Ne pas prendre la moindre note à l’écrit peut s’avérer bien périlleux pour tout rédacteur en quête de fidélité une fois un concert passé, surtout quand ladite soirée tend à s’éloigner au fil des jours qui passent. Reste évidemment le vague souvenir de l’instant agrémenté de quelques moments de folie bien intacts dans nos mémoires collectives, lorsque la proximité se fait reine entre les musiciens et le public. Pour mener cette tentative de restitution touchant presque au domaine de l’investigation, nous sommes parfois tentés de reconstruire la soirée à l’aide d’instantanés immortalisés dans nos boitiers numériques. C’est, avouons-le, le cas de cette soirée proposée par Les Femmes S’en Mêlent, festival qui, à l’instar de l’initiative More Women On Stage, met un point d’honneur, et ce depuis 1997, à rendre plus visible les musiciennes dans le cadre d’une tournée itinérante à travers les salles françaises telles que Le Café de la Danse et le Pop Up du Label à Paris, l’UBU à Rennes, La Sirène à La Rochelle, Le Krakatoa à Bordeaux ou encore Le Metronum à Toulouse. Vendredi 1er décembre, l’étape nantaise se tenait dans la salle micro de Stereolux avec trois formations et autant de nationalités représentées : l’hyperpop brûlante de la Suisso- Guatémaltèque Baby Volcano ; la twee pop des Parisiens d’En Attendant Ana et l’italo post-punk des Bruxellois d’Ada Oda. Récit d’un beau et sacrément dépaysant programme musical !
Danseuse, performeuse et chorégraphe, Lorena Stadelmann est également chanteuse derrière le masque rouge tressé de Baby Volcano, son alter ego urbain. Encerclée de part et d’autre par ses complices Louis Riondel et Inès Mouzoune (Roshâni) aux productions syncopées entre trap et reggaeton, c’est toute une énergie vorace et ensorcelante, bouillonnante également, qui s’exprime à travers le personnage créé par la chanteuse et rappeuse jurassienne. Bravant la foule avec tendresse, Baby Volcano exprime et vibre de son rapport à son corps et à la nature avec une fièvre grimpante. C’en est absolument captivant et organique, quand elle mêle le chant, parfois a cappella, à la danse la plus expressive en prenant la scène pour otage.
Emmené par sa chanteuse Margaux Bouchandon (également aux claviers et à la guitare), En Attendant Ana est sans hésitation la formation la plus sage de la soirée. Une indie pop cuivrée, à la douce mélancolie, qui l’a rendue favorite auprès de la presse spécialisée française comme anglophone avec la sortie en début d’année de son troisième album « Principia ». Autour de Margaux, Camille Fréchou (trompette, saxophone, chœurs, guitare), Maxence Tomasso (guitare), Vincent Hivert (basse) et Adrien Pollin (batterie) le restituent d’ailleurs en mettant beaucoup de cœur à l’ouvrage, pour souligner toute la finesse des arrangements, notamment cuivrés. Impossible donc de résister à ce revirement mélodique en milieu de soirée, couronné par une reprise vitaminée d’« I’m a Man You Don’t Meet Every Day » des Pogues, rendant un chaleureux hommage à son frontmen Shane MacGowan, parti deux jours plus tôt.
Déjà connu du public pour s’être produit à plusieurs reprises à Lune Froide, café-bar du centre-ville de Nantes, les Belges d’Ada Oda évoluent à Stereolux en terrain connu. Et c’est sans compter sur l’énergie déployée par le quintet pour faire raccrocher immédiatement le wagon à celles et ceux qui découvrent pour la première fois leur univers décalé et sautillant mêlant un chant sévèrement scandé en italien à une énergie post-punk vitale. Au chant lead, la Sicilienne Victoria Barracato est portée par la tendre et irrésistible complicité de ses acolytes masculins César Laloux et Aurélien Gainetdinoff aux guitares, Clément Marion à la basse et Alex de Bueuger à la batterie. Venu défendre, à l’aise, son premier album « Un Amore Debore » sorti un an auparavant, Ada Oda en profite également pour tester sur scène quelques titres d’un futur album auxquels l’adhésion du public se fait immédiatement ressentir. Chantant au milieu du public et s’amusant constamment à emprunter les places et micros des uns et des autres sur scène, la sensation franco-belge a donné « un amore folle » aux Nantais. Une expérience généreuse inoubliable !
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