[Interview] Ada Oda

Au premier abord, la musique d’Ada Oda ressemble à un mélange nostalgique d’influences 80’s portées par un chant à mille lieues de ces racines originelles. Pourtant, dès que l’on s’immerge totalement dans cet art venu d’ailleurs, on découvre bien d’autres secrets et trésors, unis à une originalité d’un modernisme à la fois fascinant et étrange. Car, au final, rien ne ressemble à la musique de ce projet hybride, véritable manne de plaisirs suaves et intenses. Ce qui fait l’essence même d’Ada Oda échappe à la banalité de descriptions hâtives ou, pire encore, aux simples références passéistes dont ses mélodies et compositions s’approchent sans jamais les considérer comme acquises. C’est de cette étrange définition que nous avons souhaité discuter avec César Laloux, l’une des têtes pensantes d’un concept artistique unique et passionnant.

crédit : Alice Khol
  • Bonjour César et merci de bien vouloir répondre à nos questions ! Comment a commencé Ada Oda ?

Les débuts d’Ada Oda datent du premier confinement. Je pars dans le Périgord pendant deux mois dans un petit village pas loin de Bergerac avec un clavier MIDI et Ableton. Je profite de ces congés forcés pour accumuler pas mal de musique et, quand je rentre, je me mets à la recherche de quelqu’un avec qui collaborer. J’ai envie d’une personne qui puisse caler une voix, des textes, un univers sur mes maquettes. Après un essai infructueux avec un pote néerlandophone, je contacte Victoria, avec qui j’avais brièvement parlé musique sur Tinder quelques mois auparavant. Je ne la connaissais pas du tout à ce moment-là, on ne s’était jamais rencontrés. Vu la consonance de son nom de famille, je lui demande si elle parle italien. Elle me dit que oui et enregistre des bribes de phrases sur un des morceaux. Ça me plaît, je décide de la rencontrer et puis d’aller enregistrer chez elle quelques maquettes.

  • Votre identité musicale est unique, avec ce mélange de rock et de post-punk, le tout porté par le chant en italien. Comment vous êtes-vous orientés vers cette formule si particulière ?

C’est vraiment dû au hasard de la rencontre entre mon univers et celui de Victoria. Avant le COVID, j’ai pas mal baigné dans des petits concerts de rock/post-punk grâce à mon boulot de booker. Quand je me suis lancé dans mes maquettes, probablement en réaction à ce que j’entendais et voyais en concert, j’avais envie de faire quelque chose d’un peu plus radical que ce que j’avais fait précédemment musicalement, des choses vachement pop. Après, on ne se refait pas, donc il y a toujours un côté mélodique et assez évident qui revient dans les compos. En résumé, je dirais une rencontre avec Victoria pour le côté chanté en italien + une volonté de faire quelque chose de plus punk que d’habitude + mes racines pop = Ada Oda.

  • Le mélange donne justement une énergie très spéciale à vos chansons, une forme de rébellion à la fois humaine et sentimentale. Comment se passent l’écriture et l’ornement des textes grâce à la musique, face à un tel défi ?

On a écrit les textes à quatre mains. L’enjeu était avant tout de raconter des choses qui nous tiennent à cœur, qui peuvent parler à des gens qui pensent pareil que nous sans s’écarter vers des choses qu’on ne connaît pas et qui pourraient nous dépasser. Il est vrai, par ailleurs, que nos textes sont souvent développés à partir d’un sentiment originel ; ce qui fait que, même si l’auditeur ne comprend pas l’italien, l’idée du texte via l’émotion transmise par l’interprétation et l’instrumentation peut être assez facilement perceptible, devinable.

  • Cela se retrouve également dans vos clips, dont les images sont à la fois amusantes, nostalgiques et esthétiquement soignées. Quel est votre rapport à la réalisation et à la mise de vos chansons ? Que cherchez-vous à expérimenter en passant de la musique à la vidéo ?

On cherche à garder le contrôle sur la partie visuelle de notre projet. L’idée n’est pas de mettre exactement en images directement le contenu des textes de nos morceaux, mais plus de le suggérer de manière métaphorique. Via l’esthétique, les chorégraphies, les costumes, le montage et l’ambiance générale de nos clips, on cherche à véhiculer l’émotion principale traitée dans le texte. Par exemple, pour le premier single « Niente Da Offrire », on est plus dans le registre de la colère, de l’agacement avec des gestes nerveux ; tandis que pour le second, « Un Amore Debole », c’est plutôt le côté lascif, blasé qu’on cherche à mettre en avant.

  • Le clip de « Niente Da Offrire » est un pur bonheur ancré dans le passé grâce à sa mise en scène, mais également inédit dans ses plans et votre performance. C’est comme un terrain d’enfants sur lequel vous vous amuseriez en tant qu’adultes, en faisant le constat des années d’innocence et de la prise de conscience face au monde actuel. Comment s’est déroulé son tournage ?

Simplement deux jours dans une plaine de jeux à se les geler dans des conditions à l’arrache (rires) !

  • À côté de ça, vos performances sur scène sont beaucoup plus axées sur le moment, comme une urgence et un visage différent des sons enregistrés et des clips. Quelle distinction faites-vous entre ces différents éléments ?

Nous essayons de reproduire les morceaux de la manière la plus simple et avec la meilleure énergie possible. Nous avons expérimenté plusieurs formules avec des boîtes à rythmes, des séquences, etc., mais on est arrivés au constat que le moyen le plus efficace, le plus honnête et le plus ancré dans le moment pour défendre notre musique restait le bon vieux basse-batterie-guitares (rires).

  • Les extraits de vos concerts sont purement et simplement diaboliques et d’une énergie immédiatement communicative. Quels retours avez-vous eus de ces concerts, et comment bossez-vous et considérez-vous le live avant de monter sur scène et lorsque vous vous y jetez ?

On est un assez jeune groupe du point de vue du live aussi, car on a commencé en novembre 2021, donc c’est encore quelque part un chantier en construction avec des essais-erreurs. Je dirais encore une fois qu’on essaie de jouer notre musique de la manière la plus efficace et honnête possible. Je pense que cela se ressent et que c’est peut-être ce que le public apprécie. Un groupe qui essaye de bien jouer ses morceaux sans trop calculer le reste.

  • Pouvez-vous nous parler, sans trop le spoiler, de votre premier album, « Un Amore Debole », dont la sortie est prévue le 25 novembre prochain ?

Oui, il est composé de dix titres et a été enregistré entre mars et décembre 2021. Il reprend des éléments de sessions live enregistrées en groupe et de maquettes enregistrées dans ma chambre, ce qui lui donne un côté assez lo-fi et peut-être parfois un peu atypique. Des batteries se superposent sur certains morceaux à des boîtes à rythmes, etc. Les pistes ont été repassées sur des bandes analogiques pour donner un vernis, un souffle, une couleur un peu vintage à l’ensemble.

  • Vous allez vous produire au Crossroads Festival le 8 novembre prochain. Que ressentez-vous à l’idée de monter sur la scène de la Condition Publique à cette occasion, en participant à un événement qui grandit au fil des années et a révélé de nombreux artistes actuellement en pleine ascension ?

Pour être honnête, cela va être une découverte pour la plupart des membres du groupe. Hormis Aurélien Gainetdinoff, qui est le régional de l’étape et un habitué du Crossroads, ça sera notre première fois à tous. Le festival de showcase est cependant un événement coché en rouge dans notre agenda, car on sait qu’on va jouer devant une assemblée constituée essentiellement de professionnels. Dans ce genre de concerts plus que lors de concerts « normaux », on a toujours l’impression de jouer notre vie et celle du projet sur scène. L’enjeu sera donc de ne pas y penser et de faire notre vie comme si de rien n’était (rires).

  • Que peut-on attendre de Ada Oda dans les mois à venir, une fois l’album sorti ?

Clairement, l’ambition du projet est de tourner beaucoup dans un maximum d’endroits. Attendez-vous donc à pas mal de dates en 2023, espérons-le le plus loin possible ! Aussi, les morceaux ayant pour la plupart deux ans, on va essayer de recomposer assez rapidement pour pouvoir sortir le petit deuxième dans pas trop longtemps.

crédit : Mathieu Lambin

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Raphaël Duprez

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