[Panorama] GusGus & Réza Kalfane

La première rencontre avec GusGus remonte à 1999 ! Dans la salle quasi vide de spectateurs du Chabada à Angers. Deux ans après sa création officielle, le groupe repartait d’Islande et entamait une promotion là où le vent et son tourneur de l’époque le portait. Pour un public plutôt au fait des nouvelles sonorités, surtout venant d’aussi loin et à l’heure où internet et les réseaux sociaux ne faisaient pas encore partie des plans de carrière des artistes. Un des incontournables de l’époque, à côté des performances live radiophoniques aux Peel Sessions sur la BBC et autre « C’est Lenoir » sur France Inter, était MTV et son émission nocturne de 120 minutes programmée le mardi soir : « Alternative Nations ». Le plan et le plein assurés pour y dénicher les météorites et les pépites musicales avant tout le monde. Et se placer en première ligne pour tout concert ou sortie de CD. GusGus en était avec son premier clip « Polyesterday » à la cinématographie largement influencée et inspirée par la formation d’artistes de tous bords dont le groupe est une émanation.

Revu plus tard, entre autres pour son deuxième passage à la Route du Rock à Saint-Malo, à la Maroquinerie à Paris ou le plus récemment à Beauregard en juillet dernier, GusGus revient à Caen en invité et en inventé, mais certainement pas en éventé. Inspiré au quotidien par son île, ses amis, ses tournées, ses voyages, le dual corps Daniel x Biggi continue d’alimenter de façon créative, mais jamais clonée, claviers, samplers et boîtes rythmiques. Et de savoir et avoir envie de se renouveler sans fin, au gré de ses envies, de ses inspirations, de ses respirations et de ses rencontres. Sur cette vieille terre, les planètes continuent de s’aligner pour le groupe qui a performé avec de nombreux artistes ayant été à chaque fois savoureux et savourés. Aujourd’hui, les routes se sont croisées avec Margrét Magnúsdóttir du groupe également islandais Vök.

Le partenariat ne s’est pas ou n’a pas été imposé. Il s’est fait de manière naturelle et organique pour le bénéfice des musiques électroniques. Sur scène depuis 2013, la collaboration s’est cimentée de façon presque homéopathique. Pour un résultat qui emballe complètement le désormais trio. Totalement sur les mêmes longueurs d’onde, le trop court concert de 60 minutes à Beauregard a démontré l’unicité, la complémentarité, les richesses échangées et la complicité d’un GusGus au meilleur de sa forme et de ses formes. Les trois écoutent, s’écoutent, s’égouttent, mais ne se dégoutent jamais. Ils savent ce qu’ils font ou en tout cas où ils voudraient aller en interagissant dans leurs écritures et leurs sonorités. Vök évoque et GusGus nourrit. Et inversement. Avec un tact intact. Avec un tact tactile. Pour jouer leur nouvel acte.


Réza Kalfane – on pourrait dire « quel fan ! » – suit scrupuleusement GusGus depuis 10 ans. Amoureux de l’Islande et photographe averti, une véritable alchimie s’est créée entre lui et les terres volcaniques, les aurores boréales et les beats du groupe à géométrie variable dans une géographie addictive. Évidemment présent à Beauregard pour le passage remarqué du groupe le samedi 9 juillet, le Rennais est venu nous rejoindre lors de l’interview de GusGus. En totale connivence avec les membres historiques Daniel et Biggi, et en toute décontraction avec la récente arrivante Margrét, l’occasion est de revenir avec Reza sur son incroyable travail et de souligner la superbe de cet imposant ouvrage de 300 pages retraçant les 25 ans du groupe. Un incontournable et un indispensable recueil pour tout amateur du groupe, de la photo et des très beaux livres.

  • Bonjour Réza, depuis combien de temps en fait connais-tu GusGus ? Qu’est-ce qui t’attire dans leur musique ?

Réza : j’ai découvert GusGus en 2012 au festival Airwaves en Islande. J’avais peut-être entendu certains de leurs titres avant, mais je ne les connaissais pas. J’ai ouvert la porte d’une des salles d’Harpa, Silfurberg (ndlr : magnifique salle de concerts et centre de congrès, près du port de Reykjavik) et j’ai vu alors Högni Egilsson, un Viking aux cheveux blonds et longs, avec une veste à paillettes, se trémousser et chanter devant une foule en folie. Il y avait Biggi Veira à l’électronique, Daniel Ágúst et Urður Hákonardóttir avec leurs superbes voix. Quel choc ! C’était la tournée d’ « Arabian Horse » qui est un album incroyable, et le titre « Within You » est depuis et pour toujours mon préféré…

  • Que penses-tu ou plutôt comment vis-tu le line-up qui change très régulièrement ?

GusGus a commencé avec un collectif d’une dizaine d’artistes, musiciens, chanteurs, vidéastes autour du projet de court-métrage Nautn (Pleasure). Depuis, la formation évolue, change au rythme des drames et autres événements. C’est tout à fait normal au vu de la somme de tous les égos. Pour moi, à son sommet, GusGus était composé des personnes suivantes : Biggi Veira, Daniel, President Bongo, Maggi Lego, Högni et Urður (en gros pendant la période « Arabian Horse » et « Mexico »). Depuis, il n’y a plus que Biggi et Daniel, aidés par Margrét Magnúsdóttir du groupe Vök. Beaucoup de fans sont bien sûr nostalgiques des périodes précédentes, mais GusGus évolue avec le temps pour toujours nous surprendre.

  • La formation réduite, actuelle avec Vök est selon toi une continuité ou un renouveau ?

On peut peut-être parler de renouveau. Le tout premier logo de GusGus est d’ailleurs de retour et le calme est à nouveau présent. À la suite de toute cette saga GusGus, Daniel est un peu comme l’enfant d’un couple séparé, mais tout se passe plutôt bien. À propos de Margrét, j’ai toujours aimé le groupe Vök, que j’ai vu plusieurs fois en live, et je me suis même dit à l’époque que ça pourrait être sympa si elle chantait un jour dans le groupe…

  • Parle-nous de ton recueil pour les 25 ans du groupe…

Après la découverte de l’Islande, de ses paysages et sa scène musicale en 2012, j’ai attendu une année avant d’y retourner, puis c’est devenu une obsession. Impossible de savoir combien de fois j’y suis allé depuis, mais je pense plus d’une trentaine de fois. Le pays m’a tellement inspiré qu’en 2017 j’ai auto-édité un livre photographique « Ísland », en noir, blanc et argent avec Florence Larbey qui s’occupe de tout l’aspect design graphique de nos ouvrages. Depuis nous avons créé une maison d’édition, les Éditions Sable Noir, et lancé le projet « GusGus 25 Ára » en 2018. L’idée était dans l’air et nous en avons parlé à leur manager, Omar Vargas. Finalement, rien n’a démarré, peut-être que le groupe ou nous-mêmes n’étions prêts ? Le projet est reparti « pour de vrai » en 2020 avec un site internet, un appel à contribution (pour tenter d’obtenir d’anciens clichés) et une campagne de financement participatif… Le tout au pire des moments avec le premier confinement !

Finalement, nous avons reçu plus de 4000 photos – dont un grand nombre de photographies professionnelles -, lancé une campagne sur la plateforme islandaise Karolina Fund et obtenu quelques soutiens, notamment par MCT, l’agence de booking de GusGus. Le projet a duré un an et demi et j’ai dû contacter plus de 200 personnes, membres du groupe, musiciens, artistes, photographes, designers, labels, médias, vidéastes… Un travail quasi à temps plein. Le résultat est un très beau et très rare livre de plus de 300 pages, pesant 1,8 kilo, utilisant des techniques d’impressions rares voir uniques au monde (sérigraphie couleur sur papier noir, inventé par le Suisse Lorenz Boegli qui a été super, très belles impressions noir et blanc, couleur et argent sur papier noir chez notre imprimeur préféré Media Graphic à Rennes). C’est quand même une fierté d’avoir pu imprimer et façonner l’ouvrage en France à une époque où tout est fait loin de chez nous.

  • Tu te rends finalement régulièrement en Islande. Tu passes du temps avec GusGus ?

Du coup oui, très souvent, on peut même dire que c’est ma deuxième maison. J’ai beaucoup d’amis là-bas. J’ai une connexion très forte avec le pays, ses paysages, sa scène musicale, ses habitants, sa culture vibrante. J’y ai organisé quelques tours photographiques, fait des voyages solos, en famille ou avec des amis. Prochain voyage en novembre pour la fin du festival Iceland Airwaves et quelques jours avec mes amis. Je vois GusGus très souvent, car j’ai pu être photographe pour une dizaine de concerts, et je croise Daniel très souvent à la piscine. De temps en temps, on peut aussi se retrouver avec Stephan ou Högni. J’ai aussi aidé à la campagne participative lancée par Árni & Kinski pour la création d’un documentaire sur GusGus, et je me suis de ce fait rapproché de Stefán Árni et Siggi Kinski que j’ai rencontrés quelques fois.

  • Quel est ton meilleur souvenir de concert ?

Chaque concert de GusGus a son lot d’aventure et d’émotions… J’ai pu rencontrer des personnes qui sont devenues des amis proches à Reykjavík, Munich, Londres, Paris. J’ai pu prendre des photos aux concerts spéciaux de 2018 et en 2021 pour les 25 ans du groupe, ou encore être au concert de Paris en avril à la Gaîté Lyrique, suivi d’un after très spécial dans un petit bar avec Biggi en DJ ! Sans oublier le concert durant le festival de Beauregard avec ton interview du groupe. La liste continue et elle est presque sans fin… en espérant qu’elle ne le soit jamais !

Procurez-vous le livre « GusGus 25 Ára » de Réza Kalfane sur gusgus-25yearsbook.com.
Découvrez ses autres livres, « Ísland » et « Nuit Blanche », également disponibles aux Éditions Sable Noir.


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Nicolas Nithart

grand voyageur au cœur de la musique depuis plus de 20 ans