[Interview] Flavien Berger

Musicien envoûtant, personnage captivant, Flavien Berger nous hypnotise avec ses mélodies synthétiques. C’est avant de faire briller les yeux du public du Printemps de Bourges qu’il nous a parlé de l’esthétique visuelle de son projet musical singulier.

crédit : Lucie Rimey Meille
crédit : Lucie Rimey Meille
  • J’aimerais tout d’abord qu’on aborde le sujet de l’esthétique de tes clips et de la place qu’occupe, pour toi, la réalisation de ces images par rapport à ton projet musical.

Alors, il y a un système qu’on a mis en place : mon ami Robin Lachenal, qui m’a aidé à faire mon premier clip (NDLR : « Gilded Glaze », un clip de 20 minutes pour lequel Flavien a filmé trois ans de sa vie), et qui fait partie du même collectif que moi (Collectif_sin~), m’aide depuis à faire tous mes clips.

Il a fait ceux de « Radio Rover » et « Océan rouge » ; ça a super bien marché, l’album est arrivé et on s’est dit qu’il allait devenir directeur artistique visuel. Du coup, on s’est pris au jeu et on a décidé de tout clipper, donc il a réalisé le clip de « La fête noire » et, ensuite, il a fait la coordination de tous les clippeurs. Chaque clip, c’est un clippeur différent ; il y a une plasticienne pour « Rue de la Victoire », une animatrice pour « Gravité » (voir notre interview de Cécile Devaux), un designer pour « 88888888 », des artistes contemporains pour « Abyssinie », une vidéaste pour « Léviathan », etc.

Et donc, Robin Lachenal m’a aidé à décider d’une esthétique commune, d’un dogme. Et dans ce dogme rentrent des éléments qui doivent revenir dans chaque clip ; la flaque, qui représente la porte interdimensionnelle, le 8, qui représente le grand huit, mais qui, lorsque tu le pivotes, devient le signe de l’infini, l’attraction de la fête foraine dont tu peux décider de ne pas sortir, car il n’y a pas de bout… Et on gère les esthétiques comme ça, en fonction du travail de ceux qu’on veut inviter, et, globalement, on est assez content de la cohérence, que ce soit dans les thèmes évoqués comme graphiquement.

  • Et du coup, est-ce qu’il y a des artistes en particulier qui t’inspirent, tant au niveau visuel que musical ?

Ouais, grave. J’aime beaucoup le travail de Paul Laffoley, qui est un artiste visuel américain, autiste, qui est mort l’année dernière, qui fait des diagrammes cosmogoniques abordant le sujet des dimensions. C’est très très bizarre et j’aime énormément son travail parce qu’il parle de voyages dans le temps, de l’interdimensionnel. Il parle de se dépasser en tant qu’Homme et a cherché la vérité sur l’humain, sur la religion… Et ses diagrammes sont super beaux ; on dirait le travail d’un biologiste, mais qui ne parle pas de biologie, mais de philosophie et de tout ce qui traverse l’humanité.

crédit : Andrew Fladeboe
crédit : Andrew Fladeboe

J’aime bien Paul Noble aussi, un dessinateur qui fait des très grands dessins d’univers hyper space, et ce qu’il fait est magnifique.

Il y a un mec que j’adore, sinon, qui s’appelle Richard Linklater : un réalisateur qui est connu pour « Boyhood » mais qui, avant, a fait plein d’autres choses, à chaque fois selon des dogmes. Il se donne des contraintes et je l’adore. J’apprécie beaucoup son travail, parce que chaque film est une réflexion sur ce qu’est un film. Par exemple, il y a la série de « Before Sunset » pour laquelle il va filmer, tous les dix ans, un couple fictif, mais que tu vois évoluer. C’est magnifique.

  • Ton univers musical est, du coup, très lié au milieu du cinéma. Est-ce que tu peux me raconter un peu d’où ça vient et ton parcours par rapport à ce milieu-là ?

J’ai commencé à faire de la musique en imaginant des films. J’étais ado, j’avais une console de jeux vidéo, je pouvais faire de la musique dessus ; et, du coup, j’imaginais des scènes de films pour que ma musique soit dessus. Ensuite, très vite, des potes qui faisaient de la vidéo m’ont dit : « Hey,toi qui fais de la musique, tu veux pas en faire pour nos vidéos ? » et j’ai dit OK. Et donc, très vite, j’ai accompagné des projets d’animation, des courts-métrages, des documentaires, et c’est vrai que là j’ai fait la musique d’un court métrage qui a gagné le César du meilleur court métrage d’animation et qui s’appelle « Le Repas dominical », avec Céline Devaux (réalisatrice du clip « Gravité » et pour qui Flavien avait fait la musique pour ses précédents films).

La musique à l’image, c’est très important, parce que je viens de là ; je viens d’une famille de cinéastes, ma mère a été monteuse toute sa vie, mon père a commencé réalisateur, plein de mes frères et sœurs sont dans le cinoche, et j’ai longtemps cru que j’allais faire du cinéma. Sauf que je le fais au travers de ma musique et je suis bien content comme ça, parce que c’est assez miraculeux de réussir à raconter des histoires de manière aussi directe.

Du coup, la position de l’image a toujours été plus ou moins là, si tu veux ; ce qui n’empêche pas que j’aime que la musique vive seule. Sans image aussi, je trouve que c’est important ; mais, pour l’instant, je ne le fais pas encore, puisqu’on s’est pris au jeu de clipper tous les morceaux.

crédit : Lucie Rimey Meille
crédit : Lucie Rimey Meille

C’est aussi de notre génération : on a besoin de mettre les choses par paires, on est gourmand en synesthésie. Mettre de l’image sur de la musique, ça permet de la vendre et, malheureusement, ça en devient une espèce de réflexe naturel créatif ; alors qu’en fait, des fois, ça ne sert à rien. Après, si j’ai autant d’images dans mon projet musical, c’est vraiment par volonté de partage créatif.


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Lucie Rimey Meille

Photographe - majoritairement argentique - basée à Lyon, je rencontre des artistes et réalise des interviews à mes heures perdues.