[EP] Indolore – Positive Girls

Une surprise de taille de la part de Guillaume Simon, transfuge du groupe électro-jazz Shine, qui avait bien caché son jeu folk et terriblement émouvant.

Indolore - Positive Girls

La bête sommeille dans les tréfonds de l’âme humaine ; phrase banale s’il en est, mais pourtant assez révélatrice lorsqu’il s’agit des projets parallèles de musiciens en quête d’un sens plus profond à leurs créations habituelles. Elle revêt ainsi différents costumes, des atours insoupçonnables et surprenants. Un défi supplémentaire pour ceux que l’on attend au tournant, qui osent se démarquer de leurs compositions quotidiennes et ainsi franchir les frontières d’un style qui leur est propre. Difficile pour certains, impossible pour d’autres, cette démarche demande une grande confiance en soi et en son potentiel, une certitude d’aller là où il le faut, sans s’interroger mais en vivant l’expérience avec passion. Guillaume Simon a choisi un baptême du feu aussi osé que condamné, si l’on peut dire, au succès : laisser de côté les influences jazz et électro de son groupe Shine, pour explorer sa face folk cachée et qui, de son propre aveu, était tout sauf une évidence. Et il faut bien l’admettre : l’essai est largement transformé, avec autant d’émotion que de maestria.

Positive Girls est à lui seul une superbe dédicace aux artistes ayant fait les heures de gloire de la musique acoustique. Entre Elliott Smith (Positive Girls) et une touche nous rappelant les dérives folk du défunt Sparklehorse (The Way She Lets Her Hair Down), l’artiste développe des qualités de songwriting irrévérencieuses car parfaites, maîtrisées et diablement habiles. Qui ne serait pas tenté, en pénétrant dans ces limbes enfumées de clubs souterrains, d’accomplir un simple copier/coller sur chaque titre, appliquant ainsi une recette miracle qui finirait par se mordre la queue ? Non, ici les rythmes délicats viennent s’enrouler autour de mélodies et d’accords de guitares et piano doux et évocateurs (Brighton Pier) ; là, les arpèges supportent une voix fragile et doublée, afin de renforcer le phénomène qui se déroule sous nos yeux, courant d’air tiède qui nous enlace tendrement (Go, Je rêve d’é). En 5 titres, Indolore invoque la sensibilité des manches boisés et des touches sobrement frôlées, supports incontournables d’un art aussi intelligemment créé qu’humainement proche de la fêlure, tant l’esprit semble attiré par l’envie de prouver, inconsciemment, que ces chansons doivent impérativement exister, serpenter autour de nous pour trouver leur vie propre, leur raison d’être une fois qu’elles échappent au musicien.

La voix de Guillaume devient tour-à-tour sûre d’elle, presque tangible, puis soudainement lointaine, en retrait. Constamment multipliée, elle noie les doutes de l’auditeur face aux dernières barrières qui l’empêcheraient de pénétrer à corps perdu dans l’univers floral du compositeur. On s’allonge ici dans une herbe tendre, que la rosée a rendue encore plus douce, avant d’écouter les sons de la terre et des paysages vierges qui s’étendent alentour. Ainsi, lorsque le chanteur demande l’aide de la langue française pour confier son émoi maritime, prolongeant la vision des falaises de Brighton, il jette un pont artistique entre les côtes françaises et anglaises, conjugue les styles des musiciens de chaque bord, ceux-là mêmes que la mélancolie motive et force à écrire, sans arrêt, pour exister. Car Positive Girls veut prouver ces mouvements, cette volonté d’être, de suivre aussi bien l’instinct que la passion neuve qui effleure de ces courants plus frais que la brise elle-même, mais également le moment précis où les éléments naturels s’entrelacent pour faire naître les vagues qui viendront caresser nos chevilles et apaiser nos douleurs. L’EP unit ces ambiances, ces figures, ces dessins liquides et volatiles, grâce à un don que l’on sait inné pour engendrer les atmosphères de la confidence et de la beauté. Brefs mais directs, les titres dessinent les contours de notes personnelles et en quête d’un avenir que l’on souhaite proche, tant les qualités de cette remarquable évocation d’une tendresse émotive envoûtent et se parsèment pour longtemps en nous, subrepticement, passionnément. L’écoute devient une expérience sensorielle impromptue, mais à jamais gravée dans nos mémoires ; avant de la revivre dans les moments de perte et d’interrogation sur l’estime de soi.

crédit : Dorota Stanczyk
crédit : Dorota Stanczyk

Entre confiance et confession, Positive Girls demeure indispensable, et il nous tarde d’en connaître la suite. Peut-être là où on ne l’attend pas ; mais qui s’en plaindra ?

« Positive Girls » d’Indolore, disponible depuis le 26 septembre 2014.


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Raphaël Duprez

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