[Live] Un dimanche au Field Day de Londres

Plutôt alléchant le concept de ce Field Day : un week-end entier de concerts, dans un immense parc de l’est londonien, regroupant près de 80 artistes de la scène indé actuelle, et ce pour un peu moins de 70 euros par jour. Le tarif ne sent peut-être pas les soldes d’été mais a néanmoins de quoi donner largement le sourire au vu du prix d’une seule et indigeste soirée U2, Muse ou Coldplay dans la fourmilière bétonnée d’un Stade de France à l’acoustique plus qu’aléatoire…

crédit : Carolina Faruolo
crédit : Carolina Faruolo

Pond

crédit : Carolina Faruolo
crédit : Carolina Faruolo

Grand ciel bleu sur Victoria Park, en ce dimanche 8 juin après-midi. Vautrés pour une bonne moitié sur le gazon, pintes de lager à la main, plusieurs dizaines de milliers de londoniens rôtissent lentement mais sûrement, sortant à peine de leur torpeur pour le set de Pond. Projet collaboratif regroupant trois membres de Tame Impala, le groupe australien déroule un rock psyché à l’inventivité débridée, alternant passages planants et longues montées d’adrénaline. Dès le second morceau, traversé de furieux couinements électroniques, des réminiscences du Radiohead période « OK Computer » se font clairement ressentir. Mais un Radiohead bien plus frondeur, délibérément bordélique, crachant sur les étiquettes au point de nous offrir également au sein de ce même morceau quelques louches de rock californien 70’s…

Arborant un léger maquillage argenté, le chanteur-guitariste Nick Allbrook (ex-bassiste de Tame Impala) et ses potes empruntent tout au long du set des chemins de traverse, surprenant constamment le public par un jeu de montagnes russes sonores, joyeux fourre-tout pop-rock fait de rythmiques de plomb, de déluges de larsens, de basse hypnotique, de guitares ascensionnelles, d’expérimentations électro, de pédales wah wah en surrégime… Tout y passe. Pond brouille les pistes, s’amuse, asperge sans vergogne le duo « Led Zeppelin-Deep Purple » de sauce grunge, puis enchaîne sur un faux slow romantique avant de conclure sur une avalanche de « blips » synthétiques et de guitares trainantes, descente d’acide idéale pour un milieu d’après-midi déjà haut, très haut perché…


Temples

crédit : Carolina Faruolo
crédit : Carolina Faruolo

L’arrivée sur scène quelques instants plus tard de Temples vient confirmer, s’il devait encore subsister un léger doute, que l’année 2014 est bel et bien placée sous le sceau du psychédélisme. Et du pur jus cette fois, pas du « torturé » à la Pond… Avec son premier album « Sun Structures », le groupe de James Edward Bagshow (chant-guitare) joue à fond la carte d’un revival fin 60’s-début 70’s. Refrains lumineux entre Byrds et Beatles, chœurs « peace & love », reverb’ cristalline et pédales d’effets à tous les étages. Si l’on y ajoute le look vaguement rétro de nos quatre lascars et la tignasse bouclée « façon Marc Bolan » de Bagshow, gueule d’ange invitant sans doute une partie de ses admiratrices à des paradis pas si artificiels que ça, on se dit que la prochaine étape du groupe pourrait logiquement consister en la distribution de bâtonnets de patchoulis dans les premiers rangs de ses concerts…

Temples force un peu le trait, c’est vrai, mais la force mélodique des morceaux fournit au groupe le meilleur des alibis. Une poignée de pop songs imparables, aériennes, propres à vous faire battre de la semelle et faire naître sur votre visage un sourire béat, pour peu que les premières lagers ingurgitées commencent à faire leur effet… La faiblesse de Temples en concert constitue aussi paradoxalement sa force : celle de parvenir à restituer un copier-coller quasi parfait de son album. Peut-on reprocher à des musiciens de reproduire sagement, mais à la perfection, le son qui a fait le succès de leur disque ? « Shelter Song », tube limpide ouvrant l’album, vient clore le set et mettre un terme à toute tentative de réponse par l’affirmatif…


The Horrors

crédit : Carolina Faruolo
crédit : Carolina Faruolo

Back to the 80’s avec The Horrors. Depuis son troisième album, “Skying”, le gang de Faris Badwan surfe sur un rock new wave fortement synthétique, efficace, mais aussi un peu décevant et déconcertant au vu des promesses affichées par son prédécesseur « Primary Colours », petit chef d’œuvre shoegaze oscillant entre Joy Division et My Bloody Valentine. Conséquence de ce virage sans doute un peu plus « grand public » : une foule cette fois bien compacte devant la scène et un Badwan jouant à la perfection de son charisme à la manière d’un vieux briscard, limite blasé… Attitude calculée ? L’essentiel, avouons-le, est que le numéro fonctionne…

Silhouette à la Joey Ramone, blouson de cuir noir, lunettes de soleil et démarche nonchalante, Badwan incarne avec conviction son rôle de « branleur rock’n’roll » sûr de son fait. Soutenue par un son ample, l’efficacité un peu « putassière » des dernières compositions du groupe (« I See You ») vient se marier sans trop de mal à la magie de quelques vraies perles issues des précédents disques, « Still Life » et « Mirror’s Image » en tête.


Pixies

crédit : Carolina Faruolo
crédit : Carolina Faruolo

Des perles, cette fois à foison, c’est ce que tout le monde attendait ce dimanche soir des Pixies. Facile pour le groupe de Franck Black, dont la discographie frôle le sans-faute. Souvent soupçonnés d’être en pilotage automatique sur scène, depuis leur reformation en 2004, les Pixies n’ont encore rien d’autre à nous vendre que leur talent de songwriters. Et cela suffit amplement. Quel que soit le niveau d’interprétation de leurs morceaux, la force du mythe finit invariablement par l’emporter. Un mythe construit autour de quatre albums, « Surfer Rosa », « Doolittle » (très largement représenté ce soir), « Bossanova » et « Trompe le monde », auxquels s’est rajouté il y a deux mois un cinquième, « Indie Cindy », dont le groupe nous offre ce soir quatre extraits. Bien qu’éreinté par bon nombre de critiques, le nouvel opus est un bon cru, voire même largement au-dessus du niveau de certains des groupes indé actuels les plus en vue…

Le reste ? Un « best of » incroyablement jouissif, entamé par « Wave Of Mutilation » et clôturé par l’inévitable « Where Is My Mind ? », aux célèbres « whoooo hooooo » repris par la foule. Peu importe finalement la défection récente de Kim Deal : sur scène, le groupe joue serré, va à l’essentiel, ne s’offrant que quelques rares fantaisies scéniques par le biais de David Lovering, rattrapant derrière ses fûts une baguette lancée depuis l’extrémité de la scène par Joe Santiago ou assurant seul au chant le final de « La La Love You ». 1h40 de concert en forme de Madeleine de Proust. « Death To The Pixies », s’intitulait leur première compilation, sortie en 97. Dix-sept ans plus tard, l’avis de décès se fait toujours attendre…


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Sébastien Michaud

Journaliste radio sur Angers depuis une quinzaine d'années, auteur de biographies rock aux éditions du Camion Blanc et animateur de l'émission Rocking Angers sur Angers Télé