué. Incitant les adeptes des filtres Clarendon et autres drogués aux vidéos Boomerang à ranger leurs apparats au placard, sous peine de finir direct au pilori, VortexVortex fait du bien là où ça fait mal, sans qu’il soit un seul instant possible de contrarier ses arguments parfaits et imparables. Free your brain !
[Clip] SEYES – Sans titre
Beaucoup aimeraient détourner les yeux. Ne pas se laisser happer par l’image, foudroyante, d’une pauvreté muselée, d’un abandon social et politique que l’on dénonce souvent sans agir en conséquence. « Sans titre ». Les plans parlent d’eux-mêmes, à l’instar de la musique se fondant dans cette nuit éternelle de la souffrance, du froid et de l’être privé de son identité. Le court-métrage de SEYES est violent, observant la répression, la solitude et toutes ces créatures livrées à elles-mêmes sans porter aucun jugement ni orienter la pensée du spectateur. Documentaire cru et réaliste, il se pare d’un bleu dont la profondeur obscur amplifie les ralentis d’un temps suspendu, d’un avenir impossible à envisager, même à court terme. Les « hommes de l’ombre » risquent leur peau, à peine mis en lumière par quelques gyrophares insufflant une sourde terreur, une angoisse prégnante, barrière d’un salut qui n’aura quasiment jamais lieu. Plutôt que de laisser s’évader nos larmes face à ce spectacle de la désillusion et du rejet, peut-être est-il temps de faire entendre nos voies brisées par l’émotion. De ne plus tourner le dos au péril d’autrui et de le regarder dans les yeux en pivotant à 180 degrés. La marche continue, le long d’un piano cherchant sa route, sa signification ; celle que nous sommes à même de dessiner pour les âmes en peine qui, sans jamais nous supplier, ont besoin de notre appui.
[Clip] Francœur – Chasseur de rêves (Astre Remix)
Afin de célébrer comme il se doit son anniversaire et la sortie de l’édition deluxe de « D’où vient le Nord », Francœur a donné naissance à l’un des spectacles vivants les plus imprévisibles de la fin de l’année 2020. Là où la musicienne faisait de la réserve et de la sobriété une magnifique marque de fabrique, elle quitte, pour ce clip, le confort de son studio et s’élance dans la nuit, créature dont le visage et les vêtements évoluent au fil de ses recherches géographiques et humaines. Le remix d’Astre permet alors un approfondissement de son art si particulier, d’ascensions éblouissantes en songes éclatants, d’étincelles rassurantes en éclairages discrets et réchauffant nos corps endormis. Tandis que la ville est à l’arrêt pour quelques heures, Francœur la parcourt, y laisse son empreinte et sa présence tandis que ses multiples personnalités s’adaptent à l’environnement pour mieux le capturer et le réécrire. Une carte du tendre traçant les sillages de fées auxquelles l’obscurité appartient, veillant sur chacune et chacun de nous dans l’espoir tout sauf vain de rendre nos petits mondes meilleurs et accueillants. Avec succès et tendresse.
« D’où vient le nord (édition deluxe) » de Francœur est disponible depuis le 4 décembre 2020 chez La Grue / Budde Music France.
[Clip] kissdoomfate – Stranger
« Stranger » aurait été impossible à scénariser et, pourtant, le nouveau clip de kissdoomfate a tout d’une histoire collégiale où les émotions les plus fortes s’entrechoquent devant nos yeux grâce à la participation de chacune et chacun de ses protagonistes. Au fil des mélodies vocales et instrumentales du duo, l’action se fait universelle dans le mouvement des corps et des lèvres, dans les solitudes diurnes et nocturnes trouvant, grâce à leur exposition à l’écran, une raison d’être, une existence propre. Preuve incontestable que la communauté et le partage peuvent transcender toutes les idées reçues et faire céder chaque frontière (surtout les plus mentales d’entre elles), « Stranger » s’abreuve des différences et les lie dans une délicate recette nous amenant à savourer l’élixir de jouvence d’une renaissance, d’un souffle rassérénant et sensible. kissdoomfate demeure, en un peu moins de trois minutes, dans la définition la plus pure et enviable de l’intimité livrée à nos regards tendres et affectueux. Sans que l’on puisse juger ou mépriser ce qui, à l’opposé, nous fascine, cette idée tout d’abord surprenante finit par fédérer ses participants aussi bien que nos existences mornes et tristes. Sans les autres, nous ne sommes que des étrangers.
« Dead of Winter Beats » de kissdoomfate est disponible depuis le 12 décembre 2020.