[Clip] [Exclusivité] Baston – Chamade

Notre histoire avec Baston a foncièrement commencé avec leur premier véritable album « Primates », sorti fin 2019, sur l’excellent label indé Howlin’ Banana. Un long format épique qui nous avait fait décoller très loin et très haut, avec sa musique rock planante et électrique propice à la trance et à la divagation, sorte de résurgence convergente et viscérale entre la froideur de Joy Division, la candeur du Velvet, les envolées de Can, la répétitivité de Neu. Baston vient tout juste de sortir un nouveau disque, « La Martyre », qui sans bouleverser en profondeur l’ADN de sa musique, révèle une tension nouvelle, à aller chercher quelque part entre le post-punk et la new wave. Elle se manifeste particulièrement dans une imprégnation rythmique métronomique quasi permanente qui la parcourt de part en part, et active par voie de contagion l’appel de la danse, au sens physique, rock et nocturne du terme. Mais si le groupe Baston façonne et maîtrise, comme peu de groupes français, sa propre identité sonore, son imaginaire est un univers stimulant fait de contrastes et de digressions, parcouru à la fois d’humour, de surréalisme et d’absurde, de symboles et de références pop culture que vient embrumer une certaine mélancolie introspective. Le quatuor n’avait d’ailleurs jamais vraiment basculé dans un exercice purement cinématographique pour un clip. C’est désormais chose faite avec l’étonnant court-métrage basé sur le single « Chamade », à découvrir en exclusivité sur indiemusic.

Avant d’aller plus loin, il est peut-être bon de préciser que les membres de Baston ont eu l’étrange et fabuleuse idée de construire les titres des morceaux de « La Martyre », sur la base des noms de boîtes de nuit historiques du Finistère (« Flash », « Saphir », « Pacha », « Zodiac » etc.), ce qui finalement n’a rien d’étonnant pour un groupe qui s’appelle Baston ! CQFD. Et d’ailleurs, il n’est pas rare que dans l’euphorie de la fête, au cœur de cette nuit qui galvanise, certains basculent dans d’invraisemblables paris et autres performances désinhibées. C’est à priori ce qui est arrivé à certains membres du groupe en 2021, au sortir du festival Levitation à Angers, où ils étaient programmés. Ils se sont mis dans la tête de tourner un clip, dans l’énergie débordante d’une soirée bien arrosée, au sens propre comme au figuré. L’idée étant a priori très bonne, mais la réalisation très médiocre, ils se sont alors tournés vers Clovis Le Pivert (repéré pour ses réalisations pour Bantam Lyons, Lesneu, Trainfantome…) pour basculer de la bonne idée à une mise en œuvre des plus captivantes, appuyée par le côté évocateur et suggestif de « Chamade ». À partir d’une idée d’une simplicité déconcertante, mais d’une vraie inventivité, le groupe a ainsi basculé à travers le regard et le sens créatif de Clovis Le Pivert vers un film à la fois joueur, poétique, mélancolique, mais aussi chargé en symboles. Sans rompre le suspense intenable de ce scénario minimaliste malin, cette vidéo installe par un sens de l’image bluffant, une mécanique narrative implicite des plus addictives. Un indice : la scène se passe dans une station en self-service de lavage de voiture.

Un des acteurs s’illustre dans ce film par des attitudes à la symbolique très christique. Il y a vraiment dans ce clip de Baston plusieurs niveaux de lecture et plusieurs manières d’interpréter cette construction cinématique et en particulier ce rituel de passage, proche de la purification. Je vois d’ici vos cellules en pleine ébullition, qui n’attendent que le signal pour plonger corps et âme dans ce clip, excitées qu’elles ont été par ma tentation de teasing. Et vous pouvez lire cette chronique jusqu’au bout, je résisterais beaucoup mieux que les chroniqueurs facétieux du Masque et la Plume, pour éviter de vous gâcher la (belle) surprise. En tout cas, voilà une bonne piqûre de rappel pour plonger corps et âmes dans le dernier et génial album de Baston, « La Martyre ».

« La Martyre » de Baston est disponible depuis le 13 mai 2022 chez Howlin’ Banana.


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Laurent Thore

Laurent Thore

La musique comme le moteur de son imaginaire, qu'elle soit maladroite ou parfaite mais surtout libre et indépendante.