[Création #20] Adam Carpels

Lillois de cœur (et l’on sait à quel point les habitants des Hauts-de-France l’ont sur la main), Adam Carpels sort ce jour son premier EP « Onirismes », après avoir libéré ces derniers mois plusieurs singles entre electronica et bass music envoûtants. Complice de scène et de studio de la chanteuse / performeuse Thérèse, le producteur français a prouvé au fil de ses expériences à quel point son identité musicale était riche d’histoires, de rencontres, d’intention mais également d’imaginaire. D’une electronica tribale et onirique (« Dune Noire », « Sabana ») en chemin vers un trip-hop métaphysique et chamanique (« Blinded Knight »), Adam infuse dans ses compositions sa vision sensible, émotive et futuriste du monde moderne dans lequel il vit. Pour indiemusic, Adam retrace les grandes étapes d’écriture et de composition d’« Onirismes », et la connexion fondamentale de ses créations sonores avec le monde de l’image.

crédit : Guillaume Dubois

« Onirismes », mon premier EP, sort ce 25 février. C’est un projet qui parle d’évasion, du monde dans lequel on vit, d’écologie, de pouvoir.

L’écriture

Après être passé par pas mal de projets différents (Lucius, Thérèse, Lexa Large…) dans diverses esthétiques ces dernières années, je décide en 2020 de me lancer dans la composition de mon tout premier EP solo. J’avais, grâce à ces projets, emmagasiné un certain bagage technique. Je me sentais donc capable de produire plein de styles de musique différents avec une large palette de textures.

Et pourtant, lorsque je me suis mis sur mon ordinateur les premières fois pour avancer sur cet EP, j’étais complètement perdu. Je ne savais pas ce que je voulais raconter et j’avais bien du mal à fixer des morceaux, des formes. Après plusieurs mois d’errances sans trop savoir où j’allais, j’ai composé une bonne partie du titre « Dune Noire » (premier single sorti et clippé). J’avais le gimmick de flute et la base de la prod. Mais même avec ça je n’arrivais pas à aller au bout et à être satisfait du son.

C’est après de longues discussions avec Thérèse que j’ai compris : ce que je veux, c’est raconter des histoires.

J’ai donc commencé par rédiger un conte autour du début de son que j’avais. Dès lors que j’ai commencé à écrire une histoire pour chaque son, la composition m’a semblé beaucoup plus simple et prendre tout son sens.

Pour « Dune Noire » par exemple, c’est l’histoire d’un serpent qui se balade dans un désert et qui se fait pourchasser par un rapace. Il fuit jusqu’à une ville proche du désert pour finalement se faire percuter par les humains et les voitures. Après avoir écrit ce tout petit pitch, la composition était pratiquement terminée en quelques jours.

J’ai donc fait de même pour tous les autres tracks de l’EP.

Le but de ces histoires c’est de donner des points d’accroche sonores sur le disque, mais évidemment par la suite chaque auditeur aura sa propre interprétation et c’est très bien ainsi.

De plus, ces histoires me permettent de parler de thèmes politiques, philosophiques, poétiques…que je ne retrouve pas suffisamment à mon goût dans la musique électronique. J’aime l’idée que l’on peut faire de la musique électronique sans paroles, mais raconter des choses et s’engager tout de même.

La composition

crédit : Guillaume Dubois

Après avoir rédigé une histoire pour chaque titre que j’envisageais, j’ai donc commencé à composer les autres sons.

Dès le départ, avant même de commencer la phase d’écriture, j’avais envie d’allier trois choses importantes à mes yeux dans ma musique : les synthétiseurs (ainsi que les techniques de production numérique de la musique), le field recording (technique qui consiste à enregistrer des sons dehors avec un micro et d’en faire de la musique) et les samples que je peux trouver sur internet.

Je trouvais intéressante l’idée d’associer ces trois techniques, car elles me permettent de raconter des histoires dépaysantes avec des sons enregistrés dans mon jardin. Cette idée me séduit, car j’aime me dire que l’on peut tout raconter avec les sons qui nous entourent et cela me permet aussi d’aller chercher une forme d’universalité dans ce que je raconte.

Par exemple, sur « Humans » qui parle de la déforestation et associe des voix d’une tribu aborigène amazonienne, beaucoup de sons ont été enregistrés dans mon jardin ; le son de la tronçonneuse du début c’est celle de mon voisin.

Pour « Voices », j’ai récupéré des sons que j’ai enregistrés à la mer cet été, mis des sons de baleine récupérés sur YouTube que j’ai eux-mêmes associés à des sons que j’ai synthétisés moi-même pour les imiter et faire dialoguer les baleines avec mes synthés (oui, oui c’est possible !)

Les visuels

La pochette d’« Onirismes » – crédit : Guillaume Dubois (photo) et Thérèse (stylisme)

Pour les visuels j’ai fait appel à plusieurs amis pour m’épauler.

Thérèse m’aide globalement sur la DA visuelle du projet. Elle m’aide à m’aiguiller, me donne son avis sur les différents projets de mise en image.

D’abord, j’ai démarré l’aspect visuel du projet en demandant à deux amis (Sofian Hamadaïne-Guest et Robin Ansart) de travailler sur deux visuels pour les premiers singles que j’ai sortis (« Channel » et « Ulysse »). Je ne leur ai donné que trois indications : le titre, le son et la contrainte du plan séquence.

Ils ont donc tous les deux proposé des visuels simples (et un peu conceptuels je dois bien l’avouer) qui mettaient en images les sons. L’idée de ce projet que j’ai appelé « Panoramas » : c’était d’aller chercher du beau et de la vie dans des lieux proches de nous. Sur les côtes du nord pour Robin, car « Channel » est un feat avec NUMéROBé, artiste calaisien et à Barbès pour Sofian, car l’année dernière fut pour tous les deux notre première année à Paris.

Ensuite pour le clip de « Dune Noire », premier single sorti de l’EP, j’ai voulu vraiment raconter une Histoire. Pour ce faire, j’ai fait appel à Guillaume Dubois, un réalisateur que j’ai retrouvé à Paris cette année, mais que j’avais rapidement croisé il y a des années en Belgique avec mon groupe de rap de l’époque dans un festival. Guillaume a tout de suite compris l’idée portée par le track et a réécrit une histoire en se basant sur celle du serpent que j’avais moi-même écrite en composant le son, mais en la rendant réalisable avec le petit budget que l’on avait (bah oui, on est indé ou on l’est pas, haha). On a donc travaillé ensemble sur cette idée des œillères que peuvent se mettre les humains sur l’état catastrophique de l’environnement.

Ce clip conte l’histoire d’un ermite vivant paisiblement dans le désert qui voit son camp détruit. Il en déduit que ce sont les habitants de la ville non loin de là qui sont à l’origine de cette destruction. Il décide alors de créer avec les plantes qui l’entourent une drogue qui ouvrirait les yeux des citadins sur la beauté de cette nature qu’ils ont tant de mal à respecter. Un Don’t Look Up avant l’heure haha !

Et cerise sur le gâteau, c’est mon père, le rôle principal. Ce tournage a donc été pour moi vraiment particulier et particulièrement fort en émotions.

Pour la suite, on travaille avec un autre réalisateur, Thomas Wood, sur le clip de « Blinded Knight ». Pour le moment, je n’en dis pas plus, mais il arrive courant mars/avril. Ça sera un tout autre délire que « Dune Noire », mais je suis super content du pitch que l’on a pour le moment donc j’espère que vous l’apprécierez aussi !

« Onirismes » d’Adam Carpels est disponible depuis le 25 février 2022 chez Chancy Publishing.


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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques