Rencontre avec 1984

A quelques jours de la sortie de leur nouvel album « Influenza », les trois Strasbourgeois de 1984 ; Étienne, Kévin et Thomas, m’ont raconté l’histoire de leur rencontre les ayant conduits jusqu’à celle des Blood Red Shoes et l’enregistrement de ce disque.
Après avoir compté parmi les premiers à chroniquer leur album, les voici désormais en interview pour indiemusic.

1984

  • Bonjour 1984, vous allez sortir votre nouvel album « Influenza » le 21 janvier prochain. Comment gérez-vous l’attente de cette date ?

Étienne : Bonjour Fréd, merci pour cette interview tout d’abord et pour ta chronique de notre album. A vrai dire, l’attente est compensée par le grand nombre de choses à faire avant la sortie du disque. Il s’agit dans un premier temps d’une sortie digitale, la seconde sortie, physique cette fois-ci, aura lieu le 20 février. Il y a le clip du premier single à boucler fin janvier, puis répéter les morceaux encore et encore pour le live, car les tournées commencent à se dessiner jusqu’à la période des festivals d’été.

Mais bien sûr, on attend ce moment avec impatience : que les gens puissent entendre notre nouveau son, après le premier album il y quatre ans et presque deux ans de création. On est fier du résultat, c’est un peu un condensé de notre vie de ces deux dernières années que les gens vont découvrir ; ça n’a pas l’air grand-chose un album comme ça, mais cela signifie tellement pour l’artiste qui le présente.

On boit beaucoup aussi et on fait des footings pour évacuer.

  • Je me permets d’aborder votre nom de groupe par curiosité. 1984, est-ce votre année de naissance ou marque-t-il une année particulière pour vous ?

C’est mon année de naissance (Étienne) effectivement, mais c’est aussi le titre d’un livre, celui de Georges Orwell : une sorte de clin d’œil par rapport à celui-ci. Il a écrit ce bouquin en 1948 en imaginant ce que serait le monde en 1984, à savoir un monde totalitaire isolant les individus les uns des autres.

Nous faisons partie de cette génération des années 80, ça nous paraissait intéressant de reprendre cette date à notre compte et de décrire un peu notre situation, nos frustrations, qui peuvent être similaires à l’état des personnages dans le livre, sans l’aspect totalitaire bien sûr.

1984

  • Vous vous présentez comme un trio au sein de 1984. Est-ce le cas de manière permanente, aussi bien au cours de l’enregistrement de l’album ou sur scène, car on voit régulièrement dans bon nombre de groupes rock des membres venir agrandir les rangs aux sessions rythmiques notamment ?

Oui, nous sommes un trio et nous nous sommes toujours présentés de cette manière. Sur scène surtout, c’est une configuration qui nous tient à cœur. Quant on n’est que trois, on joue sans filet, chacun doit assurer, sinon l’erreur s’entend tout de suite. Et ce challenge nous plaît. En plus, nous jouons les trois instruments de base du rock : guitare, basse, batterie. On aime l’idée qu’avec ces instruments classiques et même limités à certains moments, on puisse continuer à créer des sons originaux et à être sincères sans artifices.

Par rapport à l’enregistrement, on a cherché à collaborer le plus possible. Tandis que pour le premier album, on était très fermés sur nous-mêmes, protégeant notre «bébé» le plus possible, cette fois-ci, on a voulu le présenter à d’autres artistes, à d’autres univers. La collaboration avec Blood Red Shoes bien sûr a été un échange intense qui a permis à notre musique d’être encore plus efficace (on en reparle après), mais aussi avec les groupes qui nous entourent : dans notre label, Colt Silvers qui ont un univers plus électro nous ont donné leur avis sur certaines mélodies et même crée quelques sons qui sont présents sur le disque.

Au niveau des rythmiques surtout, tu as raison, les rangs se sont élargis : Steven des Blood Red Shoes a effectué pas mal de percussions sur certains morceaux ; Julien,  le batteur d’un autre groupe du label, Plus Guest, a également participé activement aux arrangements batterie. Pouvoir confronter notre musique à d’autres perceptions, d’autres façons de jouer, nous a permis de progresser et d’ouvrir notre horizon musical sans pour autant dénaturer notre univers.

avec Blood Red Shoes et l'équipe de Deaf Rock Records
1984 en bonne compagnie avec Blood Red Shoes et l’équipe de Deaf Rock Records
  • Vous avez collaboré avec les Anglais de Blood Red Shoes sur l’enregistrement d’Influenza après avoir été leur première partie de leur tournée de 2008 en Allemagne et au Royaume-Uni. Quels conseils et quelle aide vous ont-ils apportés pour réaliser ce disque ?

Leur aide a été immense.

On leur avait envoyé nos premières maquettes en juin 2011 qu’ils aimaient et commentaient. On blaguait au début sur le fait qu’ils pourraient nous produire, mais cela semblait peu jouable vu leur emploi du temps et leur album à venir. Puis après la troisième chanson envoyée, on s’est vu au festival de Dour, où ils nous ont dit qu’ils le feraient, qu’ils réaliseraient notre album. On a bossé dur jusqu’en février 2012 : on est parti à ce moment-là à Brighton pour trois jours de pré-production. On prenait chaque chanson une à une, les écoutait, ciblait les longueurs, les effets à placer à tel moment, les textes et l’impact sur certains mots …

Ils nous ont aidé à rendre les chansons plus efficaces, à enlever les répétitions, à chercher sans relâche le son qu’il faut pour chaque instrument et à travailler dur sur un passage en particulier jusqu’à ce qu’il sonne parfaitement.

On a retravaillé les morceaux durant un mois, puis en mars, retour à Brighton pour l’enregistrement qui a été la continuité de ce qu’on avait vécu en pré-prod.

  • Leur avez-vous également prêté main-forte quand on sait qu’ils sortiront très prochainement un nouvel EP trois titres « Water » ?

Pour ce qui est de cet EP, non, ils n’avaient pas encore composé les trois titres au moment de notre enregistrement. On s’est plus prêté main-forte mutuellement pendant nos tournées ou pour l’écoute de leurs morceaux avant qu’ils ne sortent, ou encore pour des détails. Ils voulaient par exemple un titre français pour l’une de leur chanson sur leur dernier album, on a pu les aider à ce moment-là.

1984- Influenza

  • Pour revenir à votre album, et ses onze morceaux qui le composent. Avez-vous des titres favoris ? Et si c’est le cas, pouvez-vous chacun me faire la présentation d’un titre : de ce qu’il signifie pour vous à comment vous comptez l’explorer scéniquement.

Kévin :  J’aime l’ensemble des titres de cet album. Comme on a passé beaucoup de temps sur chacun de ces 11 titres pour obtenir le meilleur de toutes les pistes et idées qu’on avait au moment de la compo. C’est pour moi presque tous des favoris ! Pour le live, l’un des morceaux qui me fait le plus vibrer, c’est Mystery fades. Avec sa rythmique groovy, il nous permet à tous les trois de faire corps sur scène, d’envoyer un bass-bat-guitare sur les couplets qui fait remuer le bassin (les nôtres mais ceux du public aussi) pour ensuite passer à de l’émotion pure au moment du refrain. On passe enfin à la rage et l’énergie sur le pont. Ce titre passe par tous les états émotionnels, la joie, la légèreté, la mélancolie, la rage et c’est ce qui fait son originalité et en tout cas un moment de partage très fort avec le public.

Thomas : Comme le dit Kévin j’aime beaucoup chaque morceau, il n’y en a pas un que je trouve moins bon que les autres enfin si… mais il n’est pas sur l’album.
« I don’t » est un très bon moment à chaque fois, c’est un morceau qui marche comme une voiture de course, (j’aime pas trop la comparaison que je fais avec les voitures de courses parce que je n’aime pas trop les voitures de courses en général..) c’est vrais qu’une fois les turbos lancés on ne peut plus le stopper ! Sur scène le jeu de batterie permet d’exprimer physiquement cette idée de grosse mécanique bien rodée, on se retrouve tous les trois propulsés jusqu’à la fin où nous avons une rupture plus calme qui monte pour exploser dans un solo final qui met tout le monde d’accord en général, au vu de l’applaudimètre! De plus Étienne et Kévin sont en train de préparer une petite chorégraphie qui rendra nos fans fous !

Étienne : Ce qui est bien, c’est que chaque chanson a son histoire et chaque histoire nous tient à cœur. Pour ma part, je choisirais Maze qui sera notre premier single. Elle est l’une des premières chansons composées pour cet album, c’était en tournée en Angleterre en 2008. Elle a changé de forme au moins trois fois, a été raccourcie, rallongée pour finalement donner un mélange que j’adore : une ritournelle pop, une rythmique plus complexe, un refrain et un solo épique et une montée intimiste avec une ambiance cinématographique en fond. Sur l’album comme en live, elle me surprend à chaque fois.

  • Difficile de passer à côté de ce sujet, vous êtes de Strasbourg, et je connais assez peu, si ce n’est pas du tout la scène musicale strasbourgeoise. Y-a-t-il un fort ancrage rock local et comment participez-vous à votre niveau au développement de la scène musicale locale ?

Kévin : Dans les années 80, il y avait un foisonnement musical incroyable autour du punk notamment. Comme on était jeune voire pas nés à ce moment-là, on se rend pas bien compte de ce que ça pouvait être. Mais depuis le milieu des années 2000, la scène locale est surprenante de qualité et de diversité. Je pense au garage rock des Plus Guest, au post-punk des Hermetic Delight, au punk-rock des Electric Suicide Club, à la cold-wave des Crocodiles Inc, à l’électro-rock des Colt Silvers, à la folk de Thomas Schoeffler, au math rock expérimental d’Electric Electric : tous ces groupes, et j’en oublie, ont tous une dimension nationale, voire internationale, sortent des disques énormes, ont des bonnes critiques dans la presse musicale européenne et tournent partout dans le monde !

On a l’occasion parfois de se croiser, d’échanger, de monter des projets ensemble, la scène locale à Strasbourg se parle de plus en plus et se développe de concert (ndlr, rires, y a un jeu de mots là).

Avec 1984, on avait tendance à être un peu autistes avant d’intégrer notre label Deaf Rock Records et puis progressivement des liens se sont crées. On a pu se conseiller mutuellement pour monter des tournées à l’étranger surtout, et il y a une émulation de plus en plus forte au sein de la scène strasbourgeoise !

  • Vous êtes entourés du label strasbourgeois Deaf Rock Records qui s’occupe également de votre promo. Comment vous êtes-vous dit un jour : « on va bosser ensemble » sur un album ?

Kévin : C’est juste avant notre grosse tournée chinoise que le contact s’est fait avec Deaf Rock Records. On se connaissait de loin, l’un des groupes du label répétait dans le même local que nous, et au bout d’un moment on s’est dit qu’il fallait qu’on se rencontre. Et puis au fur et à mesure, on se rendait compte qu’on avait la même vision de la musique, des buts à atteindre et des moyens d’y parvenir, du coup, se dire «on va bosser ensemble» s’est fait tout naturellement.

Ensuite, quand un label te dit: on vous produit les mecs, mais comme on est sympas on vous met à disposition un studio d’enregistrement, un ingé son (Monsieur Christophe Pulon) et les conseils avisés d’un pré-penseur (Julien Hohl, responsable du label), tu n’hésite pas trop avant de signer !

On a eu des conditions exceptionnelles pour préparer cet album et un vrai soutien de la part de l’ensemble des groupes très soudés du label (Plus Guest, Electric Suicide Club, Colt Silvers, La Mort de Darius).

Tout le crew a pris le temps d’écouter au fur et à mesure nos maquettes, de nous conseiller, de nous donner des idées, de nous redonner le moral quand on était dans des impasses, bref, une vraie famille! Le moins qu’on puisse dire c’est qu’on était plutôt bien au point sur notre nouvel album Influenza au moment où on est parti à Brighton enregistrer sous la direction artistique des Blood Red Shoes.

1984

  • Vous avez joué en 2008 en Allemagne et en Angleterre avec les Blood Red Shoes et fait quelques dates en Chine en 2010. Avez-vous ressenti des changements dans l’appréciation du public dans ces pays à l’égard de votre musique ? Et vous concernant, comment appréhendiez-vous ces concerts hors de France ?

Kévin/Étienne : On a surtout commencé par tourner en Allemagne et en Angleterre, pays des clubs de rock. On est situé à la frontière de l’Allemagne, c’est donc une opportunité énorme de s’exporter  qu’on a saisie dès le départ. Les Allemands ont vraiment une culture de clubs rock qu’on n’a moins en France. Puis on a ouvert pour Blood Red Shoes en Angleterre et le public a adhéré outre-Manche. On a senti une envie de découvertes dans ces pays-là et une grosse adhésion de leur part. C’est lors de ces moments qu’on a tissé des liens fort avec Blood Red Shoes, en partageant la scène mais surtout en dehors, en échangeant autour de nos cultures musicales, de nos vies, de nos ambitions, de nos désillusions aussi. On n’imaginait pas à ce moment-là travailler avec eux sur Influenza quatre ans plus tard.

Quand l’année d’après, on a tourné en tête d’affiche en Allemagne, ça faisait tellement plaisir de voir les gens au premier rang chanter par coeur nos paroles ! En France, on a toujours reçu un très bon accueil, évidemment à Strasbourg mais aussi beaucoup à Paris et dans le reste de la France, Toulouse et La Roche-sur-Yon notamment.

La Chine en 2010 : un autre monde. On a joué dans des clubs bondés, notamment à Shanghaï, où tu te retrouves avec 300 chinois déchainés pendant le concert et qui ne lâchent rien ensuite en backstage pour faire des photos ou avoir un autographe. On a passé de très bons moments là-bas avec le public! Après un concert dans le centre de la Chine, on est allé dans un bar avec des fans. Ils nous ont commandé 40 bières, les ont toutes ouvertes d’un coup et ben après, il faut tout boire ! Dans un sens, c’est plus facile de jouer à l’étranger, on part à l’aventure. La France c’est un peu la maison, et au début c’était toujours plus stressant de jouer à la maison, on adore maintenant en découvrir tous les recoins.

  • Votre dernière tournée en novembre 2012 avec les Blood Red Shoes fut-elle l’occasion pour vous de dévoiler vos nouveaux titres et de les roder scéniquement ou avez-vous préféré les réserver pour la sortie d’Influenza ?

La tournée de novembre 2012 a été parfaite justement parce qu’elle nous a permis de roder nos morceaux en live. On les avait très peu joués finalement et la scène nous a révélé de bonnes surprises. Nous avions par exemple des doutes encore sur un morceau qui a finalement très bien marché. C’était très important de voir comment les gens réagissaient à chacun des titres, on n’a pratiquement joué que des nouvelles sauf deux anciennes.

  • D’autres dates sont-elles annoncées prochainement d’ici la sortie de votre nouvel album ?

Oui, le calendrier commence à se préciser. Une release party est prévue le 07 février à La Laiterie de Strasbourg avec nos amis Colt Silvers, puis un mois plus tard précisément, nous serons à Paris pour un live à la Maroquinerie. Les tournées débuteront en mars avec l’Allemagne, l’Italie, la Croatie, la Hollande puis la France fin avril et une tournée Chine-Japon toujours avec les Colt Silvers en mai. Juin verra une deuxième tournée allemande puis la saison des festivals commencera.

  • Que puis-je vous souhaiter avec Influenza ?

Une fièvre continue durant toute l’année, qui s’accentue au fil des mois et qui flirte avec la folie !

  • Je vous laisse conclure à votre manière cette rencontre…

Hiboux et Moutons.

1984

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Fred Lombard

Fred Lombard

rédacteur en chef curieux et passionné par les musiques actuelles et éclectiques