[LP] Kaviar Special – #2

On râle souvent devant les mous du genou qui se cachent derrière l’étiquette « indie » pour justifier un rock, une pop ou un folk aveulis. Avec « #2 », le nouvel album de Kaviar Special, les faux-semblants n’ont pas leur place : mélange explosif de rock garage et de détonations fuzz, l’énergie électrique qui traverse l’album nous transperce le corps de sa fulgurance. Jubilatoire.

Kaviar Special - 2

Kaviar Special est un jeune quatuor rennais qui en a sous la semelle. Après un premier album plutôt sage, l’intempérance et la déflagration sont de mise et de remise ! De Ty Segall aux Libertines en passant par les Arctic Monkeys, la richesse du tissu d’influences que composent les mailles de cet album bien cousu se fait sentir subtilement. Influencé mais démarqué, le garage rock de Kaviar Special ne prend pas le temps de respirer : guitare et batterie énervées, chants survoltés et successions électriques donnent à l’ensemble une impression de délire ininterrompu. On retrouve le rock bien cru qu’on dévore avec les Stooges ou les Black Lips, sans pour autant délaisser une petite patte plus délicate qui pointe le bout de ses coussinets de temps à autre.

Place d’abord à l’ubiquité d’une instrumentalisation révoltée. Les morceaux « Now I Know », « Mad » et « I Wouldn’t Touch You With a Stick » impriment l’aura rebelle et adolescente du quatuor en effusion. Les méchants riffs se superposent à la gravité de la voix du chanteur, aux chœurs sombres qui s’élèvent dans la nuit des guitares échaudées et à la pellicule de saleté soulevée par l’énergie du batteur. C’est brutal et net, c’est efficace comme un couperet et ça se boit comme du p’tit lait. Mélange étrange, vous disait-on, puisqu’à ces brutaux accents chers au garage rock se substituent subrepticement des petits moments d’accalmie.

Ces jeunes trublions du rock savent aussi calmer leurs ardeurs pour des envolées plus mesurées. Du jovial « Come On » au plus punk « Night Shift », les effluves de puissance continuent à se diffuser avec une intensité différée. On jongle entre la force brutale, la puissance badine et l’énergie électrique. Avec « Morning Light », on se dandine dans un bar mal éclairé au sol collant ; « Yolove » nous emmène dans les douves d’un château qui se fissure d’une douceur rêveuse ; et « Drowned in Doubts » sert de bande-son pour les moments un peu fous qui ponctuent nos soirées mal gérées. Le fil garage rock qui parcourt l’album donne sa cohérence à un ensemble aussi hétéroclite que dynamique : « #2 » devient notre paquet de mouchoirs préféré pour essuyer les séquelles d’une maladie dont les symptômes seraient la mollesse et la neurasthénie.

C’est plein de papillons dans le ventre qu’on termine l’écoute de cet album aussi survolté que tempéré : rares sont les temps de pause, nombreux sont les temps de grâce dans cet écrin d’énergie où le bon rock semble s’être creusé une place privilégiée.

Kaviar Special

« #2 » de Kaviar Special, sortie le 8 avril 2016 chez Howlin Banana et Beast Records, en vinyle, digipack et digital.


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Julie Albesa

Étudiante en Lettres et mélomane invertébrée, je me démembre en sirotant des cocktails de mélodies éthérées, riffs échaudés et cotonnades étoffées